• Concert Rainier Lericolais à l'Ecole des Beaux-Arts de Rouen

    Des problèmes d’électricité bourdonnante et d’incompatibilité entre ordinateurs tendent l’atmosphère quand j’arrive jeudi un peu avant quinze heures dans la salle qui sert d’auditorium à l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen pour y ouïr un concert donné par Rainier Lericolais en complément de l’exposition Intangible du même présentée en ces lieux il y a un mois.

    Rainer Lericolais reste calme. Il y a ici un orgue de Barbarie sur lequel on peut au moins compter.

    Je m’assois au fond de la salle en compagnie de Jean-Pierre Turmel, lequel m’offre l’exemplaire numéro quatre-vingt de Mité Magazine, une coproduction Sordide Sentimental/ Rainier Lericolais incluant un cédé. Mité signifie Regarde en japonais et le cédé est une compilation par laquelle l’artiste rend hommage à ses ami(e)s. Arrivent Le Major avec sa caméra (Sommes-nous toujours brouillés ? (comme dirait Félix Phellion). Oui) et un journaliste anonyme de ma connaissance avec son stylo.

    Les problèmes techniques se résolvent. Je reçois un deuxième cadeau des mains de Catherine Schwartz, cheville ouvrière (comme on disait autrefois) d’Intangible et de ses suites, le numéro spécial trilingue, français, anglais, japonais, coproduit par Sordide Sentimental de ParAître (journal de l’Ecole Régionale des Beaux-Arts de Rouen) incluant un disque quarante-cinq tours.

    Catherine Schwartz le présente ainsi :

    « Le disque qui accompagne une partie des exemplaires de cette édition est un 45tours: il s'agit là non pas de nostalgie technique mais bien de contact analogique. Il fut conçu par Rainier Lericolais avec la participation de collaborateurs de longue date : Geoffroy Montel (label Brocoli et membre du groupe Minizza), David Sanson (avec lequel Rainier Lericolais fonda son premier groupe), l’omniprésente Lili-Kim, et Simon Fisher Turner (musicien anglais auteur de nombreuses musiques de films -notamment pour Derek Jarman- et du projet noimage avec R.L.) ainsi que de Stephan Eicher, qui saisit cette occasion de s’associer pour la première fois à un projet de Rainier Lericolais en proposant une « traduction » expérimentale et sensible du texte de Jean-Pierre Turmel. »

    Arrivent tranquillement quelques beauzarteuses et beauzarteux, pour qui ce concert en deux temps est organisé.

    Caroline Jourdain interprète d’abord à l’orgue de Barbarie une première œuvre de Rainier Lericolais. Celui-ci a reproduit sur le carton les quatre-vingt-huit constellations, pour chaque étoile un trou. La galaxie défile en cinq minutes de musique intersidérale.

    Rainier Lericolais s’installe ensuite devant son ordinateur pour un savant mixage de musiques électroniques et de voix féminine japonaise et masculine allemande pendant que sont projetés sur le mur des films animaliers de Jean Painlevé qu’admirait André Breton. Nous nous instruisons sur Les Amours de la pieuvre et Comment naissent les méduses. La musique, les images, tout cela est très sexuel et dure une demi-heure pour mon contentement.

    L’artiste l’a expliqué, ces films ne sont projetés que parce qu’il est vite lassant de regarder quelqu’un installé derrière un ordinateur. Il n’empêche qu’à l’issue les questions portent sur les coïncidences ou concordances de la musique avec l’image.

    -Je ne vois pas les images, répond-il, elles ne sont là que pour les spectateurs.

    -On peut mettre n’importe quelle musique sur un film et ce sera la même chose, ajoute-t-il, ça marche à tous les coups.

    En réponse à une nouvelle question, il explique comment il procède techniquement pour mixer ses fichiers et puis c’est l’heure de fumer une cigarette dehors, fin de ce concert plus ou moins privé ouvert seulement aux élèves et au personnel de l’Ecole.

    *

    Au Vascoeuil, je lis en grande diagonale un roman écrit en mil neuf cent quatre-vingt-huit par la Chilienne Diamela Eltit, vanté en ces termes par son éditeur Christian Bourgois « Quart-monde fait partie de ces romans « scandaleux » qu’on vouait autrefois à l’Enfer des bibliothèques. » Ce pourquoi sans doute je l’ai acheté il y a bien longtemps, je ne sais plus où (il porte en première page un cachet Ministère de l’Intérieur Centre de Documentation et Dépôt Légal). Rien de scandaleux (même avec des guillemets) dans cette histoire d’inceste entre un frère et sa sœur traitée avec cet onirisme soûlant que l’on trouve régulièrement dans la littérature sud-américaine. Je me suis fait avoir par Christian Bourgois, lequel en a pourtant publié des romans « scandaleux » (c’était dans la décennie soixante-dix), comme ce roman de Gianni Segré intitulé La Confirmation, toujours disponible et réédité en poche au Cercle. Je n’ai jamais pu savoir qui est Gianni Segré.

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