• Concert Ravel et Chausson à la Halle aux Toiles (pour l’Opéra de Rouen)

    Après Satie et Monet, j’en suis à Ravel ce mercredi soir, et Chausson que je ne connais pas, programmés par l’Opéra de Rouen à la Halle aux Toiles. J’attends devant la porte ouverte quand deux guichetières altières (l’une à chapeau, l’autre à tatouage) me marchent presque sur les pieds sans me dire bonjour et vont s’installer à leur guichet. La vieille dame à cheveux blancs arrive qui semble avoir eu toute la journée le même programme que moi. Elle me dit qu’elle n’a pas aimé l’Esprit de Satie et qu’elle a renoncé à visiter Monet et compagnie.

    A l’ouverture de la salle, je ne prends pas ma chaise habituelle, choisissant l’extrémité gauche du premier rang.

    -Vous m’avez volé ma place, me dit la dame à cheveux blancs en s’asseyant à côté de moi.

    -J’avais envie de vous embêter, lui dis-je.

    Arrivent Hélios et Florient Azoulay. Je félicite ce dernier, grâce à lui on sait à quoi peut servir le buste du Canuet qui décore la salle du Conseil Municipal. Hélios m’apprend que pour lui la visite de l’exposition impressionniste, c’est jeudi.

    -Ah, vous faites partie du gratin, vous allez voir Pierre Bergé.

    Je me renseigne un peu sur Ernest Chausson lisant sur le livret programme que sa carrière fut prématurément interrompue en mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf à la suite d’un fatal accident de bicyclette.

    Derrière moi, une dame discute avec son voisin qui lui annonce qu’il a déjà ses places pour le festival Automne en Normandie.

    -Je croyais que la location n’était pas encore ouverte, s’étonne la dame.

    -Oui, mais je connais Alexandra qui s’en occupe alors j’ai déjà toutes mes places. Il faut faire fonctionner son carnet d’adresses. Si vous avez du mal à avoir des places pour Automne en Normandie, demandez Alexandra et dites-lui que vous venez de la part de monsieur Lépouzé.

    La dame lui fait répéter son nom, elle ne connaît manifestement pas l’ancien libraire.

    -J’ai mes places avant l’ouverture des locations pour tous les évènements, se vante-t-il. Parfois des mois à l’avance. Remarquez, c’est un peu gênant parfois.

    Je m’attends à l’évocation de quelque scrupule moral.

    - Oui c’est un peu gênant, parce qu’on prend des engagements pour dans longtemps sans savoir si on sera encore vivant.

    Il reste beaucoup de places libres quand arrivent Jane Peters et Florent Audibert pour la Sonate pour violon et violoncelle en do majeur de Maurice Ravel, œuvre réjouissante qui suscite de nombreux applaudissements à l’issue.

    Pendant le court entracte, je bavarde avec l’un de mes fidèles lecteurs qui m’annonce un prochain départ pour la Suède où son amie a trouvé à s’employer puis je retourne m’asseoir près de la dame à cheveux blancs.

    -On va finir par croire que nous sommes de la même famille si on nous voit toujours ensemble, lui dis-je.

    -Et cela vous dérangerait ? me demande-t-elle.

    -Oui beaucoup.

    -Moi aussi.

    C’est le moment de Chausson dont on donne le Concert pour piano, violon et quatuor à cordes en ré majeur. Je suis très bien placé pour voir le jeu de Laura Fromentin au piano, celui de Jane Peters au violon et le joli dos nu d’Elena Pease au deuxième violon. La musique de Chausson est une très bonne découverte et obtient un joli succès d’applaudissements.

    En rappel, annoncé par Jane Peters, est repris le deuxième mouvement, une « Sicilienne ». Je dis au revoir à la vieille dame à cheveux blancs. Hélios Azoulay m’interpelle :

    -Alors Michel, que choisir Satie, Ravel ou Chausson ?

    -On ne peut pas choisir, lui dis-je.

    C’est aussi son avis. Il me vante la musique de Chausson et je lui dis mon plaisir d’avoir découvert ce musicien au nom déplorable.

    Il fait grand jour quand je rentre en contournant l’obstacle appelé Cathédrale de Rouen.

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