• De Rouen à Paris, par le train au ralenti

    Quand j’arrive à la gare de Rouen, ce lundi matin, pour y prendre le train de sept heures vingt-six, je constate que l’accès aux quais est filtré par des contrôleurs appuyés par des policiers de la Brigade Ferroviaire, ce que la voix venue d’en haut appelle une « opération accueil embarquement ».

    Je vais m’asseoir, ne tentant pas d’accéder au quai numéro deux avant que le train soit affiché comme je l’ai fait une fois, n’étant pas d’humeur à discuter avec un contrôleur à l’ombre des matraques.

    Lorsque le numéro de quai est enfin affiché, les deux contrôleurs font face comme ils peuvent à la foule pressée de se placer au mieux sur le quai pour espérer une place assise. Sur la voie voisine, le train pour Motteville part avec seulement une vingtaine de voyageuses et de voyageurs à son bord.

    Le train est à l’heure mais il est à un seul niveau. Certain(e)s restent donc debout ou doivent s’asseoir par terre. Bientôt, la voiture où j’ai trouvé place se transforme en dortoir. Quelques ronflements se font entendre. Seule une mâcheuse de chouigne-gomme est à l’ouvrage parallèlement sur trois écrans : ordinateur, tablette et téléphone. Passe sans s’arrêter une équipe de télévision : gros micro et caméra.

    Il fait encore nuit quand le train commence à sérieusement ralentir, sans doute sommes-nous du côté de Mantes-la-Jolie. Au bout d’un moment, la voix du contrôleur réveille les endormi(e)s expliquant que ce ralentissement est dû à « un dérangement des installations de sécurité en gare des Mureaux ». Il annonce un retard de « douze minutes environ ». Quelques-un(e)s soupirent, mais nul(le) ne commente.

    Ce retard s’accentue puisque le train ne retrouve jamais sa vitesse normale. Le contrôleur, dans un nouveau message, évoque « la forte affluence de ce jour » et prie « d’accepter les excuses de l’entreprise si cette affluence à des conséquences sur le confort de votre voyage ».

    De ralentissement en ralentissement, on finit par arriver à Paris. Le contrôleur reprend la parole. Il présente ses excuses pour « ce retard dû à un changement de matériel dû à une pénurie de matériel due au changement climatique de ces derniers jours ». Cette ébouriffante explication fait sourire chacun(e). Il est neuf heures cinq. Nous devions être à Paris à huit heures trente-huit, vingt-sept minutes de retard (pour le billet remboursé, c’est à partir de trente).

    Durant la journée, je vaque à mes occupations habituelles et suis de retour à Saint-Lazare pour y prendre le train de seize heures cinquante. La voix de la gare annonce la suppression du train de Gisors en raison d’« une pénurie de matériel ». Pour celui de Rouen, pas de problème, assez de places assises et aucun retard, j’arrive à dix-huit heures une, comme prévu.

    Pendant mon dîner, je regarde les informations régionales à la télévision. On y diffuse le reportage réalisé dans le train de ce matin suivi d’une interviou de Guillaume Pépy, patron de la Société Nationale des Chemins de Fer, lequel déclare que la ligne Paris Rouen Le Havre a été négligée pendant de très nombreuses années et que c’est fini, on s’en occupe. Le commentateur conclut en indiquant que cette déclaration a maintenant deux ans.

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    Boulevard Saint-Germain, une affichette sur une cabine téléphonique : « Demandons à Monoprix de ne plus vendre d’œufs de poulets de batterie. C’est cruel. »

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    Mots entendus dans de jeunes bouches parisiennes : babiole (que je croyais disparu), charbonner (que je n’avais pas encore ouï, synonyme de bosser).

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