• Des milliers de livres à la vente rouennaise d'Amnesty International (dont certains pour moi)

    Après une nuit perturbée par une inquiétante lueur blanche et froide (mon téléviseur s’étant mis en route de lui-même, balayant toutes les chaînes à grande vitesse puis recommençant, cela le jour même où je reçois l’ordre de payer la redevance), je suis samedi matin avant neuf heures, le premier devant la Halle aux Toiles où l’antenne rouennaise d’Amnesty International organise sa grande vente de livres.

    Il n’empêche qu’à l’ouverture des portes, je me fais doubler par les professionnel(le)s dont les objectifs prioritaires sont : premièrement les livres d’art, deuxièmement la philosophie. Une naïve organisatrice constatant la ruée se réjouit à voix haute qu’autant de gens s’intéressent à la philo, je ne songe pas à la détromper en lui révélant l’atroce vérité.

    C’est que de mon côté je n’ai pas de temps à perdre, d’autant qu’ici les livres sont très peu chers, cinquante centimes les poches, entre un et deux euros la plupart des autres.

    Mon sac est bien rempli quand je passe à la caisse. Un de mes achats n’a pas de prix indiqué. Une vendeuse le met à un euro cinquante. Je m’en étonne, lui faisant remarquer que d’autres plus gros sont à un euro. On ne marchande pas ici, m’avertit une autre, cependant qu’une troisième s’en mêle et dit que si, il y a un prix, c’est un euro cinquante, et la première lui répond, évidemment c’est moi qui viens de le mettre.

    -Dire qu’il faut toujours supporter ces dames d’association, leur dis-je, heureusement qu’il y a les livres.

    L’une d’elles me répond qu’il faut aussi supporter certains clients (je ne peux pas lui donner tort).

    J’y retourne à l’heure du déjeuner, trouve encore de quoi remplir mon sac et ça ne se passe pas mieux au moment de payer. Cette fois, la vendeuse veut poser mes achats à l’endroit où elle mange, dans les miettes de son sandouiche. Je lui dis de ne pas mettre mes livres dans la confiture et exige d’aller à l’autre bout de la table.

    -Qu’est-ce vous avez contre nous aujourd’hui ? me demande-t-elle.

    -Rien, lui dis-je, c’est juste que je ne mélange pas les livres et la nourriture.

    Il ne faut pas que j’y retourne une troisième fois. On finirait par croire à la Halle aux Toiles que j’ai mauvais caractère.

    Heureusement qu’il y a les livres; beaucoup pour moi, parmi lesquels Le Livre des snobs de William Makepeace Thackeray (chez Poche-Club avec une préface de Matthieu Galey), Philobiblon ou l’amour des livres de Richard de Bury (Anatolia/Le Rocher), Le Cabinet noir de Max Jacob (L’Imaginaire), La petite pièce hexagonale de Yoko Ogawa (Babel), Scènes de la vie d’un propre à rien de Joseph von Eichendorff (Phébus, je l’ai déjà dans une autre édition), Conversation extraordinaire avec une dame de ma connaissance de Carlos Drummond de Andrade (Métailié), Le bon vieux et la belle enfant d’Italo Svevo (Le Seuil) ; un peu pour elle, parmi lesquels Les braves gens ne courent pas les rues de Flannery O’Connor (Folio) ; un pour nous deux puisqu’en double, le sulfureux Margot la Ravaudeuse de Fougeret de Monbron (Zulma), bref moult ouvrages qui constituent un potentiel réservoir de mauvaises vies, et de quoi a-t-on le plus besoin si ce n’est de mauvaise vie en ce moment où de façon inquiétante soufflent de concert brise marine et petit vent d’amont.

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