• Deux manifestations rouennaises qui en font une (contre la xénophobie d’Etat et pour défendre la retraite à soixante ans)

    Sous mon grand parapluie noir, je me rends à la Halle aux Toiles ce samedi matin pour une nouvelle visite de la vente de livres d’Amnesty International. Moins de monde qu’hier dans la vaste salle, j’achète les Despeches de guerre et d’amour du Béarnais, une édition hors commerce à tirage limité de la maison Robert Laffont (le Béarnais, c’est le roi Henri le Quatrième) et quelques livres de poche. Je dois expliquer à l’une des dames vendeuses ce qu’est un livre de poche. Elles n’y connaissent rien, vendant des livres au profit de leur association parce que ça se vend, comme elle feraient la même chose avec n’importe quoi se vendant.

    Sorti de là, je prends le chemin du Rêve de l’Escalier. Devant la Fnaque, à deux pas du lycée Camille Saint-Saëns, des percussionnistes aident Action contre la Faim à se faire voir et entendre. Un peu plus loin, rue Guillaume-le-Conquérant, c’est la Fête du Ventre, dédiée à la goinfrerie. Aucun livre pour moi  à la bouquinerie ; je passe par le marché du Clos Saint-Marc où je m’alourdis de fruits et légumes.

    A quatorze heures, je suis devant le Palais de Justice pour la manifestation organisée par le Collectif pour la Défense des Libertés Fondamentales contre la xénophobie d’Etat et la nouvelle loi Besson votée en ce moment dans la plus grande discrétion. Une porteuse de banderole arrive et je me retrouve avec l’un des bâtons dans la main. Dans l’autre, j’ai mon parapluie, il drache sévèrement.

    Il n’y a pas de ficelle pour fixer cette banderole au garde-fou du métro. L’un se dévoue pour en acheter chez Monoprix. Quand il revient, je lâche ce truc. Tout ce qui est collectif m’agace, ainsi ces slogans que crient celles et ceux qui sont là quand approche l’autre manifestation, celle pour la défense des retraites. Le cortège remonte la rue de la Jeanne et s’arrête à notre hauteur. Yvon Miossec prend le micro et fait le point sur la situation des immigrés. La pluie a cessé.

    Quand le flot repart je m’intègre, marchant avec les premiers et premières derrière une camionnette qui diffuse des chansons de circonstance. En haut de la rue de la Jeanne, on s’arrête une nouvelle fois. Je me retourne. La rue est emplie de manifestant(e)s jusqu’au pont Boieldieu. C’est beaucoup, mais moins qu’on ne pense.

    Par le boulevard et la rue Louis-Ricard, on redescend vers l’Hôtel de Ville, fin du parcours. Sur la place sont installés une scène et les tentes des cheminots du Centre de Fret de Sotteville dont l’activité est menacée. Il est question de prises de parole, la dernière chose dont j’ai envie.

    Je m’éclipse et passe à la boulangerie. La boulangère est en train de se faire engueuler par son boulanger de mari. Il revient de la banque où on lui a dit que son billet de cinquante euros était un faux. C’est la deuxième fois que ça arrive.

    -On a cent euros dans l’cul, peste-t-il.

    Il ajoute qu’il a demandé à la banque qu’on lui redonne son billet et on n’a pas voulu.

    -J’aurais pourtant bien trouvé le moyen de le refiler à quelqu’un d’autre, conclut-il.

    *

    Dans les Despeches de guerre et d’amour du Béarnais : J’ai reçu un plaisant tour à l’église ; une vieille femme de quatre-vingts ans, m’est venu prendre la tête, et m’a baisé ; je n’en ai pas ri le premier. Demain vous dépolluerez ma bouche. (Lettre à Gabrielle d’Estrées, dix-huit décembre mil cinq cent quatre-vingt-quatorze)

    *

    La Fête du Ventre est une ancienne tradition des marchands des Halles réinventée depuis quelques années par le petit commerce rouennais. On y trouve des boutiquiers et des boutiquières de la rue où elle se déroule, d’autres qui vendent habituellement dans les marchés et deux commerçantes de la rue Saint-Romain qui proposent, l’une ses caiques, l’autre sa vaisselle en Vieux Rouen fraîchement fabriquée.

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