• Deux vide greniers parisiens (Charonne, Belleville) dimanche matin

    Dimanche, à sept heures, je suis accueilli à la station Simplon par la même équipe de contrôleurs que la veille, de qui je n’ai rien à craindre. Après avoir changé à Barbès, je prends la direction de Nation. Dans la rame, un garçon et une fille s’embrassent profondément puis se tiennent tranquilles à l’arrivée de trois policiers dont les yeux sont bien réveillés. Quelques stations plus loin, se levant de son siège pour descendre, le garçon manifestement ivre perd l’équilibre et tombe entre sa copine et les policiers. Une autre fille, assise un peu plus loin, éclate de rire. Les policiers restent cois. La fille, ne sachant où se mettre, relève son copain, l’aide à descendre. Celui-ci respire un grand coup sur le quai puis je ne le vois plus et descends à Avron, une station qui m’éveille des souvenirs (à l’autre bout de cette rue, l’hôtel Printania où j’ai passé une semaine il y a presque sept ans avec celle rencontrée quelques mois plus tôt).

    Boulevard de Charonne s’étend le vaste vide grenier annuel organisé par le Lyons Club où sont proposés beaucoup de livres. L’un d’eux ne peut passer inaperçu, c’est le big one, quarante-deux centimètres sur trente, avec en couverture la reproduction du Roi des chats. Livre d’Alain Virconcelet, il est titré Les chats de Balthus et fut publié par Flammarion. Aujourd’hui épuisé, il se vend soixante euros sur Internet. Je demande à la vendeuse combien.

    -Je ne sais pas, me dit-elle. Faites-moi une offre.

    C’est la dernière chose que j’aie envie d’entendre. Je lui dis que je préfère qu’elle me donne son prix et que je verrai si ça me va, m’attendant au pire. Elle me répond :

    -Cinq euros. Ce n’est pas trop ?

    Ce serait inconvenant de marchander. Je mets le beau livre dans mon sac lorsque tombent les premières gouttes d’une averse. Je la laisse passer en prenant un café au bar anarchiste Le Quatre-Vingt-Seize dont les murs des toilettes sont couverts d’autocollants subversifs parmi lesquels un « Votez ! » d’actualité dont le o est la boucle d’une corde de pendu.

    La drache finie, je reprends le métro à Avron et descends à Jourdain, quartier de Belleville, pour mon deuxième vide grenier. Trois étalages, dont celui du bouquiniste du lieu, m’accueillent à la sortie. Je m’adresse au vendeur de vinyles : « Il y a une suite à ce vide grenier ou bien vous n’êtes que trois ? » Il m’indique cette suite, qui commence dans la petite rue à gauche et se ramifie alentour. Là aussi beaucoup de livres et des cédés. J’achète surtout de ces derniers à une vendeuse sympathique qui en demande un euro pièce : Tracks From The Story d’Arno, Saint-Tropez à l’envers le volume trois de l’intégrale des chansons de Rezvani et le meilleur de Marie-Josée Neuville que j’ai déjà, il réjouira celle qui travaille même le dimanche à New York. J’obtiens de plus en cadeau une anthologie de Suzy Solidor dont le boîtier est cassé.

    Lourdement chargé, je retourne aux Amiraux puis ressors déjeuner. J’opte pour la cantine égyptienne « Le Kouchery du bon cœur », rue Joseph-Dijon, un restaurant végétarien géré par une association humanitaire dont les bénéfices permettent de distribuer des repas aux jeunes dans le besoin. Le plat est unique, un kouchery en trois tailles : petit moyen grand, plat traditionnel « composé d’une nappe de riz surélevée par une couche de pâtes et de lentilles accompagnées de pois chiches et d’oignons grillés arrosé d’une sauce tomate », lis-je sur le menu. J’en prends un moyen à quatre euros que je mange à la cuiller. C’est bien bon.

    Il est ensuite temps de rentrer à Rouen où je dois voter sans me mettre la corde au cou.

    Partager via Gmail Yahoo!