• Double Te Deum (Charpentier, Lully) à l’Opéra de Rouen

    Jeudi dernier, passant à l’Opéra de Rouen chercher mon billet pour le double Te Deum (Charpentier, Lully), j’apprends que je suis à l’orchestre un peu trop sur le côté. « Rien de mieux pour l’instant », me dit la guichetière qui me conseille d’attendre. Je repasse samedi après-midi et constate qu’une bonne fée s’est penchée sur mon cas, je suis maintenant en corbeille dans le carré des abonné(e)s de première catégorie.

    C’est donc là que j’étudie le livret-programme ce dimanche après-midi : à la direction musicale Vincent Dumestre, orchestre du Poème Harmonique, chœur Capella Cracoviensis. La dame à cheveux blancs songe à s’asseoir à sa place personnelle puis décide de tenter une chaise devant la scène, s’expliquant avec les placeuses d’un funèbre:

    -Je me mets dans la fosse.

    Dernière moi, on n’est pas moins sombre, une dame parle des deux décès qu’elle a appris le même jour. Un peu de gaîté est bienvenue, offerte par ces deux Te Deum, celui de Charpentier composé pour célébrer une victoire militaire de Louis le Quatorzième et celui de Lully pour célébrer le baptême de son fils dont le parrain était ce même Louis le Quatorzième.

    Le chœur et l’orchestre s’installent. Les musicien(ne)s s’accordent longuement. Frédéric Roels, directeur artistique et général de l’Opéra, tirant derrière lui le fil rouge d’un micro, nous explique que les deux compositeurs étaient rivaux mais sont ici réconciliés, merci d’éteindre vos téléphones, et je vous informe que Vincent Dumestre dédicacera à la fin du concert et parlera avec qui veut. Les solistes arrivent et enfin le chef.

    -Ah, voilà Vincent ! s’écrie une jeune femme de mon voisinage.

    Ça démarre comme à la télévision, la faute à l’Eurovision qui a dénaturé le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, mais on oublie vite et je me laisse prendre, notamment par les performances vocales des solistes Amel Brahim-Djelloul (dessus), Aurore Bucher (dessus), Reinoud Van Mechelen (haute-contre), Jeffrey Thompson (taille) et Benoît Arnould (basse).

    Avant le second, Vincent Dumestre prend la parole, laissant clairement entendre que des deux il préfère celui de Jean-Baptiste Lully qui permet des jeux subtils entre le chœur, les solistes et ce qu’il appelle le petit chœur composé des cinq solistes augmentés de trois autres. Il n’a pas tort. Les trois solistes masculins font des merveilles. Les deux femmes n’en ont pas l’occasion. Lully aurait-il davantage pris garde à elles s’il avait eu une fille, c’est ce que je me demande.

    Une bonne portion de ce Te Deum est bissée suite à de copieux applaudissements. Je rentre par un vent glacé, songeant à Lully mort de son beau Te Deum dix ans après sa création (le dirigeant pour fêter une guérison du roi, il se blessa avec sa canne d’où une fatale gangrène).

    *

    Paris Normandie semble bien renseigné sur ce qui se passe à l’Opéra de Rouen, une brève donne le bilan de la création mondiale de l’opéra Lolo Ferrari. Ce n’est pas brillant : « Pas vraiment aidé par les conditions météo, l’Opéra de Rouen a bouclé les trois représentations de la création contemporaine Lolo Ferrari par un maigre bilan : à peine 2000 entrées dont, semble-t-il, près de la moitié d’invitations. La recette de billetterie se monterait à 19.000€ pour un coût de plus de 550.000€. Raide! ».

    Frédéric Roels a du souci à se faire avec celles et ceux qui ont pour principale préoccupation ce qu’on fait de leurs impôts. Il pourra toujours leur répéter (il aime cette formule) que « l’opéra est l’art de la démesure ».

    *

    Démesure relative quand on la compare avec la dépense engagée par les régions normandes et les départements hauts normands pour promouvoir Normandie Impressionniste et l’Armada de Rouen dans la capitale. « Coût de la campagne de pub’: 260 000 euros » annonce 76 actu.

    Et où donc toute cette publicité ? A Saint-Lazare, la gare des Normands, là où tout le monde connaît déjà l’existence de ces deux évènements.

    Si on m’avait demandé mon avis, je l’aurais collée aux flancs des taxis ou au cul des bus.

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