• Draping, les dessous du patrimoine rouennais avec Hélios Azoulay

                C’est une première, cette année, à Rouen les Journées du Patrimoine ne sont pas seulement une histoire de vieilles pierres et de métiers déclinants, cela grâce à Laure Leforestier, maire adjointe, qui a confié à Laure Delamotte-Legrand l’organisation d’une soirée Dessous du patrimoine intitulée Draping (une allusion au passé drapier de la ville), l’air frais de l’art contemporain, danse, installations, performances et concerts, injecté dans la tradition traditionnelle.

                Il est vingt heures quand j’entre avec celle qui m’accompagne dans l’église Saint-Maclou où sont déjà rassemblés moult spectateurs, c’est le lieu où se produisent Hélios Azoulay et son Ensemble de Musique Incidentale.

                A l’affiche Les Quatre Saisons de Vivaldi, un Poncif pour quintet à cordes signé dudit Azoulay. Le voici, costume orange à fines rayures brunes, et l’air parfaitement narquois :

                -La plupart des compositeurs contemporains font de la musique ennuyeuse pour distraire le public, annonce-t-il, moi je fais de la musique distrayante pour ennuyer le public.

                Et en route pour un beau crime de lèse-Vivaldi. Cela fonctionne à merveille, les premiers à s’enfuir sont celles et ceux qui ont mal étudié le programme, ayant lu Les Quatre Saisons de Vivaldi au lieu de Les Quatre Saisons de Vivaldi d’Hélios Azoulay, suivent celles et ceux qui ne peuvent pas supporter ça et dont le nerf auditif est douloureux, il reste heureusement beaucoup d’amateurs qui, comme elle et moi, prennent beaucoup de plaisir à l’exécution de ce Poncif

                Dans la préface à cette œuvre, Hélios Azoulay écrit : « Rares sont les raisons qui maintiennent encore légitime le métier de compositeur. Parmi elles, se trouve celle d’avoir à bouleverser la situation de concert. » . Il ajoute : « Et parce que l’on ne renverse totalement que ce que l’on reconnaît complètement, c’est précisément les lieux communs les plus absolus qui seront les plus efficaces. Pour dissiper tout malentendu, il est important de souligner que le renversement n’est ni relecture, variation ou paraphrase, ni même détournement. Renverser une œuvre doit agir précisément et comme le plus élégant des sabotages. » et conclut : « Le titre de la composition achève définitivement de transformer la situation de concert en un traquenard. J’ai intitulé cette forme Poncif. »

                Suit, présenté par le même Azoulay, Socrate d’Erik Satie, merveilleusement chanté par Marielle Rubens, avec au piano : François Lambret.

                Je resterais bien là et elle aussi, pour y entendre ensuite un autre Poncif d’Hélios La scène avec Mickey dans Fantasia et deux échantillons de La Musique d’Ameublement d’Erik Satie, mais il y a aussi à voir ailleurs et nous filons vers l’Abbatiale Saint-Ouen pour y regarder Julie Nioche qui danse dans la nef. Ça s’appelle Hachedeuzo-Hainacéhelle-Céacéotrois et ce n’est pas désagréable à voir. Nous courons ensuite au Musée des Beaux-Arts où nous découvrons les photos, dessins et sculptures d’Eric Wurm, bien déçus nous repartons mais arrivons trop tard pour la performance intitulée Cabaret automobile proposée par Karine Bonneval dans la Petite Galerie de l’Ecole des Beaux-Arts, dommage, alors on retourne à l’église Saint-Maclou retrouver Hélios Azoulay.

                Un Prélude en Tapisserie d’Erik Satie, joué au piano par François Lambret, en amuse-oreilles et revoici l’Ensemble de Musique Incidentale avec Helios Azoulay à la clarinette pour le long et répétitif Clarinet and String Quartet de Morton Feldman qui dans Entre catégories écrit : « Je m’intéresse à la manière dont le temps existe avant que nous posions nos pattes sur lui… ». Hélios qualifie cette œuvre de musique d’endormissement et prévient :

                -Si votre voisin plonge dans le sommeil, ne le réveillez surtout pas.

                J’échappe de peu à cet endormissement et celle qui est assise à ma gauche également.

                Il est minuit trente quand nous regagnons la maison tout heureux d’avoir découvert ce zozo d’Azoulay.

                -J’espère bien l’entendre à nouveau un jour, lui dis-je. Sur la scène de l’Opéra de Rouen par exemple, je serais curieux de voir et d’entendre ça.

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