• Du vide-grenier du Petit-Quevilly au vide-bulletin des Elections Régionales en passant par le vide relatif laissé par Jean Ferrat

    Heureusement qu’il y en a qui courent dans les rues en tenue de sport le dimanche matin tôt, se livrant volontairement à cette fatigante occupation dangereuse pour la santé, sinon à qui pourrais-je m’adresser pour trouver les vide-greniers que je ne sais pas situer.

    Ce jour d’Elections Régionales, un homme en chorte m’indique comment aller jusqu’au Centre Commercial des Bruyères du Petit-Quevilly. Là, les exposant(e)s s’installent  sur le parquigne autour duquel que des magasins de discompte. Je ne m’attends pas à trouver des merveilles et cela se confirme. Je repars du P’tit Cul avec rien qui vaille la peine d’être noté.

    Rentré à Rouen, je fais le tour du Clos, côté bouquinistes et vieilleries diverses. Une dame s’approche d’un vendeur d’assiettes anciennes.

    -J’en ai des assiettes comme ça à vendre, lui dit-elle.

    Il fait le type pas intéressé (vieille tactique de métier) puis demande l’adresse. La dame lui dit de venir l’après-midi quand son mari n’est pas là. Après son départ, le commerçant s’adresse à son voisin collègue.

    -Elle veut garder l’argent pour elle et elle m’a même pas demandé le prix où j’les vends, c’est bon.

    Un autre qui essaie de faire des affaires ce matin met en avant un trente-trois tours de Jean Ferrat, mort la veille en tombant de son lit à l'Hôpital d'Aubenas.

    -Jean Ferrat qui meurt, c’est le dernier des grands qui s’en va, après Léo Ferré, Georges Brassens et Jacques Brel, a dit hier soir Michel Drucker dans ma télévision.

    Il ne faut pas exagérer. Le dernier mort n’est pas à la hauteur des trois premiers. Egoïstement, je pense que c’est encore un morceau de mon enfance qui s’en va. Le Ferrat du début, c’est celui que j’aime toujours, que j’écoute encore sur la route des vacances avec celle qui revient aujourd’hui de Riga, le Ferrat de Ma môme, La Montagne, Nuit et brouillard, Deux enfants au soleil, Federico Garcia Lorca, Les Nomades, Mes amours, La Fête aux copains, C’est beau la vie, Quatre cents enfants noirs, Nous dormirons ensemble et De Nogent jusqu’à la mer :

    Tu t'éveilles et tu souris
    De Nogent jusqu'à Paris
    Je t'enlace doucement
    De Paris jusqu'à Rouen
    C'est l'amour qui nous est offert
    De Rouen jusqu'à la mer
    La mer où les amoureux
    Peuvent s'embarquer
    Du Havre vers le monde entier

    Après, il y a le Ferrat compagnon de route du Parti Communiste (comme ils disent), lucide sur la Tchécoslovaquie (Camarade), aveugle sur Cuba (Cuba si), mettant en pesante musique de pesants poèmes d’Aragon.

    En quelle année est-ce que j’ai vu et écouté Jean Ferrat dans le parc du Château des Sablons au Vaudreuil pour la fête de la section de l’Eure du Parti Communiste ? Je ne sais plus. C’est forcément avant mil neuf cent soixante-douze, date à laquelle il a cessé de chanter en public. Lors de ce concert, j’ai trouvé une petite fille perdue.

    Le Château des Sablons appartenait alors à l’une des villes de la banlieue rouge (comme on disait aussi) de Paris. Elle y faisait ses colonies de vacances. Aujourd’hui, il est en ruine pour avoir été inclus dans le périmètre de Val-de-Reuil, la ville nouvelle qui n’a pas tenue ses promesses.

    Vais-je ou non voter pour ce premier tour des Régionales ? C’est la question qui me trotte dans la tête toute la matinée.

    Vers midi et demi, après avoir jeté dix bulletins de vote à la poubelle, je jette celui du Hennepéha dans l’urne au lycée Camille Saint-Saëns. C’est juste pour dire non. Je ne suis pas un compagnon de route des trotskystes.

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