• En lisant dans un train les Promenades parisiennes de Mihail Sebastian (où l’on croise Marinetti vivant et Pascin mort)

    L’autre mercredi dans le train, je découvre Mihail Sebastian, écrivain roumain, l’un des plus importants du vingtième siècle, me dit le rabat de couverture de cet élégant livre bleu nuit au format de poche publié par L’Herne, collection Glose.

    Promenades parisiennes regroupe des textes parus dans des revues roumaines au tout début des années trente. Il y est question de Paris mais aussi des Alpes et des lectures de l’auteur (Gourmont, Gide, Stendhal, Jules Renard).

    J’aime beaucoup quand celui-ci raconte une conférence de Marinetti boulevard Malesherbes sous le titre Une soirée futuriste à Paris. Extraits :

    Il règne une atmosphérique de conspiration et de mystère qui n’est pas sans contraste avec la douceur parisienne de ce soir de printemps. Mais c’est une conspiration mondaine. Dans ce décor agressif, je reconnais, rassuré pour ma sécurité personnelle, un public parisien bonhomme et enjoué : des femmes aux robes troublantes, des hommes en smoking, des jeunes gens en tenue de ville… ( …/…)

    A neuf heures précises (j’aime cet ordre bourgeois dans une assemblée futuriste), on annonce Monsieur F. T. Marinetti, de l’Académie royale d’Italie. Un homme de forte corpulence monte d’un pas résolu sur l’estrade, scrute la salle, sourit, fronce les sourcils, déplace deux chaises, montrant ainsi une appréciable dextérité de la main gauche, puis les pieds fermement plantés sur le plancher, se lance. ( …/…)

    C’est la conférence d’un joyeux révolutionnaire. Contre la tradition, contre les musées, contre les bibliothèques ! A bas l’ordre, à bas la synthèse, à bas la métaphysique ! A bas l’esprit critique, à bas la tristesse, à bas le doute ! Nous voulons l’émancipation de la pensée, nous voulons l’offensive de l’individuel ! Vive l’optimisme, vive la guerre, vive le lyrisme ! ( …/…)

    Le vieil adolescent, fatigué de lancer à chaque mot un nouveau cerf-volant vrombissant, se met à théoriser. ( …/…)

    Nous apprenons surtout que Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Corbière, Régnier et Mallarmé (entendez-vous ? Mallarmé !) sont les précurseurs du futurisme. ( …/…)

    Mais je dois garder mon enthousiasme pour un poème italien, Le bombardement d’Andrinople. Marinetti s’enfle, se désenfle, de la fumée sort du sommet de son crâne, il ferme les yeux, il les rouvre, il trépigne, il s’interrompt brusquement et, d’une voix bien posée de baryton, entonne à l’improviste l’hymne national bulgare : Stroumi Maritza…

    Je ne reprends pas tout. Marinetti n’est pas seul en scène, interviennent également Prampolini, lequel montre ses tableaux qui font glousser les dames et Russolo, lequel joue avec son russolophone deux morceaux qui s’adressent peut-être à une sensibilité particulière.

    En art, Mihail Sebastian préfère les toiles de Marie Laurencin et de Maurice Utrillo et quand il assiste aux funérailles de Pascin, c’est par hasard, il passait par là, ne savait pas qui était ce Pascin dont il narre succinctement la mort :

    L’homme dont je suivais le cercueil s’était ouvert les veines et avait écrit avec son sang, sur les murs de sa maison, le nom de la femme aimée. Ensuite, la mort tardant, il s’était pendu.

    La fin de Mihail Sebastian ne fut pas mal non plus, comme le raconte le rabat de couverture de Promenades parisiennes : « Sorti vivant des années de pogroms et de déportations, il mourut sous les roues d’un camion militaire soviétique alors qu‘il se rendait à l’Université pour inaugurer son cours de littérature universelle. »

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    Rouen : la fête foraine de Noël se prolonge au-delà du raisonnable. Ce jeudi six janvier, vers seize heures trente, la grande petite roue du parvis de la Cathédrale, encore mouillée de pluie, tourne à vide.

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    Plus ridicule que le bonnet péruvien, la chapka (actuellement sur les têtes).

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    L’idée, ce serait de ne pas commencer tes phrases par l’idée, entraîne-toi (conseil gratuit pour qui est atteint).

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