• En lisant Gioconda de Nikos Kokantzis

    Deux moitiés d’après-midi me suffisent pour lire Gioconda, le récit d’une première fois sur fond de tragédie nazie de Nikos Kokantzis, un ouvrage au format de poche publié élégamment par les Editions de l’Aube.

    Nikos Kokantzis, dont c’est le seul livre, y raconte son amoureuse déportée à Auschwitz. Cela se passe à Thessalonique. « C’est le livre que je préfère au monde » déclare Dominique A en quatrième de couverture.

    Pour ma part, j’ai du mal à y croire à cette histoire. Les nazis y sont un peu trop humains, qui attendent patiemment que la famille de Gioconda rassemble ses affaires et dise au revoir à ses voisins avant de l’emmener. Michel Volkovitch, le traducteur, note d’ailleurs en postface « que cette histoire vraie, ancrée dans la réalité la plus précise, ne cesse de dériver, insensiblement, vers les territoires du rêve » ajoutant que « cette réalité si nettement gravée dans la mémoire du narrateur tourne plus d’une fois, comme dans la scène du bombardement, à la fantasmagorie. »

    Ce n’est pas le livre que je préfère au monde mais j’en aime les passages érotiques, ainsi celui-ci :

    Puis la Guerre est venue, puis l’Occupation, j’ai eu treize ans, quatorze ans, et elle, depuis ses dix ans ou presque, avait des formes, son visage était sensuel et féminin depuis l’enfance, elle avait gardé dans l’adolescence la grâce de ses gestes : à douze ans c’était déjà une femme, avec un regard comme traversé de brume, des lèvres charnues, un corps tout en courbes douces, une femme à tous points de vue, par son regard, sa voix, ses façons –mais en restant, et cela m’attirait, incroyablement ignorante et douce.

    et celui-là :

    (…) un instant elle leva les yeux, rencontra les miens, sourit timidement dans la lumière du soir d’été et son regard était comme un accueil, une promesse pour tout ce qui s’était accumulé en nous dans l’attente de ce moment-là. Puis, soudain, elle se frotta très légèrement contre moi et ce fut plus que je n’en pouvais supporter : avec elle pour de bon, cette fois, je me vidai, plusieurs violentes secousses, un joyeux désordre en moi, ma tête posée contre ses cheveux, ma main serrant ses seins fermes et ronds.

    *

    Autre lecture de ces jours de pluie, dans un genre différent : le Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison de Georges Picard (publié chez José Corti) dans lequel je n’apprends rien sur le fond mais dont j’aime la forme. Echantillon : Pour qui aime observer les ruades de l’imbécillité humaine dans ce qu’elle a de plus généralisable, les étripages de couple sont de purs objets de laboratoire.

    *

    Quand même ceci à méditer chez Picard : En français, le verbe avoir introduit une lourdeur dans le débat. I am right, par exemple, est plus essentialiste que j’ai raison qui insiste sur l’aspect accapareur de l’argument. Ainsi, nous accordons-nous le droit d’avoir raison tout en étant dans notre tort.

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