• En lisant La Vie quotidienne des Ecrivains et des Artistes sous l'Occupation des frères Ragache

                Je lis La Vie quotidienne des Ecrivains et des Artistes sous l’Occupation, livre écrit par Gilles et Jean-Robert Ragache, paru en mil neuf cent quatre-vingt-huit chez Hachette. Des deux frères auteurs, le premier est bien connu à Evreux et le second à Rouen. Le sujet de leur livre m’intéresse beaucoup mais sa lecture me déçoit, pas assez fouillé, trop de faits mis à la suite les uns des autres sans réelle réflexion et, ce qui m’énerve, de-ci de-là des petites réflexions moralisatrices de type bonne conscience de gauche.

                Je savais déjà qui des artistes et écrivains français a été carrément collabo ou carrément résistant, ou un peu perdu entre les deux, ou a attendu que ça se passe, facile après de porter des jugements sur les fourvoyés et les hésitants.

                Un épisode assez croustillant raconté par les frères Ragache, c’est la grande exposition consacrée à Arno Breker, le sculpteur officiel du régime nazi, à Paris en mil neuf cent quarante-deux, annoncée en ces termes en première page de Comœdia, journal pronazi :

                Je vous salue Breker

                Je vous salue de la haute patrie des poètes

                Patrie où les Patries n’existent pas, sauf dans la mesure où chacun y apporte le trésor du travail national

                Parce que dans la haute patrie où nous sommes compatriotes, vous me parlez de la France.

                L’auteur de ce mauvais poème est Jean Cocteau. Au vernissage, il est en bonne compagnie : Auguste Perret, Paul Belmondo, Aristide Maillol, Kess Van Dongen, Maurice de Vlaminck, André Derain, Jacques Chardonne, Pierre Drieu la Rochelle et cætera, ce qui fait écrire à Michel Ciry dans son Journal Je relève avec tristesse la veulerie de mes compatriotes devant l’ennuyeux et colossal académisme d’Arno Breker. Ayant bien mal tourné, cet élève de Maillol trône actuellement à l’Orangerie où, d’une monumentalité qui n’est due qu’aux dimensions, d’énormes faux dieux trop musclés, peuplent l’espace de leur vide ambitieux.

                Jean Marais est d’un autre avis, trouvant ces statues « géantes, sensuelles, humaines » et Sacha Guitry, ami d’Arno Breker, déclare « Si ces statues entraient en érection, on ne pourrait plus circuler. »

                Je n’ai jamais rencontré Gilles Ragache qui, lorsque je vivais près d’Evreux, s’occupait là-bas, en ces années soixante-dix, d’Histoire populaire et contestataire, responsable des Editions Floréal et de sa revue Le Peuple français, devenue par la suite Gavroche. Maintenant, je crois qu’il est formateur d’enseignant(e)s et il écrit des livres pour enfants.

                Son frère, Jean-Robert, fut Grand Maître du Grand Orient de France et dans l’équipe de Robert (tiny) à la mairie de Rouen. En stage à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Mont-Saint-Aignan, j’ai étudié avec lui la chanson révolutionnaire de mil sept cent quatre-vingt-neuf à mai soixante-huit.

                Je me souviens de la discussion relative au Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément.

                -Je vous mets au défi de trouver quoi que ce soit de révolutionnaire dans les paroles de cette chanson, nous avait-il dit.

                - La couleur des cerises, lui avais-je répondu.

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