• En lisant le Bréviaire du chaos d’Albert Caraco

    S’il est un auteur dont je ne connaissais même pas le nom avant de trouver l’un de ses livres chez Book-Off, c’est Albert Caraco, né en mil neuf cent dix-neuf dans une famille séfarade du Levant, passant avec ses parents par Vienne, Prague et Paris, réfugié en Amérique du Sud à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, revenu à Paris après la Libération, désespéré par le désastre.

    Le Bréviaire du chaos est publié à L’Age d’Homme dans la collection Amers Littérature. Ce petit livre est une synthèse de la pensée de Caraco, le chantre du pessimisme, auprès duquel Cioran semble un joyeux drille.

    Echantillons :

    Or, toutes nos idées sont meurtrières, aucune d’elles n’obéit aux lois de l’objectivité, de la mesure et de la cohérence, et nous, qui perpétuons ces idées, nous marchons à la mort comme des automates.

    Le monde, que nous habitons, est dur, froid, sombre, injuste et méthodique, ses gouvernants sont ou des imbéciles pathétiques ou de profonds scélérats, aucun n’est plus à la mesure de cet âge…

    Pourquoi le pire est-il l’unique certitude, qui nous reste ? il l’est pour deux raisons, la première étant l’impossible de freiner le mouvement, qui nous emporte, et la seconde résidant en la nature même de ce mouvement.

    La vie n’est pas sacrée à partir du moment où les vivants pullulent, celle des hommes en surnombre n’a pas plus de valeur que celle des insectes et les soldats, morts à la guerre, ne sont pas davantage aux yeux de ceux qui les y mènent.

    Le siècle voudrait tout choisir et c’est pourquoi nous n’avons pas de style, le siècle voudrait tout comprendre et c’est la raison pour laquelle il ne sort plus du labyrinthe, le siècle voudrait même humaniser la masse en perdition en tant que masse et c’est pourquoi nous allons au carnage planétaire.

    Et sommes-nous tombés si bas pour que les Chefs d’Etat, en mal de légitimité, se mêlent au troupeau, jouant la comédie aux ruminants qu’ils mènent paître ?

    Contrairement à Cioran, qui malgré sa maladie d’Alzheimer poussa sa vie jusqu’à une mort naturelle tardive, Caraco, en cohérence avec sa pensée, se pendit le sept septembre mil neuf cent soixante et onze, ayant différé son suicide jusqu’au lendemain de la mort de son père afin que ce dernier n’en souffre pas.

    *

    J'attends la mort avec impatience et j'en arrive à souhaiter le décès de mon Père, n'osant me détruire avant qu'il ne s'en aille. Son corps ne sera pas encore froid, que je ne serai plus au monde.  (Albert Caraco, Ma confession)

    *

    Amer, terme de marine : objet fixe et visible servant de point de repère sur une côte.

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