• En lisant le Journal d’Alice James

                Lecture faite du Journal d’Alice James publié aux Editions des Femmes en mil neuf cent quatre-vingt-trois, j’en note les quelques pépites :

                Les coucous imitent parfaitement les horloges. (quatorze juin mil huit cent quatre-vingt-neuf)

                Les grands vivent apparemment surtout de la charité de leurs commerçants, les pauvres de celle des nantis : ce qui est plus noble. (sept juillet mil huit cent quatre-vingt-neuf)

                Toute perte est un gain ; depuis que je suis devenue si myope, je ne vois plus ni la poussière ni la saleté et, par conséquent, je crois vivre dans la splendeur. (seize juillet mil huit cent quatre-vingt-neuf)

                On ne peut imaginer un Anglo-Saxon prenant un jour au sérieux la Bible ou Shakespeare en français. (idem)

                Il paraît que le suicide de Mr Edmund Gurney ne laisse pas de doute… On a tort de le dissimuler ; toute personne cultivée qui se donne la mort agit pour diminuer la superstition. (cinq août mil huit cent quatre-vingt-neuf)

                Sarah Bernhard jouant la Passion est une chose révoltante. Cette femme est un abcès moral pourri de vanité. (neuf mars mil huit cent quatre-vingt-dix)

                Quel sentiment de supériorité l’on éprouve à ne pas lire un ouvrage que tout le monde connaît ! Je n’ai jamais voulu lire Amiel et, jusqu’ici, j’ai résisté au Journal de Marie Bashkirtseff. (seize juin mil huit cent quatre-vingt-dix)

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                Alice James écrit ce Journal dans les dernières années de sa vie. Elle meurt à Londres en mil huit cent quatre-vingt-douze à l’âge de quarante-trois ans d’un cancer du sein après une vie de dépression due au peu de cas que l’on faisait des filles dans la famille James, écrasée par ses frères : Henry l’écrivain (La vertu même de la femme la disqualifie pour toute dignité didactique. L'étude et la sagesse ne sont pas faites pour elle.) et William le psychologue qui voyait en elle une collection de symptômes, après l’avoir sûrement désirée dans son adolescence.

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                Un cahier photos de deux pages orne le Journal d’Alice James. Dans mon exemplaire, il est à l’envers.

                Après l’avoir lu, on range ce livre dans un élégant boîtier où lui tient compagnie un carnet de notes baptisée féminaire illustré du Portrait de jeune fille de Berthe Morisot. A peine as-tu le droit de lire Alice James si tu es un homme.

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                Jamais pu aller jusqu’au bout d’un roman d’Henry James (qui s’opposa à la parution du Journal de sa sœur, lequel ne fut publié pour la première fois qu’en mil neuf cent trente-quatre aux Etats-Unis).

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