• En lisant les Ecrits intimes de Roger Vailland

                Pas encore eu l’occasion de lire en terrasse au Son du Cor cette année pour cause de pluie, de vent, de froid, c’est donc à l’intérieur du Socrate que je me livre au vice solitaire de la lecture chaque après-midi de la semaine ; parmi les livres lus les Ecrits intimes de Roger Vailland, l’auteur de Beau Masque, de La Loi, de 325 000 Francs et autres romans, C’est un pavé de huit cent trente-neuf pages publié en décembre mil neuf cent soixante-huit par Gallimard.

                Vailland fut un temps communiste et toujours libertin comme le montre cet extrait : On se déshabille et on se lave, sans commentaires, tous rodés. Les draps sont sales. Il est mieux de rester sur le couvre-lit. Un instant d’hésitation : qui sera au milieu ? puis Elisabeth prend l’initiative. Elle aime les gens, elle aime donner du plaisir aux putains et que j’aime le plaisir qu’elle donne sur le visage des putains (…/…) Dominique sort, nue sous son manteau « pour un coup de téléphone très important ». Elisabeth s’occupe de Marie-Lou. Dominique revient et s’applique heureusement à mieux s’occuper de moi que Marie-Lou, déjà habile et sachant ce que son regard noir ajoute. Aussitôt déliés, la conversation mondaine reprend : mérites comparés de Moreau, Signoret, etc. puis on nous présente Françoise et Suzanne ; mais c’est assez. Elisabeth est la femme de Roger Vailland et cela se passe le vingt-huit décembre mil neuf cent soixante et un dans un bordel de Lyon (raconté le lendemain).

                Aussi noté ceci datant de mil neuf cent quarante-huit :

                Gina (petite fille de Paul Fort, fille du peintre Severini qui habite à Meudon chez Maritain) m’a raconté : «  j’ai eu beaucoup d’amis catholiques et pédérastes. J’étais très liée avec Marcel Schwob. J’allais communier avec lui dans les Catacombes bien que j’eusse déjà cessé d’être croyante, pour lui faire plaisir. A cette époque, il ne touchait plus au petits garçons, il se mortifiait ».

                Et ceci du quinze mai mil neuf cent cinquante :

                Dîner samedi soir chez le peintre abstrait Capogrossi avec une douzaine de personnes (…/…). Merveilleuse fillette déjà femme de douze ans et demi, avec le bas du visage lourd, mat, que j’avais tellement envie de toucher, et des lèvres tendues à éclater. La mère, Constanza, a la même bouche, distendue et saignante, petits yeux aigus, monstre de lubricité maigre.

                Enfin, du premier juillet mil neuf cent soixante-quatre :

                Inauguration du camping-caravane de Meillonnas. Je flaire de loin le pédago. Il faut être débile, avoir fameusement peur de la vie, pour ne jamais sortir de l’école, se contenter de passer du banc au pupitre, régner sur des enfants et se satisfaire de longues vacances vacantes et de l’espoir d’une retraite. Le gars de Lyon au sifflet entre les dents, Marie-Louise en cure au plateau d’Assy, communiste, me disait qu’il n’y a guère d’actifs dans la section que les pédagos et les boueux. « Militer me manque un peu ». Elle est gênée de ne penser qu’à son con (chaud et juteux) et au dos de son homme qu’elle encule (si j’ai bien compris une des lettres qu’il lui écrit).

                Frédérique de Lyon à propos d’Anne, intellectuelle de gauche dont le pédantisme l’exaspère : « quand elle parle, j’ai envie de lui bouffer la chatte ». Pour provoquer une réaction vraie.

                Et les belles tuberculeuses que nous ne baiserons pas.

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                Satie a protégé sa musique comme du bon vin. Il n’a jamais remué la bouteille. Ainsi s’exprimait Cocteau dans une conférence dont le texte publié dans La Revue musicale de mars mil neuf cent vingt-quatre est repris par Philippe Olivier chez Hermann dans Aimer Satie, en compagnie d’autres signés Fernand Léger, Valentine Hugo, Georges Auric, Francis Poulenc, Alfred Cortot, Henri Sauguet, Jean Wiener, Francis Picabia, etc. avec une ouverture d’Ornella Volta, une autre de mes lectures récentes au Socrate l’après-midi des jours de pluie.

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                Point ne cesse ce temps désolant mais vole au vent la jupe des filles.

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                Ce samedi matin à dix heures et quart, comme l’autre samedi à la même heure, deux policiers en tenue de garde mobile sont postés devant la Synagogue de Rouen, rue des Bons-Enfants, ce qui donne à penser qu’il y a menace.

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