• En lisant les Lettres à une amoureuse de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

    Lecture en terrasse au soleil entre midi et quatorze heures au Son du Cor des Lettres à une amoureuse de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais dans la curieuse coédition bleu marine Le Seuil L’Ecole des Loisirs de mil neuf cent quatre-vingt-seize, minuscule livre à papier bible, réédition des Lettres à Madame de Godeville publiées chez Lemerre en mil neuf cent vingt-huit.

    Dans ces missives écrites entre le vingt-quatre février mil sept cent soixante-dix-sept et le vingt et un février mil sept cent soixante-dix-neuf, je découvre un Beaumarchais plus occupé par les affaires que par la littérature et ayant du mal à trouver du temps pour tromper (comme on dit) celle qu’il appelle sa ménagère, Marie-Thérèse de Willermawlaz dont il vient d’avoir une fille, avec celle que le duc de Castries appelle « une redoutable aventurière », cela avec style et sens de la formule :

    Il est certain, boudeuse, que vous auriez raison si j’avais tort.

    Si tu ne m’aimes plus, tant pis pour nous.

    Tu ne sais faire l’amour que sur un lit. Il est quelquefois charmant sur une feuille de papier.

    J’ouvre ta lettre, j’y trouve : comment te portes-tu ? que fais-tu ? m’aimes-tu ? A cela je réponds : Bien, rien, oui.

    Je ne voudrais point d’une maîtresse qui fût une putain ; mais je ne hais pas que ma maîtresse soit un peu putain.

    L’amitié n’est qu’un sentiment austère et fait pour les gens de même sexe, ou qui n’en ont plus.

    Le viol est la seule violence que l’amour puisse pardonner. (euh suis pas sûr)

    Je note quelques savoureux passages :

    La maternité est un état austère, il n’en faut point faire un badinage et se jouer d’avance du sort d’une petite créature qui ne nous prie point de la faire naître pour la rendre ensuite malheureuse.

    (…)

    Sois maîtresse tendre, et crains d’être mère sensible. Tu deviendrais plus malheureuse que ton enfant.

    Foutre pour l’amour, mais voilà tout. (six mai mil sept cent soixante-dix-sept)

    Parlant d’une ancienne amante : Quand nous nous étions bien chamaillés, et qu’elle me voyait prêt à partir furieux, elle me disait : Eh bien ! va-t’en, je n’ai pas besoin d’amant, moi : je m’en conte fort bien à moi-même ; et tout en grondant elle se renversait et me donnant le spectacle de ses cuisses émues et du charmant exercice de son doigt sur le plus joli petit con. Va-t’en donc, disait-elle, va-t’en donc. (dix-huit août mil sept cent soixante-dix-sept)

    La grande question n’est donc plus que de savoir si nous baisons parce que nous aimons ou si nous aimons parce que nous baisons. Sujet interminable de dispute, et tout cela pour briller. Donc celui qui a dit

                Aimer sans foutre est quelque chose

                foutre sans aimer n’est rien,

    n’a pas plus décidé la question que s’il avait dit le contraire. (vingt-deux août mil sept cent soixante-dix-sept)

                J’ai vu souvent que foutre pour l’amour, à propos prononcé, pendant que votre amant, d’un doigt agile, irritait vos désirs, faisait descendre à gros bouillons l’humide volupté du fond de votre tête au lieu que vous savez ! (quatre février mil sept cent soixante-dix-huit)

                Parlant des servantes (télescopage avec l’actualité new-yorkaise) : Vraies, franches libres, en un mot bonnes petites chiennes, sont-elles saisies dans une garde-robe, ou dans un couloir, en un tour de main elles vous ont baisé, ouvert leurs cuisses, tourné les yeux, dardé la langue, agité la ceinture, avalé, tortillé la chose, arraché le plaisir, et, secouant leur jupe, elles courent à la sonnette qui les appelle, il n’y paraît plus. (vingt-trois janvier mil sept cent soixante-dix-neuf).

    *

                Vers la fin de leur relation Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais doit venir financièrement en aide à Madame de Godeville emprisonnée pour dettes, c’est peut-être pour cela qu’elle cesse.

    *

    Beaumarchais, six ans plus tôt avait lui aussi goûté à la prison pour s’être battu avec le duc de Chaumes de qui il avait séduit la jeune protégée Mademoiselle Ménard, il y retournera pour cinq jours sur ordre de Louis le Seizième irrité du succès du Mariage de Figaro, puis pour deux jours en quatre-vingt-douze sur ordre des Révolutionnaires et encore un peu en Angleterre pour dettes.

    *

               Je ne manquerai pas de saluer Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais la prochaine fois que je passerai devant sa statue rue Saint-Antoine à Paris.

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