• Encore une après-midi passée au Tribunal Administratif de Rouen

    Non, on ne fait pas grève ce mardi au Tribunal Administratif de Rouen dans lequel j’entre un peu avant quinze heures avec encore dans les pieds les quatre kilomètres de manifestation pour la défense des retraites. Je suis rejoint par une huitaine de membres du Réseau Education Sans Frontières. Sont déjà là des membres de l’Armée du Salut et la famille arménienne de Maromme que nous venons soutenir et dont nous ne savons pas grand chose.

    Une brochette d’avocat(e)s occupent le premier rang. D’autres affaires sont au rôle et nous découvrons après l’entrée des membres du Tribunal qu’elles ne concernent pas toutes des risques de reconduite à la frontière mais aussi des demandes d’indemnisation après bévues médicales. Concrètement, cela donne deux tranches de Sans Papiers pour une tranche d’Hôpital.

    Un homme a commis l’erreur de jouer au rugby. Il y a gagné une rupture de biceps mal soignée par un hôpital de l’Eure. Il demande des sous pour son préjudice. Son avocat plaide. La rapporteuse publique à l’élocution confuse suggère une nouvelle expertise.

    Un Moldave n’est plus en situation régulière depuis que sa Française de femme l’a quitté pour aller vivre en Angleterre. Heureusement pour lui, il est désormais avec une Moldave à papiers enceinte de neuf mois par ses œuvres. L’avocate plaide. La rapporteuse rapporte. C’est plutôt bon pour lui.

    Un homme est mort d’infection nosocomiale dans un hôpital de Seine-Maritime. Ses héritiers demandent dédommagement financier. L’avocat fait rire une partie de la salle en citant la défense de l’hôpital : ce malade « vraisemblablement serait mort à la longue ». La rapporteuse détaille l’état de mauvaise santé de ce malheureux. On sent qu’elle pense un peu comme l’hôpital.

    Un Arménien menacé d’expulsion est heureusement pourvu d’une femme enceinte de cinq mois. Il devrait s’en tirer.

    Un couple d’Arméniens, âgés respectivement de cinquante-deux et cinquante-trois ans, est dans la même situation. Ce sera difficile pour eux qui sont yésides et menacés dans leur pays.

    Un Marocain étudiant sans grands résultats n’a guère plus de chance.

    (Ces trois dossiers dans les mains d’un avocate qui n’a pas plaidé et qui, après les conclusions de la rapporteuse, n’a rien dit d’autre que : « Je renvoie le Tribunal à mes écritures ».)

    Le suivant a plus de chance : Mauritanien, il est salarié depuis neuf ans dans la même entreprise. Bien que célibataire et sans enfant, il devrait pouvoir continuer à travailler en France.

    On retourne dans un hôpital de Seine-Maritime où une jeune femme prête à accoucher a été refusée. Rentrée chez elle à pied, elle y a illico donné naissance à son enfant tandis que les pompiers se précipitaient à son secours. Cet hôpital admet son erreur. Elle devrait être indemnisée pour le préjudice moral et son ami aussi.

    On en arrive enfin à la famille pour laquelle nous sommes là et dont les enfants en bas âge ont dû attendre autant que nous. Maître Falacho, du cabinet Eden, plaide pour eux, expliquant que les époux ont chacun frère ou sœur avec papiers en France, que deux enfants sont nés en Allemagne, le dernier en France, que les deux aînés fréquentent l’école et le centre de loisirs, que l’Arménie n’est rien pour eux, que les époux travaillent pour l’Armée du Salut, qu’il y prennent des cours de français, qu’ils sont yésides et risquent des persécutions s’ils retournent dans leur pays. Le Président montre des signes d’impatience. La rapporteuse ne fait pas grand cas des arguments avancés. Pas de quoi être optimiste.

    Toutes ces affaires sont mises en délibéré et nous on se donne rendez-vous pour jeudi au même endroit à quatorze heures trente.

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    Publicité du marchand d’abonnements téléphoniques Esse Effe Erre sur les panneaux Decaux de la Mairie de Rouen : « Avec mon mobile, c’est moi qui fait la loi sur Facebook ». Une faute d’orthographe, c’est mieux quand tu t’adresses aux branlotin(e)s.

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    Mot d’ordre des Jeunes Populaires (jeunes et sarkozistes, les malheureux) contre la grève de mardi dernier : « Le 7 septembre pour ma retraite, je travaille ». Je t’explique, Jeune Populaire, tu ne travailles pas pour payer ta retraite mais pour payer la retraite de celles et ceux qui y sont, donc la mienne (n’hésite pas à faire des heures supplémentaires, Jeune Pop).

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