• Exposition Cinq étranges albums de famille au Bal, nouveau lieu parisien

    Lorsque j’arrive à la gare de Rouen mercredi matin, une demoiselle me tend le numéro un de Côté Rouen, nouveau journal gratuit du groupe Ouest France, cent pour cent rouennais et vite lu. À peine l’ai-je déplié dans le train qui me mène à Paris, que je le replie, préférant la lecture du Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier dans l’édition Folio. Le train est trop petit pour y asseoir tout le monde. Les malchanceux remontent vers la queue avec l’espoir d’un siège. Quand il arrive à Saint-Lazare, il s’arrête en pleine voie puis, enfin, atteint son but.

    Je prends la ligne Quatorze du métro et vais à pied de Châtelet à Saint-Michel pour mon tour des librairies puis, avant midi, je rejoins par la Une la place de la Nation, près de laquelle se trouve l’Ecole de celle qui étudie dans la capitale. Nous allons déjeuner au restaurant Chez Sofiane, rue de Charonne, un endroit que nous aimons bien, parlant de nos soucis respectifs, son mémoire de philosophie, ma convocation au Commissariat de Police, et de sujets plus attrayants, tout cela en buvant du vin rouge.

    Elle doit retourner travailler. Je poursuis mon vagabondage. Il me mène dans le quartier chaud où je prends un café à la Fourmi, cet estaminet sympathique du bas de la rue des Martyrs qui me rappelle bien des souvenirs. Le café bu et la lecture du Poisson-scorpion achevée, je gagne à pied, répondant par la négative aux sollicitations des hôtesses de rue, l’impasse de la Défense, près de la place Clichy.

    Au numéro six vient d’ouvrir Le Bal, nouveau lieu d’exposition dédié à la photo et à la vidéo, dû aux architectes Caroline Barat et Thomas Dubuisson et sis dans ce qui était autrefois un lieu mal famé nommé « Chez Isis ». Le président en est Raymond Depardon et la directrice Diane Dufour, qui fut celle de l’Agence Magnum. Elle est en compagnie d’un couple à qui elle fait visiter sa première exposition au moment où j’y entre, après avoir payé mon obole et apposé une pastille autocollante sur ma veste.

    L’exposition s’appelle Cinq étranges albums de famille et montre, au rez-de-chaussée et au sous-sol, les œuvres de cinq artistes : A première vue, les photographies les plus limpides semblaient les plus étranges d’Emmet Gowin, L’album de famille de Lucybelle Crater de Ralph Eugene Meatyard, Flat is beautiful de Sadie Benning, My Sister d’Erik Kessels et Les aventures de Guille et Belinda et le sens énigmatique de leurs rêves d’Alessandra Sanguinetti. Ce sont les deux dernières qui me retiennent le plus.

    My Sister d’Erik Kessels est une vidéo, film de famille retravaillé (et mis en musique par Ryuichi Sakamoto). On y voit une mère et ses deux enfants jouant au ping-pong dans un jardin, l’aîné est Erik Kessels, la benjamine, jolie petite blonde, mourra bientôt dans un accident. Sa raquette racle à répétition sur le bois de la table.

    Les aventures de Guille et Belinda et le sens énigmatique de leurs rêves d’Alessandra Sanguinetti montre en une série de photos en couleur la croissance de deux cousines dans une ferme d’Argentine. L’une est une grosse fille, l’autre mince et jolie. Elles grandissent au fil des images et sont victimes de leur physique, la première reste solitaire, la seconde se fait engrosser. Des vidéos les montrent également, enfants rêveuses, puis devenues adultes avec pour conversation les tâches de la vie domestique.

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    Dans mon sac au retour de Paris : Les Vertus du Vice (Sexe, tabac, alcool, l’anthologie littéraire des jouisseurs) de Gilles Verlant (Albin Michel) et L’année de la pensée magique de Joan Didion (Grasset).

    Je lis ce dernier dans le train. L’auteure y raconte la mort, devant elle, de son mari, l’écrivain John Gregory Dunne, victime d’une crise cardiaque foudroyante, et ce qu’est sa vie ensuite.

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