• Exposition James Ensor au Musée d'Orsay

    Il est près de dix heures mercredi lorsque j’arrive devant le Musée d’Orsay qui ouvre à neuf heures trente, mais d’ouverture, point, retardée dit une affiche. Je me mets donc au bout du long serpent constitué de celles et ceux qui attendent de savoir s’il y aura grève ou non. C’est la faute à Sarkozy, Tout Puissant de la République et fauteur de désordre.

    Quelqu’un(e)s perdent patience et s’en vont. L’immense majorité reste. Je choisis d’être optimiste. Vers dix heures trente une voix féminine annonce que le Musée va bientôt ouvrir, première bonne surprise. La seconde est à l’intérieur : seules les caisses sont fermées pour cause de grève. L’entrée est gratuite.

    Je m’allège au vestiaire puis me dirige vers l’exposition James Ensor pour laquelle je suis là. Je laisse la première salle consacrée aux débuts, profitant des dernières encore peu fréquentées, là où explose le talent du peintre des masques et de la mort, me laissant emporter par la couleur et la violence des tableaux, notant en vrac Adam et Eve chassés du Paradis (par un Dieu vachement fâché), Le Foudroiement des anges rebelles, Etonnement du masque Wouse, L’Intrigue, Masques raillant la mort, Les Poissardes mélancoliques, Des squelettes dans l’atelier, Quelques belles scènes d’assassinat, La Mort et les masques, également séduit par les dessins bien noirs et subversifs, les démons le turlupinent. La dernière salle est consacrée aux autoportraits de l’Ostendais dont Ensor aux masques, L’Autoportrait au chapeau fleuri (jouxté du chapeau en question posé sur un crâne dont le socle est un vase de Chine emprunté pour l’occasion au Musée Guimet : il fait fuir deux femmes effarouchées par leur proche avenir) et Mon portrait en 1960 (assez squelettique). On trouve là aussi des masques japonais et de carnaval ayant appartenu à Ensor et sa sirène dite des îles Fidji (queue de poisson, corps en bois sculpté, tête de singe) que dessine une jolie jeune fille à genoux. Je rebrousse vers les débuts La Mangeuse d’huîtres et La Grande Vue d’Ostende. « Mes recherches à cette époque précèdent celles des Impressionnistes de France et d’ici. Les Manet et impressionnistes de 1880 sont noirs, opaques et manquent de lumière » déclarait modestement James, fort apprécié d’Emile Verhaeren qui écrivit en mil neuf cent six : A ceux qui, devant ses œuvres vaticinent : « Ce n’est pas dessiné », Ensor peut répondre : « C’est mieux que ça ». Il a raison Émile, me dis-je avec dans la tête le texte de Jean-Roger Caussimon, que chantait Léo Ferré, que chante Arno (autre Ostendais) On voyait les chevaux d' la mer/ Qui fonçaient, la têt' la première/ Et qui fracassaient leur crinière/ Devant le casino désert.../ La barmaid avait dix-huit ans/ Et moi qui suis vieux comm' l'hiver/ Au lieu d' me noyer dans un verre/ Je m' suis baladé dans l' printemps/ De ses yeux taillés en amande/ Ni gris, ni verts/ Ni gris, ni verts/ Comme à Ostende/ Et comm' partout/ Quand sur la ville/ Tombe la pluie/ Et qu'on s' demande/ Si c'est utile/ Et puis surtout/ Si ça vaut l' coup/ Si ça vaut l' coup/ D' vivre sa vie !...

    Mes pas me mènent ensuite (le cinquième étage étant fermé pour travaux) vers les salles du niveau zéro où se sont réfugiés les Gauguin et les Van Gogh (desquels je ne me lasse jamais) puis me ramènent à L’Origine du monde (à laquelle je reviens toujours).

    Avant de me risquer dehors où tombe la pluie et alors que ma clavicule se rappelle douloureusement à mon souvenir, je visite rapidement l’autre exposition du moment Art Nouveau Revival au niveau deux, une accumulation d’objets, meubles, tableaux, affiches, journaux, disques, livres et tutti, trop pour moi, mais suis content de retrouver là deux tableaux de Clovis Trouille La Costaude de la Bastoche (avec en arrière plan une entrée de métro Guimard) et Le Palais des Merveilles (Hommage au Modern’Style) et Pravda la Surviveuse de Guy Pellaert et le calendrier de Salut les copains et le Mademoiselle âge tendre que j’empruntais à ma sœur quand j’étais branlotin, pour en savoir un peu plus sur les filles et comment faire pour leur plaire.

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