• Expositions Logogrammes de Christian Dotremont et Ne plus dessiner de Martin Szekely au Centre Pompidou

           Mercredi midi, je sors à nouveau de terre à Saint-Michel, passe par chez Gibert Joseph où dans les bacs à soldes je trouve pour celle que le travail retient loin de moi l'Otto Dix d'Eva Karcher dans sa première édition chez Taschen. Un semblant de pluie m'amène à traverser la Seine et à viser Beaubourg. Une file impressionnante de visiteuses et visiteurs de toutes les nationalités est en attente à l'extérieur, que je coupe grâce à ma carte d'adhérent.

           Je choisis d'aller revoir la collection permanente, m'intéressant autant au public qu'aux œuvres, curieux de voir certain(e)s ne regarder les peintures que sur leur audioguide, assis sur un banc, écoutant ce qu'il faut en savoir. Une femme s'émeut brusquement en direction de son branlotin de fils:

           -Je l'ai là-bas çui-là, le bleu, dans ma classe, le bleu, tu vois là-bas.

           C'est l'institutrice de service (et le bleu, un tableau de Chagall). A un moment passent devant moi tellement de femmes enceintes au dernier degré qu'on pourrait croire que Beaubourg est jumelé avec une maternité. Je salue Otto Dix présent avec sa rouge journaliste et son Souvenir de la galerie des Glaces à Bruxelles (prostituée nue sur les genoux d'un militaire, scène multipliée par les miroirs), puis je visite rapidement les deux expositions temporaires annexées à l'étage contemporain.

           Logogrammes montre des dessins calligraphiques poétiques de Christian Dotremont. Ils ne me disent rien. Deux jouvencelles semblent un peu plus intéressées que moi dont l'une dit à l'autre:

           -Ça me rappelle ma grand-mère qu'a Alzheimer.

           Ne plus dessiner présente un échantillon des réalisations du disagneur Martin Szekely. Je fais le tour de son esthétique mobilier dont une console « où poser les plateaux-repas d'une assemblée lors d'une journée de travail ininterrompue » (cette préoccupation en dit long sur ce milieu de malades). Je note que « Faire se tenir debout une structure, c'est penser le contreventement » songeant que cette vérité est également valable pour moi-même et qu'il faudra que je me la répète le matin au réveil.

           Redescendu, je constate qu'il est illusoire de songer à prendre un café à la Mezzanine, là aussi la file d'attente est rédhibitoire. Je retraverse la Seine et reprends mes aises au Malongo Café de la rue Saint-André-des-Arts, lisant les Lettres de la princesse Palatine. Derrière moi, un trio discute de vacances futures:

           -On sera tout le mois d'août dans l'Aveyron.

           -Vous allez où exactement dans l'Aveyron?

           -Dans le Lot.

    *

           De la princesse,

           le vingt-huit juin mil six cent quatre-vingt-douze:

           Puisque le duc Rodolphe-Auguste a voulu faire un si étrange mariage, pourquoi n'agit-il pas comme le feu margrave de Baden-Dourlach, qui en avait contracté un pareil? On ne voyait jamais sa femme; il l'avait enfermée dans un château à la campagne...

           le dix-neuf mars mil six cent quatre-vingt-treize:

           ... il m'est impossible d'entendre prêcher sans m'endormir: un sermon c'est de l'opium pour moi. Une fois que j'avais la toux bien fort; je passais trois nuits sans fermer l'œil. Je me souvins alors que je dormais à l'église dès que j'entendais prêcher ou chanter les nonnes. Aussi me rendis-je en voiture à un couvent où on allait prêcher un sermon.

           le vingt-huit juin mil six cent quatre-vingt-treize:

           Mme de Chartres, Mme la duchesse et la princesse de Conti sont toutes trois revenues enceintes du voyage (à Namur); le roi ne peut donc pas prétendre que ç'a été un voyage stérile...

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