• Journal du voyage en Amérique du Nord (15) : jeudi vingt-trois août deux mille douze, New York City (MoMA, High Line with Nic and Liz)

    Cette fois, je ne loupe pas le MoMA (Museum of Modern Art) que j’atteins avec le bus M3. Un pass famille doit me permettre d’entrer gratuitement, que celle qui ne peut être avec moi pour cause de labeur a obtenu d’un vieux black qu’elle a dessiné. Au guichet, ce pass défraîchi refuse d’être lu par le décodeur. Il a manifestement déjà été utilisé. L’employée ne cherche pas à comprendre, elle me laisse entrer et même me le redonne.

    Je prends l’escalator, ai le plaisir de trouver en haut des marches au niveau 4 La Rue de Balthus et m’y attarde un peu puis monte au niveau 5, où sont les chef-d’œuvres de la peinture des dix-neuvième et vingtième siècles : Nuit étoilée, Nymphéas, etc. Beaucoup de monde évidemment, dont des Français que j’essaie de ne pas entendre. Je trouve là aussi, à mon contentement, deux James Ensor et deux Frida Kahlo. Dans des couloirs, où peu les voient, sont des toiles de George Grosz, Otto Dix, Edward Hopper (New York Movie, qui ne sera donc pas à Paris) et le tableau remarqué par celle qui est passée là avant moi, dont elle m’avait envoyé une reproduction en carte postale, Christina’s World d’Andrew Wyath : une femme allongée de dos fait face à une maison hopperienne, impression de malaise garantie, surtout quand on prend conscience des bras maigres de cette femme.

    Je monte au niveau 6 où sont les expositions temporaires : une rétrospective Alighiero Boetti où je ne m’attarde pas et Century of the Child : Growing by Design, 1900-2000 où je passe plus de temps que prévu. On y montre le meilleur du mobilier, du jouet et du livre pour enfant et il y a de quoi voir. Quelques peintures sont aux murs dont deux me retiennent : Espoir de Gustav Klimt, montrant une femme enceinte, et The Blue Dolls d’Alton Piekens, où des enfants inquiétants brûlent leurs poupées. Me plaît aussi l’installation Goth Lolita ensemble with matching Angry doll de M. Nosto (Japon). Dans la salle consacrée à l’enfance dans les régimes totalitaires, je repère une affiche en français datant de mil neuf cent quarante. Elle est signée du Suisse Hans Thöni « Pour une jeunesse saine, pour un peuple fort, les Sports d’hiver ! ». Ailleurs, un court film noir et blanc de mil neuf cent vingt et un montre des nymphettes court vêtues dans des exercices gymniques Looks very Jolly, doesn’t It ? Il s’agit, indique le cartouche, de l’Open Air Summer School de Margaret Morris à Pourville (sud de la France). Je vois bien les falaises et l’erreur, ainsi que les nymphettes du même genre qui visitent cette exposition.

    Je repasse par le niveau 5, où se trouve maintenant trop de monde, puis descends au 4 qui va de mil neuf cent quarante à mil neuf cent quatre-vingt. Nouvelles gloires : Pollock, Rothko, Warhol, Lichtenstein, Rauschenberg et les autres, une salle Joseph Beuys et une autre qui m’intéresse davantage consacrée à Marcel Broodthaers, artiste belge sur lequel je me promets de faire une recherche en rentrant. J’aime bien aussi The Bus Driver, sculpture installation de George Segal.

    Commençant à fatiguer, je descends au 3 « Architecture, Design, Photographies, Dessins », où dans un vieux téléphone noir j’écoute un poème au hasard parmi « a lot of Dial-a-poem », c’est un de Gary Snyder dit par lui-même je pense.

    Je descends au 2 où est exposé l’art contemporain de mil neuf cent quatre-vingt à nos jours, trop épuisé pour bien en profiter. Je m’attarde quand même devant Keith Haring, Jeff Koons, Takashi Murakami et termine par Dieter Roth solo scenes, cent vingt huit vidéos de lui-même dans les actes de la vie quotidienne, montrées sur trois murs, cela filmé dans la dernière année de sa vie.

    Je sors de là lessivé à 2.30 p.m. et pars à la recherche d’un restaurant, retrouvant par hasard l’un où j’ai déjà mangé : le Galaxy sur la 9eme Avenue (burger frites, coca, café, douze dollars). Ensuite, je gagne le bord de l’eau, près de l’Intrepid Sea Air Museum au pier 84 (Musée de l’Armée sis dans un porte-avion), et à l’ombre sur un ponton, je trouve une table publique où mettre en forme mes notes. Une jeune femme black vient s’y asseoir aussi, un peu mal en point, pas loin de s’endormir. A la table voisine, un père bricole pour son fils un modèle réduit d’avion de guerre acheté au Musée. Une jolie blonde se fait photographier par sa copine. Un pauvre black récupère les bouteilles en plastique dans les poubelles. Un hélicoptère à double hélice survole la scène. La jeune femme black s’en va, l’avion modèle réduit est terminé, la jolie fille s’assoit sur les genoux de sa copine grosse et laide pour regarder les photos. D’un café voisin provient Here comes the sun que joue et chante un musicien chargé d’égayer la clientèle. Le ciel est orageux. Il fait chaud dans les rues de Manhattan et frais là où je suis. A 6.30 p.m. je dois la rejoindre, libérée du travail, à la 23th Street, sortie de métro C et E devant chez Gap.

    Je prends donc un E qui me mène au bon endroit. En attendant l’heure du rendez-vous, je bois un Coca Regular chez Dunkin’ Donuts où il faut demander la clé pour aller aux toilettes. A six heures trente pile, je la vois qui me cherche des yeux, inquiète, finissant par m’apercevoir. Arrive Nic, l’une de ses amies américaines. Liz, sa colocataire, doit nous rejoindre un peu plus loin. Il s’agit d’aller voir si à Chelsea en août les galeries d’art font vernissage. Eh non ! Liz survient, une part de pizza à la main. On décide d’aller boire un verre quelque part. Un café au pied de la High Line nous permet une table en terrasse. On commande une bouteille de merlot de Californie, des frites de patates douces et des frites de courgettes. Les trois filles discutent de choses et d’autres et je fais de la figuration muette.

    Quand les serveurs nous font comprendre qu’il est temps de laisser la place, on va se balader sur la High Line que l’on parcourt de bout en bout, la nuit étant tombée. Ces deux filles sont sympathiques bien qu’un peu superficielles et Liz a un rire que je croyais jusqu’alors réservé aux bandes dessinées Hi hi hi hi hi.

    Nous nous séparons dans une station de métro avec une bise à la française. Pour nous, c’est retour à Convent Avenue.

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    Le MoMA : un beau bâtiment à l’architecture sobre avec plongée visuelle sur les étages inférieurs et les rues voisines (grandes vitres descendant jusqu’au sol).

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    Christina’s World d’Andrew Wyath évoque sa voisine handicapée qui ne se déplaçait qu’en rampant. Le peintre a demandé à sa jeune femme de poser mais lui a fait les bras amaigris de la voisine, apprendrai-je plus tard.

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    A toujours devoir se taire, ou à juste bredouiller quelques mots d’anglais, on passe vite pour un idiot.

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