• Journal du voyage en Amérique du Nord (45) : samedi vingt-deux septembre deux mille douze, de Chicago à Toronto (ville où je suis fort mal accueilli)

    Levés à 4.15 a.m., nous prenons un dernier petit-déjeuner Michigan Avenue sans avoir jamais revu Kean, notre logeur. Comme il nous l’a demandé par écrit, nous laissons les clés à l’intérieur, tirons la porte derrière nous et descendons attendre Xavier, le taxi.

    A l’heure dite, il n’est pas là. Les minutes passent sans que son taxi n’apparaisse. On commence à vraiment s’inquiéter, quand il arrive enfin avec un de ses collègues qui lui laisse le volant. Il s’excuse. Son collègue qui fait 6 p.m. 6 a.m. est passé le prendre un peu tard. Lui fait 6 a.m. 6 p.m. La voiture roule vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il fonce sur l’autoroute et on arrive suffisamment en avance à O’Hare, troisième aéroport du monde pour le nombre de passagers après Atlanta et Pékin. Nous faisons enregistrer nos bagages puis attendons l’avion d’American Airlines à la porte 19 du terminal 19. Un appel au micro invite les non Américains et non Canadiens à se présenter au guichet pour une vérification de passeport. Celle-ci, menée par un employé d’American Airlines, ressemble assez à un contrôle policier.

    L’avion n’est pas plus grand qu’un bus mais on y est bien assis, moi près du hublot, elle à ma gauche. L’hôtesse se nomme Grace et porte assez mal son nom. Nous volons au-dessus d’un nid de nuages, vraiment plus beaux vus d’au-dessus que d’au-dessous. Par-ci par-là des trouées laissent voir un lac ou un parc d’attraction. L’atterrissage se fait en douceur et sans mal d’oreilles en ce qui me concerne. On attend longtemps avant de pouvoir quitter l’Eagle par un simple escalier métallique.

    C’est là que mes ennuis commencent avec les services d’immigration du Canada. Après avoir été interrogé en français par une garde-frontière qui ne me pose aucune question tordue, je me retrouve dans la file des immigrants en compagnie d’un nombre conséquent de Chinois tandis que celle que j’accompagne est admise sans problème dans le pays. Elle me rejoint. Je lui dis que je ne comprends pas pourquoi je suis là. Elle va s’en étonner auprès d’une policière qui lui dit que le problème ce n’est pas elle c’est moi. Une nouvelle garde-frontière peu aimable m’interroge en anglais à qui je fais savoir en français que je suis furieux d’être qualifié d’immigrant alors que je suis un touriste. Celle avec qui je voyage traduit. On trouve suspect que je n’aie pas de billet de retour (alors que nous en avons un par le bus), suspecte aussi notre différence d’âge, enfin on me soupçonne de ne pas avoir assez d’argent pour vivre une semaine au Canada (alors que j’en ai sans aucun doute davantage que ce cerbère qui ne sait même pas ce qu’est une chambre bed and breakfast). La dragonne finit par nous dire que c’est ok et me dit même que je suis welcome, à quoi je lui réponds que non je ne suis pas le bienvenu. Elle me demande si c’est la première fois que je viens au Canada. « Yes and nevermore ».

    On croit s’en être sortis quand on constate qu’on est toujours dans un parcours spécial immigrant et qu’il faut maintenant passer nos valises aux rayons X. Après cette ultime persécution, nous sommes admis dans ce pays que jusqu’à présent je croyais accueillant et elle peut enfin fumer une cigarette, cependant que je ne décolère pas.

    Un taxi nous emmène Schuter Street, chez Linda, où un Chinois parlant peu l’anglais, le frère de ladite, nous accueille dans une chambre pas encore faite. On y laisse nos bagages et après s’être assuré auprès de passants que l’on peut payer en dollars américains dans ce pays inamical, on déjeune dans la même rue chez Fran’s : Chicken Asian Salad pour elle et All Canadian Burger avec frites en dés pour moi, un demi-litre de chardonnay, café et thé. Nous y ajoutons deux énormes sundaes, Hot Fudge pour moi et Chocolate pour elle. Il fallait bien ça pour se remettre un peu.

    Ensuite traversant le centre ville dont la rue principale est barrée au profit d’une fête commerciale et où les buildings ont l’air construits à la hache (normal pour des descendants de bûcherons, lui dis-je définitivement fâché avec ce pays), nous nous dirigeons vers le lac Ontario en passant sous des autoroutes. Nous nous posons au bord de l’eau, regardant passer les nymphettes qui batifolent et les avions qui se posent sur l’île en face.

    Nous rentrons pour quelques occupations informatiques dans une chambre pas très grande mais suffisamment confortable et le soir venu nous cherchons où boire un verre. Chez Fran’s, c’est complet. Ailleurs, c’est peu engageant. Finalement, nous entrons dans un bar où c’est surtout de la bière qui est servie. On se rabat sur des cocktails, un Wild Berry pour elle, un Blue Bayou pour moi, lesquels s’avèrent peu alcoolisés. Il n’empêche que j’ai mal à la tête quand nous nous couchons. Ma nuit est moyenne. Je la passe en partie à maugréer contre le Canada.

    *

    Il faut dire qu’en plus c’est à cause de moi si nous sommes là. Quand celle qui a organisé ce périple m’a dit qu’on remonterait jusqu’aux Grands Lacs, je lui ai dit « Dans ce cas, allons voir les chutes du Niagara », sans me rendre compte de ce que ça signifiait. Ce pourquoi elle a ajouté pour me faire plaisir cette étape canadienne.

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