• Journée d’ouverture du Cent Six, Scène de Musiques Zactuelles de Rouen

    Enfin Rouen a son établissement labellisé Scène de Musiques Zactuelles, le Cent Six, troisième de Normandie, après le Cargö de Caen et le Cabaret Electric du Havre et comme ici on ne manque aucune occasion d’être ridicule, cette Smac est sans alcool. Ainsi en a décidé le maître des lieux, Laurent le Fabuleux, chef d’agglo élargie. « Limonade pour le 106 » titrait narquoisement Libération, ce vingt-six novembre : « Laurent Fabius a eu une idée poilante : rétablir la prohibition. »

    L’inauguration, c’était sans moi vendredi soir avec son lot de discours de politiciens. Didier Marie, Président du Conseil Général, a voulu faire le malin en évoquant Dominique Laboubée, le défunt chanteur des Dogs, comme le raconte, dans son blog, Laure Leforestier, présente: « Et dans ce hangar 106, j’ai une pensée particulière pour le rocker rouennais David Labourée. »

    « Labourée », pour une salle où l'alcool est interdit… » commente Catherine Laboubée, sœur du chanteur des Dogs.

    Ce samedi, le bon peuple est invité à aller y voir gratuitement, ce que je fais au milieu de l’après-midi avec celle qui me tient la main, à pied parmi les manèges de la foire Saint-Romain en cours de démontage. Nous passons entre les vigiles dont l’un ressemble salement à Brice Hortefeux et entrons sous les néons animés. Sur le toit du studio de radio où officie Hache Dé Air, Bob Log III fait son chaud. J’ai déjà vu et entendu ce bonhomme en plein air. Ici c’est vite étouffant, nous préférons nous mettre au bout de la file d’attente pour grimper aux étages visiter les studios de répétition. On peut s’y amuser avec des instruments interactifs (comme on dit). Redescendus, nous faisons le tour de ce qu’on nous laisse voir. Celle qui m’accompagne n’est pas enthousiasmée par les aménagements intérieurs du bâtiment, le face à face bois et béton, les couleurs jaune et noire. « Cela fait années quatre-vingt-dix », me dit-elle. Je ne puis pas en juger mais je suis d’accord avec elle quand elle ajoute que c’est Bouchain qui aurait dû s’occuper de ça.

    Dans la petite salle, trop petite, qui s’ouvrait sur l’extérieur dans un premier projet abandonné faute d’argent, joue Mama Rosin, groupe à accordéon. C’est peut-être pas mal, mais trop de monde, on ne peut y entrer.

    Elle choisit l’extérieur pour aller fumer, refusant de se faire enfermer dans la cage vitrée non chauffée réservée aux accros de la cigarette, puis nous allons attendre la suite du programme dans la grande salle pas si grande que ça. Ses murs latéraux sont recouverts par ce qui ressemble à des clôtures de clayettes en bois, installées verticalement. Des coursives la dominent sur lesquelles passent des hommes pressés. Prenant appui contre la rampe d’accès au plateau où sont parqués les handicapé(e)s en fauteuil, nous assistons au remplissage de la salle puis à l’arrivée des Strange Boys qui font du rock à l’ancienne. On en écoute un peu puis on se replie au milk bar de Fabius où nous commandons des jus de fruits. D’enceintes sort du rap à haut volume que nous fuyons, le rafraîchissement bu, en nous réfugiant au bout du couloir qui mène aux spacieuses loges et cantine des artistes (non visitables). Elle s’assoit par terre et je m’appuie contre le mur. On discute de tout ça en attendant le prochain concert.

    Avant de retourner dans la grande salle, je passe par les toilettes, très impressionné par le mur métallique contre lequel les buveurs de bière sans alcool peuvent la pisser de concert, entre peutes, en cherchant qui a la plus grosse.

    Elle retourne fumer dehors puis me rejoint contre la rampe d’accès des handicapé(e)s. Cette fois-ci, elle s’est fait fouiller par les vigiles. « Vous ne fouillez qu’à partir d’une certaine heure, laquelle ? » leur a-t-elle demandé.

    -Une certaine heure, lui a-t-il été répondu.

    Il est bientôt vingt et une heures, la salle est presque pleine quand Lilly Wood and The Prick prennent place sur le plateau. Ça s’écoute mais c’est un peu bruyant à mon goût. Je n’aime pas cette salle. Elle est oppressante. Ses cloisons me font penser aux enclos pour les bestiaux. D’ailleurs, c’est ce que nous sommes, du bétail, debout dans nos manteaux et nos blousons, surveillés par des vigiles. La plupart jouent le jeu, répondant « Oui ! » quand Lilly crie « Ça va Rouen ? », claquant les mains au-dessus de la tête quand les musiciens leur demandent de le faire. Je propose à celle qui est dans mes bras de se tirer de là.

    On rentre à la maison boire un petit porto.

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