• La grande et fabuleuse histoire du commerce de Joël Pommerat au Théâtre de la Foudre au Petit-Quevilly

    Ce n’est pas sans mal que j’ai obtenu une place pour la dernière représentation de La grande et fabuleuse histoire du commerce de Joël Pommerat au Théâtre de la Foudre au Petit-Quevilly, m’y étant pris très tard, après avoir entendu l’auteur parler de ses pièces sur France Culture, mais c’est bon j’en ai une et donc en métro, ce vendredi huit mars au soir, je vais jusqu’à François-Truffaut, commune du Petit-Cul.

    La guichetière m’explique que j’ai le choix entre une place au premier rang, c’est-à-dire trop près, et une dans la deuxième moitié des gradins, c'est-à-dire trop loin. Je choisis trop près.

    Plus qu’à attendre dans le couloir qui mène à la salle. Un homme en sort. Il hèle sa collègue qui tarde à venir :

    -Alors, c’est l’heure, je sais bien que c’est la Journée de la Femme mais quand même.

    Ce qui montre que travailler dans la Culture n’évite pas la beauferie de base. La femme ne répond rien et me dit bonjour en m’appelant par mon nom bien qu’on ne se connaisse pas. Je m’assois au premier rang. C’est près et surtout en contrebas mais pas plus gênant que ça. Je vois bien sur le plateau le décor qui consiste en une chambre d’hôtel deux étoiles d’il y a quelques décennies. Autour de moi, on s’installe : « T’as trouvé ton numéro ? ».

    La grande et fabuleuse histoire du commerce se passe dans le monde de ceux qu’on appelait autrefois des représentants et maintenant des commerciaux. Toutes les scènes ont lieu dans les hôtels après le travail. La pièce est en deux temps Dans le premier, mil neuf cent soixante-huit, un jeune homme inexpérimenté rejoint un groupe de quatre vendeurs d’âge mûr. Dans le second, deux mille, quatre débutants d’âge mûr sont formatés par un jeune chef. Aux deux époques, il s’agit de fourguer de l’inutile au prétexte d’aider le quidam : pistolet d’alarme dans la première, guide des droits sociaux dans le seconde. Le monde marchand en prend un coup mais heureusement sans discours idéologique. Dans les personnages, joués par les mêmes acteurs dans les deux moitiés de pièce, apparaissent des vies personnelles pas roses. Tout cela est subtil, jouant sur les différences et les ressemblances entre les deux époques (la deuxième étant la pire) et l’inversion du dominé dominant jeune vieux. J’ai entendu Joël Pommerat expliquer sur France Culture comment il bâtit ses pièces à partir de témoignages réels. Ici, il n’oublie pas de remercier Marie-Cécile Lorenzo-Basson pour l’utilisation d’extraits d’intervious de sa thèse La vente à domicile : stratégies discursives en interaction. Autre point fort : l’utilisation de discrets micros qui évitent ce qui m’insupporte souvent au théâtre, l’acteur hurlant à tout bout de champ. Je passe donc une excellente soirée.

    Les applaudissements sont conséquents pour « les cinq comédiens exceptionnels de présence et de retenue » (comme dit le programme) : Eric Forterre, Ludovic Molière, Hervé Blanc, Jean-Claude Perrin et Patrick Bebi.

    Le métro arrive en même temps que moi à la station François-Truffaut. Avant vingt-deux heures je suis à la maison où m’attend un mail de celle qui est encore au travail à New York, cherchant à me consoler un peu du sale coup que vient de me faire l’un que je croyais mon ami de trente ans.

    *

    Quelle surprise, voici maintenant Le Major fâché avec son éditeur. Play with Cathedral ne lui plaît pas (trop petit, mauvaises couleurs, la suite au prochain épisode). Les Editions Point de Vues doivent l’avoir saumâtre et regretter la prise de risque que constitue la publication d’un ouvrage dont les piles décorent encore leurs vitrines et leurs étagères, sans compter les ennuis qu’elles pourraient avoir le jour où un ayant droit des images détournées tombera dessus.

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    Autre surprise rouennaise qui n’en est pas une : on a retrouvé le corps de l’étudiant sorti éméché d’un bar de nuit proche de la Seine, il était coincé entre une péniche et le quai.

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