• Le Festin du Centre Chorégraphique National de Nantes dans l’atelier des décors de l’Opéra de Rouen

    Je sais de quoi il s’agit ce lundi soir, à quel Festin m’attendre, aussi je fais en sorte d’arriver tôt rue Dessaux où est l’atelier des décors de l’Opéra de Rouen et me voici sur le trottoir en compagnie de trois vigiles aussi costauds que débonnaires et des ouvreuses et ouvreurs qui fument une dernière cigarette, dans cette rue plutôt triste de la rive gauche, d’un côté des immeubles sans cachet, de l’autre une friche industrielle (comme on dit) qui sera peut-être un jour remplacée par une nouvelle gare.

    Quand l’autorisation d’entrer est donnée, billet et programme en main, nous montons un raide escalier de béton qui nous mène à l’étage sous les poutrelles métalliques dans une salle transformée pour l’occasion en un vaste bar où je ne consomme pas, restant debout à lire le livret programme qui m’apprend que Claude Brumachon, le chorégraphe de la soirée, fut élève des cours du soir de l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen puis danseur dans cette même ville au sein des Ballets de la Cité à la fin des années soixante-dix.

    Depuis mil neuf cent quatre-vingt-douze, il dirige le Centre Chorégraphique National de Nantes avec Benjamin Lamarche. Tous deux dansent Le Festin ce soir en compagnie de seize autres danseuses et danseurs. Je les entends s’échauffer.

    Il s’agit maintenant de regagner le rez-de-chaussée par un deuxième rude escalier et de s’asseoir sur une haute chaise en bois à la table du Festin. J’ai une bonne place au milieu d’un des côtés du rectangle (à l’intérieur duquel se trouve le parquet de danse). D’autres, arrivé(e)s plus tard, n’ont droit qu’à un siège en gradin derrière, ce qui leur sera dommageable.

    Mes voisins de gauche se demandent d’où vont venir les artistes et si on va nous faire le coup du spectacle qui commence insensiblement. Que non, danseurs et danseuses entrent par une porte et se groupent au centre du rectangle, vêtu(e)s de dominante rouge, et en avant la musique (Claudio Monteverdi, Johann Ficher, Josquin Desprez, Henry Purcell et Philip Glass).

    Cela se passe autant sur la table que dans le rectangle central et c’est l’occasion d’être proche comme jamais d’une danseuse ou d’un danseur, à en être touché, à sentir la transpiration, à entendre les respirations haletantes, à croiser des regards tendus. Les corps s’entrechoquent, se choquent bruyamment sur la table et le parquet, s’apaisent parfois, rebondissent, repartent à l’assaut des convives, finissent par se regrouper au centre du rectangle dans la position de départ.

    Les applaudissements bien nourris sont copieux. Des sourires s’échangent entre artistes et public. C’est un spectacle où on a envie de dire merci à la fin, avec, en ce qui me concerne, un remerciement particulier à la danseuse aux petits seins nus dont le doigt s’est posé sur ma main pour ensuite grimper sur mon bras.

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