• Le point sur les activités de censeur de l'avocat Emmanuel Pierrat

                Avec en fond de scène la neige qui tombe ce lundi matin sur les toits de Rouen, je pianote sur le clavier de mon ordinateur, écrivant la page du jour de ce Journal de Bord. Je vérifie via Gougueule telle ou telle orthographe et c’est ainsi que j’arrive par hasard et sans l’avoir voulu sur un blog nommé Cabinet de curiosité. On y trouve de bien belles images et me voici bientôt en train d’enregistrer des photos inconvenantes de « friponnes nipponnes ».

                C’est comme cela qu’on se laisse distraire et une distraction en entraînant une autre, j’apprends via ce même blog, l’existence d’un numéro spécial du Point sur les livres interdits.

                J’affronte la floconnaille et, à la Maison de la Presse, me procure le numéro hors-série de l’hebdomadaire de droite (janvier-février deux mille neuf). Il est titré Ovide, Spinoza, Sade… Les textes maudits et tous les livres interdits.

                Cet excellent dossier s’intéresse aux livres ayant eu, à toutes les époques et un peu partout, des ennuis avec le pouvoir pour cause d’insoumission sexuelle, religieuse ou politique. J’y retrouve quelques affaires bien connues et en découvre d’autres tout aussi édifiantes. Chaque ouvrage évoqué page de gauche est, page de droite, cité en longs extraits pertinents. De l’Art d’aimer d’Ovide à Lolita de Vladimir Nabokov en passant par le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde de Galilée, Le Bordel des muses de Claude Le Petit, La Question d’Henri Alleg et bien d’autres, ce numéro spécial fait le point sur la censure à travers les âges.

                Quand on en arrive à la situation d’aujourd’hui en France, il faut en passer par l’obligé Emmanuel Pierrat, présenté ainsi par Le Point : « Un adversaire de la censure suffisamment redouté pour que les éditeurs lui aient envoyé en deux mille sept pour lecture préalable, dix pour cent des romans de la rentrée littéraire… ». Une phrase qui dit exactement le contraire de ce qu’elle prétend dire. Pour cause : cet avocat n’est pas un adversaire de la censure, il remplace à lui seul toute une commission de censure. Je l’ai entendu je ne sais combien de fois évoquer avec complaisance (sur France Culture, à la Maison de l’Avocat de Rouen) son rôle de lecteur de manuscrits et d’élagueur de tout ce qui dépasse, l’éditeur faisant ensuite pression sur l’auteur(e) pour qu’il ou elle accepte les coupures ou la modification de l’âge de l’héroïne.

                « Aujourd’hui, un roman doit ressembler au Code Pénal », voilà ce que déclare le néfaste Pierrat qui fait de la trouille des éditeurs son fond de commerce (bien oublié le courage des Pauvert, Losfeld, Deforges, qui de procès en procès faisaient reculer la censure).  « Quel avenir pour la censure ? » demande Le Point à Emmanuel Pierrat. « Un bel avenir qui fera la prospérité des avocats » répond-il benoîtement. Sa prospérité est en effet assurée, d’autant que sa proximité avec les éditeurs pusillanimes lui permet de publier ses propres romans érotiques (aussi mal écrits que peu bandants).

                Le Point se rattrape à la page suivante par un entretien avec l’historien Bernard Joubert, auteur du Dictionnaire des livres et journaux interdits publié en deux mille sept chez Electre-Cercle de la Librairie et de l’Anthologie érotique de la censure publiée en deux mille un à La Musardine.

                « La liberté s’use de ne pas être utilisée… » s’insurge Bernard Joubert qui ajoute : « Personnellement, je suis scandalisé par la mode du caviardage des romans, notamment parce que je la sais pour une grande part irraisonnable. Les éditeurs ont peur parce que leurs avocats leur ont instillé cette peur par une présentation alarmiste de la situation. »

    Partager via Gmail Yahoo!