• Le Quai aux Livres de Rouen, toujours bien profitable

                Il est sept heures dimanche matin, la nuit pas encore levée, elle et moi sommes déjà en train de fouiller dans les premiers cartons rencontrés sur les quais de Rouen où c’est jour de grand déballage de livres d’occasion. Ceux que nous manipulons chez ce premier vendeur ne le sont pas. Il travaille dans l’édition et tout ce qu’il vend est neuf, il n’y a que le prix qui soit d’occase et j’en profite bien.

                Un peu plus loin, c’est elle qui fait une affaire avec un énorme livre consacré à Jean-Pierre Raynaud, l’artiste carreleur, publié au Editions du Regard, vendu pour un prix compatible avec le contenu étique de son porte-monnaie d’étudiante.

                De marchand d’un jour en marchande d’un jour, nous remplissons nos sacs et avons bientôt les mains sciées par le poids. Elle se dévoue pour aller vider tout cela à la maison tandis que je continue à chercher mon bonheur sous un soleil froid.

                Elle me retrouve sans difficulté dans le flot pas encore trop dense des acheteurs et acheteuses. Nous croisons quelques connaissances et supportons en silence le discours des dames de charité « Vous achetez un livre et en plus vous faites une bonne action ».

                Il n’y a pas que les membres des bonnes œuvres ici, il y a aussi des particuliers prêts à tout pour se débarrasser de leurs livres et des professionnels qui délaissent pour un dimanche le marché du Clos Saint-Marc, jugeant l’endroit plus avantageux.

                -Ah, ça fait du bien de voir des jeunes acheter des livres, s’exclame une vendeuse quinquagénaire qui vend les siens, tous datant des années soixante-dix, et qui ne doit donc plus lire depuis longtemps. Elle parle de celle qui m’accompagne et celle-ci se retient pour ne pas dire à cette ancienne le fond de sa pensée.

                Nos sacs se remplissent à nouveau de livres qu’on ne cherchait pas, sans que l’on trouve ceux que l’on cherche. Quelques bonnes affaires nous échappent de peu, à notre mécontentement. Quand les acheteurs et acheteuses commencent à se presser et à se compresser sur le quai, nous quittons les lieux. Il est onze heures, cela ne fait que quatre heures que l’on est là.

                La liste complète de nos achats serait assurément fastidieuse. On y trouve, rapprochés par un hasard réjouissant : Comment fumer en cachette de Nicolas Kanjounzeff (Hachette) et l’Histoire Raisonnée de la Fellation de Thierry Leguay (Cercle Poche).

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