• Lecture d’Extinction de Thomas Bernhard par Serge Merlin au Théâtre des Deux Rives

    Sorti du vernissage de l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen, je remonte jeudi soir la rue de la République, laquelle en son extrémité est interdite à la circulation automobile à grand renfort de gyrophares bleus. S’y mêlent les gyrophares rouges des pompiers. Le kebab en forme d’étroit trapèze situé à l’angle de cette rue de la Rép et de la rue Richard-Lallemant vient de brûler. Il n’en reste rien. Une pelleteuse arrache les débris calcinés qui sont chargés dans un camion. Je fais le badaud un instant puis reprends mon chemin. Il me mène au Théâtre des Deux Rives (ou au Centre Dramatique Régional de Haute-Normandie ainsi que l’on aime à dire depuis deux ans).

    J’y vais ouïr et voir Serge Merlin lire des extraits d’Extinction de Thomas Bernhard, que j’ai lu entièrement en juillet deux mille sept. Un bon moment d’attente en bas des marches puis la salle s’emplit d’un public d’âge mûr complété de scolaires (comme on dit). Sur la scène un bureau derrière lequel finit par s’asseoir l’acteur qui y étale son texte. Il est éclairé par trois projecteurs dans le genre pénombre. Un micro amplifie sa voix qui serait audible sans cela.

    Il vocifère, il tonitrue, il vitupère, il clame Extinction en plusieurs épisodes séparés par des parties enregistrées plus calmes. C’est un grand numéro d’acteur (dit-on dans ces cas-là). Il me rappelle une mienne connaissance d’il y a longtemps qui faisait bien l’Antonin Artaud mais comme il n’était pas comédien, cela s’est mal terminé pour lui.

    A l’issue, l’acteur-totalement-habité-par-son-rôle salue d’un air égaré.

    Serge Merlin a joué les pièces de Thomas Bernhard pendant vingt ans. Il se fait de l’écrivain une idée qui n’est pas la mienne. Mon Thomas Bernhard est tout de colère rentrée, intérieure, ruminée, ressassant en silence ses haines et ses rancœurs.

    Je redescends vers chez moi. Le kebab incendié est entouré de barrières marquées « Danger ». Juste à côté, le sexe-cheupe est ouvert, qui clignote dans le noir, indemne mais ayant eu chaud aux fesses.

    *

    Rouen, vendredi, vers dix heures : arrivée massive de pompiers et d’urgentistes devant le Palais de Justice. Les sauveteurs s’engouffrent à l’intérieur de la station de métro. Dans les rues voisines on s’interroge mutuellement sur le pas des portes. Keskispasse ? Un accident ? Un attentat ? Rien qu’un incident électrique. On rentre à la maison, déçu.

    *

    Le Tout Puissant de la République dans les jupes du pape et de ses cardinaux. Il s’agit de rassurer les catholiques. Ils doivent l’être : Sarkozy, ce fat sot, a pour eux la même considération que pour le reste de la population française, il les prend pour des imbéciles.

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