• Mercredi, c'est Paris (ce n'est pas moi qui le dis)

    « Mercredi c’est Paris » annonce Loïc Boyer, l’ancien Rouennais bien connu, sur sa page Fesse Bouc et comme pour moi aussi, il y a une petite chance que l’on se croise. Des rencontres improbables, j’en ai fait plusieurs dans la capitale, par exemple un de mes médecins d’il y a longtemps, tendrement enlacé avec une femme qui n’était pas la sienne.

    Je me lève tôt, incertain des trains, croisant des bus sur lesquels flottent des petits drapeaux jaunes et noirs en l’honneur de l’équipe de foute de Quevilly qui affronte (comme ils disent) les Parisiens ce soir. Ça en excite beaucoup à Rouen (hier, un buveur de Picon bière : « S’ils vont en finale au Stade de France, je tue ma mère pour lui piquer les trente euros de ma place ».

    A la gare, c’est un autre type d’excitation. La grève que l’Etat déclare nulle et non suivie perturbe davantage le trafic que la semaine dernière. Certains grognent, brodant sur le thème « Nous, on travaille ». D’autres ou les mêmes applaudissent l’annonce de l’annulation d’un train pour Le Havre. Celui pour lequel j’ai une réservation n’existe pas non plus, mais pas grave je prends le suivant et à neuf heures et quart je suis à Paris où il fait bon. J’ai pour programme de me balader de bouquinerie en bouquinerie jusqu'à la fin de l’après-midi. Alors me rejoindra celle qui étudie courageusement.

    Je commence rue du Faubourg Saint-Antoine chez Book-Off à l’heure de l’ouverture. Un couple me précède, un sac rempli de livres à la main qu’ils espèrent vendre à bon prix. « Entre vingt centimes et deux euros par livre et ce qui n’a pas de code barre on n’en veut pas », leur annonce le jeune homme au comptoir. Ils repartent bien déçus. Etre vendeur de livres n’est pas une sinécure. Pour moi ça va, je joue le rôle de l’acheteur en écoutant Alan Stivell diffusé dans la boutique, ce qui me fait songer aux vacances prochaines. 

    Sorti de là, je mange chinois du côté de la Bastille puis rejoins le Quartier Latin (d’autres livres) et enfin le Book-Off de la rue Saint-Augustin. Un peu avant dix-huit heures, je l’attends sur le trottoir, bien chargé. Dans mon butin, Chien de Paul Nizon (Actes Sud), des érotiques : L’attendrisseur de Jacques Serguine (Editions Blanche), Panache d’un anonyme (Bibliothèque Blanche), Diabolique Frieda d’un autre anonyme (Bibliothèque Blanche), Twist dans le studio de Vélasquez, l’esthétique très générale illustrée d’Arnaud Labelle-Rojoux (L’Evidence), Caresser le velours, le roman lesbien de Sarah Waters (Dix/Dix-Huit) avec en couverture le remarquable The Kiss (détail) de Joseph Granie, je garde le plus curieux pour la fin Technologies de l’orgasme (Le vibromasseur, l’ »hystérie » et la satisfaction sexuelle des femmes) de Rachel P. Maines, ouvrage traduit de l’américain, publié chez le sérieux Payot, « Soigner l’hystérie féminine par l’orgasme, tel fut pendant des siècles, le souci des médecins, qui, scrupuleusement, pratiquèrent des massages pelviens sur leurs patientes. Par souci de rentabilité, l’orgasme n’étant obtenu, en moyenne, qu’au bout d’une heure, la plupart de ces massages furent déléguées à d’autres femmes, infirmières ou sages-femmes. Toutefois, à la fin du dix-neuvième siècle, l’électricité permit aux médecins de s’équiper d’efficaces instruments vibratoires ». Cela donne envie de s’instruire.

    Elle arrive, sortant de terre à Quatre-Septembre, fatiguée et souriante, chargée de son ordinateur et d’un pique-nique que nous dégustons un peu plus tard dans le square Louis le Seizième, boulevard Haussmann, où la chapelle expiatoire bâtie sur le lieu de l’enterrement du roi décapité et de Marie-Antoinette est en travaux et où nourrices, mères et baby-sitteures s’occupent aussi peu que possible de moutard(e)s courant partout au risque de se faire enlever par les pédophiles cachés dans les buissons.

    Tandis que nous mangeons ses délicieux sandouiches salami fromage, je lui parle de mon livre scientifique paru chez Payot et elle me dit que justement elle se sent un peu hystérique en ce moment.

    Quand le soleil se couche et que le froid tombe, nous nous rapprochons de la gare Saint-Lazare. Tout le quartier est entre les mains de la Police. De sévères Céhéresses, près desquels il n’est pas prudent d’aller s’informer de ce qui se passe, sont en embuscade. D’autres policiers se chargent à grands coups de sifflet de compliquer la circulation automobile. Un porteur de gants blancs est à l’affût. De toute évidence, on attend un cortège officiel. Celui-ci finit par surgir, cars de police, motos et luxueuses voitures. Impossible de voir qui se cache dans la plus grosse mais à ses côtés je crois bien apercevoir Loïc Boyer.

    Partager via Gmail Yahoo!