• Myth de Sidi Larbi Cherkaoui à l'Opéra de Rouen (Automne en Normandie)

                Danse et théâtre, vendredi soir, à l’Opéra de Rouen pour Myth de Sidi Larbi Cherkaoui, présenté pour le festival Automne en Normandie, j’y suis, en corbeille, tout au bout de l’avant-dernière rangée, une méchante place, parfaite pour voir les spectateurs d’en face, pas du tout faite pour voir le plateau. Je peux heureusement me décaler un peu grâce à l’absence de spectateurs de la rangée précédente. C’est mieux, je vois les musiciens déjà installés sur une plateforme au-dessus de la bibliothèque qui compose une partie du décor ; à droite de la bibliothèque et des musiciens une immense porte, fermée.

                Sur scène, des comédiens à physique particulier et des danseurs acrobates et contorsionnistes, les premiers jouent des personnages en attente dans une zone non définie, peut-être le purgatoire, un militaire d’opérette, une attardée mentale, une intellectuelle anglophone, une travestie noire, les seconds, de noir vêtus, sont les doubles ou les fantômes ou les ombres des premiers qu’ils imitent, accompagnent, persécutent, menacent, aident, selon le moment, caracolant, gambadant, rampant, cabriolant, escaladant le décor. Tout cela sur une musique médiévale jouée par l’Ensemble Micrologus de Patrizia Bovi (laquelle chante d’une voix magnifique). Les personnages s’expriment en français, flamand et anglais (ce dernier surtitré sur le décor). Sporadiquement, elles et eux racontent ce qui a brisé leur vie et les a amenés là. L’histoire alterne entre comique et tragique, passant de l’univers de la Divine Comédie à celui du Magicien d’Oz. Les portes vont-elles s’ouvrir ? On peut attendre longtemps ici, la présence de deux squelettes le montre bien.

                Deux heures de spectacle ininterrompu et pas une minute je ne m’ennuie, la chorégraphie pleine d’invention, les bribes de texte emplies de violence, la musique qui me fait songer parfois à Malicorne, tout m’enchante.

                Quand la porte s’ouvre, laissant le passage à un individu plus ou moins christique qui emmène personnages et parts d’ombre (sauf la travestie qui préfère continuer à lire dans cette salle d’attente et sa part d’ombre qui ne peut la quitter), je fais partie de celles et ceux qui applaudissent bien fort. D’autres applaudissent poliment et commentent bruyamment :

                -Cela m’a semblé interminable.

                -Une soirée de perdue.

                -Heureusement qu’il y avait la musique.

                -Qu’est-ce que c’était chiant !

                Quand ces derniers sont contents, je suis mécontent ; quand ils sont mécontents, je suis bien content.     

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