• Perriers-sur-Andelle, Fresne-le-Plan, Isherwood et la dame morte

    Dimanche, dixième jour du dixième mois de l’an dix, elle retenue à Paris par une arrivée de Letton(e)s, c’est en solitaire, le jour à peine levé, que j’arpente, pour l’ultime vide grenier de l’année, Perriers-sur-Andelle, charmant village de l’Eure qui prend ses aises entre colline boisée et paisible rivière.

    J’ai un objectif : remplacer pour trois fois rien mon téléphone filaire en panne. Il me faut parcourir plusieurs fois la longue rue où se déploient les étalages avant de trouver. Noir, élégant, de marque Alcatel, pour un euro il est à moi.

    Sur la route du retour, je m’arrête à Fresne-le-Plan, village charmant de Seine-Maritime, où dans une salle communale se tient une vente de livres. Il est neuf heures et demie mais ce n’est pas prêt. A voir la tête des vendeuses, je devine qu’il n’y aura rien pour moi, aussi, sans attendre, je file à Rouen.

    A la dixième minute de la dixième heure du dixième jour du dixième mois de la dixième année, je suis chez moi et ai une pensée particulière pour celle qui n’est pas là.

    Il fait un temps à déjeuner dans le jardin mais ce n’est pas une activité à laquelle je me livre seul. Le repas terminé, je choisis d’aller passer l’après-midi à la terrasse d’un café. Au bout de la ruelle, une voiture de police est arrêtée. Deux policiers y font je ne sais quoi.

    J’opte non pour le Son du Cor dont je fuis en ce moment les habitué(e)s encombrant(e)s, mais pour le Café de la Jeanne, place de la Pucelle.

    Au soleil, j’y lis Octobre de Christopher Isherwood, journal d’un mois de vie commune avec son ami Don, écrit en soixante-dix-neuf. Il y est question de paresse incorrigible, de vieillesse redoutée et de la mort des autres. Cela commence ainsi, à la date du premier octobre : C’est l’anniversaire de mon frère Richard. Aujourd’hui il aurait eu soixante-huit ans. Il est mort le 15 mai dernier d’une crise cardiaque… La place de la Pucelle a un air d’été. Son centre est encombré par une imposante construction vitrée, studio provisoire d’Europe Un en visite à Rouen mercredi et jeudi prochains.

    Deux heures plus tard, quand le soleil se cache derrière l’immeuble d’en face, je rentre. Au bout de la rue, la voiture de police est toujours là, rejointe par une autre. Les policiers sont dans la cour de l’immeuble dont le rez-de-chaussée est occupé par un céramiste. J’imagine une perquisition. Ce n’est que plus tard que je comprends, quand, penché à ma fenêtre, je vois arriver deux hommes en blouse blanche apportant une civière à roulettes.

    Dix minutes après, la police s’étant assuré qu’il n’y a aucun(e) passant(e) dans le coin, les hommes en blanc ressortent poussant un cadavre caché sous une couverture mauve.

    Le lendemain, j’apprends qu’il s’agissait de celui d’une vieille dame à l’accent anglais que j’ai souvent croisée sans lui parler dans la rue Saint-Romain promenant son chien et discutant avec les commerçant(e)s. Crise cardiaque ou suicide, je ne sais. Le chien est à la Essepéha.

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