• Pîtres, comme premier vide grenier de l’année deux mille treize

    Temps incertain, pluie annoncée, mais comme pas une goutte de la nuit je prends le risque d’aller à ce qui est pour moi le premier vide grenier de l’année deux mille treize. Sur le pont Corneille, ce dimanche à sept heures et quart, je vois venir des punkachiens pas encore couchés, trois garçons, une fille, trois chiens. Je sens qu’ils parlent de moi mais je n’entends ce qui s’en dit que lorsque nous sommes proches. C’est la fille à cheveux roses qui parle :

    -Non, c’est un artiste

    -Un artiste ? lui dis-je.

    -Peut-être, me dit-elle

    Le plus embieré me demande alors une cigarette et désolé je ne fume pas, nous poursuivons chacun notre chemin. Comment ma petite voiture a-t-elle supporté le froid et la neige, va-t-elle démarrer sans problème ? Eh bien oui, elle me conduit vers Pîtres dans la vallée de l’Andelle.

    Arrivé sur le plateau, je constate que la neige est encore là dans les fossés et un peu distrait oublie de tourner à gauche avant Pont-de-l’Arche. Je fais demi-tour au premier rond-point et sur le petit bout de route rebroussé croise deux cygnes en vol. Le ciel est à moitié nuageux à moitié bleu, mais point de soleil. Dans la vallée de l’Andelle, une petite voiture blanche me précède. Je la suis jusqu’à Pîtres et me gare derrière elle.

    -J’vous ai laissé un p’tit bout de place, me dit avec un accent da Rouen la femme à cigarette qui en sort.

    Elle me tient la conversation, m’apprend qu’elle c’est les poupées et me souhaite bonne chine quand on arrive aux premiers vendeurs.

    A Pîtres, on n’est pas plus gais qu’ailleurs et plutôt pauvres. Je n’attends pas de merveilles et logiquement je n’en trouve pas. Qu’importe, le plaisir c’est que c’est le premier de l’année, derrière il y a le printemps et un peu plus tard le retour de celle qui dort à New York. La route sur laquelle se situe ce déballage est étroite. En conséquence, il n’a lieu que d’un côté ce qui rallonge d’autant la marche à pied. Côté vendeuses et vendeurs, comme les années précédentes, on se plaint des gens :

    -Les gens, c’est neuf, et y veulent le payer cinq euros.

    Je vais jusqu’au bout, reviens et décide d’en rester là. Un aimable policier municipal m’indique par quelle voie détournée regagner Rouen. A la sortie du village, je m’arrête pour faire pipi dans la neige.

    *

    « Bonne chine », « vous allez chiner », des expressions que je déteste et n’emploie jamais.

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    Appel à candidatures : « La Drac Haute-Normandie inscrit dans le cadre du dispositif de la Commande publique le projet d’une intervention artistique pour la Ville de Rouen, sur la dalle centrale du quartier de la Grand’Mare, Hauts de Rouen. L’œuvre envisagée devra inciter à l’arrêt, à la rencontre, et faire de la dalle un lieu incontournable. » Pauvres habitant(e)s de la Grand Mare à qui l’on fait croire que l’art cela doit servir à quelque chose (spécialement dans le domaine de ce que les politiciens(ne)s appellent la convivialité).

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    « Incontournable », encore un mot qui m’insupporte, de plus usé jusqu’à la corde, mais qui plaît encore à la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Haute-Normandie.

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