• Premiers vide-greniers de deux mille dix (Pîtres, Val-de-Reuil)

    Je sais bien qu’il va faire froid, très froid, mais j’y vais quand même, pas question de rater les premiers vide-greniers de l’an deux mille dix. Au lever du jour, je quitte Rouen ce dimanche, où le soleil se lève derrière la côte Sainte-Catherine. Un peu plus tard, je contemple, navré, à Saint-Adrien, le château de la Belle au Bois Dormant désormais défiguré par une excroissance construite dans sa partie basse après grignotage de la falaise. Presque arrivé, je longe les croix de bois qui symbolisent le sort des ouvriers susceptibles d’être licenciés par la papeterie M-Real. Enfin, j’entre dans Pîtres où je me gare avec l’espoir d’en repartir facilement à l’issue.

    Le vent est glacial. Vendeurs et vendeuses sont grelottants et acheteurs et acheteuses guère mieux. J’enfile mes gants, ce qui ne m’aide pas à fouiller dans les cartons de livres. Un quidam regrette de ne pas avoir emporté sa «casquette à zoreilles de chasseur ». Je croise deux connaissances déconfites et abrège mon parcours pitrien.

    Je m’extrais difficultueusement du flot des arrivant(e)s et me dirige vers Val-de-Reuil. Je me gare dans le quartier olympique (ici règne la gauche sportive). Des deux cent cinquante exposant(e)s annoncé(e)s, vingt-cinq sont présent(e)s dont les Témoins de Jéhovah qui ne risquent pas de m’avoir comme client. Ici aussi, le vent est figeant et je fais vite.

    De retour à Rouen, je vais faire le tour du Clos où se tient le marché coutumier. Trop de monde à cette heure et des politicien(ne)s à éviter qui tractent (comme on dit dans ce milieu) pour les Régionales, je me faufile de marchand de livres en marchand de livres. Une jeune femme m’aborde. C’est une institutrice de l’Ecole Michelet. Elle fait signer la pétition contre l’expulsion programmée de Melissa. Je lui dis que je serai à la manifestation mercredi et rentre me réchauffer chez moi avec pour tout butin Laissez-moi.

    Laissez-moi (réédité chez Phébus) est un récit (autrefois titré Commentaires) qu’écrivit Marcelle Sauvageot après avoir été abandonnée par son amant. Elle mourut peu après de tuberculose, à l’âge de trente-quatre ans. Clara Malraux, Charles Du Bos, Paul Valéry, Paul Claudel et René Crevel ont dit suffisamment de bien de Laissez-moi pour me donner envie de le lire.

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    Une femme sur France Culture qui se vante d’avoir connu Paul Newman quand il habitait à Montmartre. Il la raccompagnait chez elle. « En tout bien tout honneur » croit-elle utile de préciser. Alors qu’en lui faisant du bien, il lui aurait fait honneur.

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    Samedi matin, rue Cauchoise, l’une à l’autre : « Tu sais quoi, il paraît qu’une bonne femme de l’immeuble faisait pousser du haschich. Ouais, tout en haut, sur le balcon ». Ce qui me fait souvenir des luxuriantes plantations d’une voisine d’en face (presque visibles de la rue et totalement de mon appartement). Rien de fâcheux ne lui est arrivé jusqu’à ce qu’elle déménage et soit remplacée par un Procureur de la République qui ne fumait que du tabac.

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    Samedi soir, en attendant ma fille et son ami qui viennent dîner, je regarde les informations régionales à la télévision ; quelques images du grand métingue rouennais d’Europe Ecologie Haute-Normandie à la Halle aux Toiles : des candidats qui arrivent du fond de la salle et remontent l’allée centrale cependant qu’au micro on crie leurs noms, que l’on secoue des drapeaux en cadence et que l’on applaudit debout. De quoi frémir.

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