• Schubert, Webern et Beethoven à l'Opéra de Rouen

                Je suis au premier balcon, deuxième rangée, devant moi s’installent deux couples d’amis d’âge mûr. Dans un éclat de rire, il est question d’un viaduc lié au contournement de Rouen. Il doit passer très près de la propriété d’un de ces couples.

                -On rit mais c’est horriblement désagréable, conclut la dame concernée alors que l’orchestre s’installe.

                Le chef attendu, Dietrich Henschel, n’est pas là, pour quelle raison on ne le saura pas. Oswald Sallaberger, maestro de l’endroit, le remplace au pied levé, comme il est dit par Daniel Bizeray, directeur, et comme il est écrit sur le programme ; à la baguette levée serait plus exact.

                Symphonie numéro cinq en si bémol majeur de Franz Schubert pour commencer, c’est sans surprise et je laisse un peu mon esprit divaguer, tiens la calvitie de ce musicien s’aggrave, celui-ci se laisse pousser une légère barbe et de quel pays peut bien être originaire la nouvelle contrebassiste guère plus grande que son instrument ? Si je lève les yeux, je vois une bonne partie de l’orchestre jouant à l’envers dans le reflet de l’énorme suspension accrochée au-dessus des têtes des spectateurs de premier niveau, c’est bien aussi comme ça.

                Suit Fünf Sätze (Cinq mouvements) d’Anton Webern, œuvre courte et qui en déconcerte certain(e)s. Toux et éternuements ajoutent à l’expressionnisme des cinq mouvements. Réaction involontaire à un malaise ou sabotage délibéré, je ne tranche pas.

                Le gros morceau est pour après l’entracte avec Jane Peters au violon solo, c’est le Concerto pour violon, en ré majeur de Ludwig van Beethoven, une œuvre qui fut bien mal accueillie à sa création et qui continue à susciter la méfiance de certains musicologues, m’apprend la programme. Eh bien, elle me convient tout à fait, c’est un vrai plaisir empli de petites surprises. Jane Peters fait montre d’un tel brio qu’elle éclipse un peu le jeu de l’orchestre et sa direction. Elle fait même oublier aux tousseux d’être malades. Gros succès pour elle qui, en échange des applaudissements, offre en cadeau un petit solo.

                En regagnant mon logis, je passe devant l’entrée des artistes. Les musiciens s’apprêtent à quitter l’Opéra.

                -C’est les vacances pour nous, déclare l’un d’eux. On va aller boire des coups.

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