• Strasbourg m'inquiète (où l'on inaugure une grande médiathèque)

                Ce mercredi matin, sur France Culture, j’écoute Métropolitains, l’émission de François Chaslin. Parmi les invité(e)s, deux architectes : Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart, concepteurs de la Médiathèque André Malraux de Strasbourg, inaugurée le dix-neuf septembre par la gauche locale portée aux affaires municipales lors des dernières élections, voulue auparavant par la droite locale alors au pouvoir. Serait-ce que les socialistes de Strasbourg ne pensent pas, à l’exemple de leurs collègues rouennais(e)s, qu’« Aujourd’hui, la page des cathédrales de livres est tournée » ?

                Pas sûr : Roland Ries, nouveau maire, indique dans Le Monde que là-bas aussi « l'ère des grands projets touche à sa fin ». Les Strasbourgeois(e)s ont seulement la chance que les travaux de leur Médiathèque soient allés plus vite que ceux de celle de Rouen (aujourd’hui défunte).

                Huit départements répartis sur six niveaux, onze mille huit cents mètres carrés, cent soixante mille documents, vingt kilomètres de rayonnage, trente-cinq mille cédés et dévédés, près de mille places assises, voilà ce qui s’offre à ces veinard(e)s.

                Me promenant sur le Net pendant que j’écoute France Cul, j’en apprends une bien bonne (comme on dit) à propos de cette Médiathèque André Malraux. A l’initiative des graphistes du cabinet Ruedi Baur, des citations d’auteurs (Michel Butor, Peter Handke, Antonin Artaud, et cætera) ornent les murs et le sol des couloirs à fin de signalétique. Pour indiquer la porte des toilettes « Messieurs », ces graphistes ont choisi un extrait de Rigodon de Louis-Ferdinand Céline Je vous laisse en plan et mes comics... Vite, mes oignons, que je vous retrouve! Par ici, Mesdames et MESSIEURS... Encore deux mille pages au moins!

                Cette citation a été effacée avant l’inauguration. Selon les Dernières Nouvelles d'Alsace, c’est le maire de Strasbourg lui-même: Roland Ries, socialiste, par ailleurs agrégé de lettres, qui a « fait procéder à la suppression de la citation » à la demande du sociologue Freddy Raphaël, ancien doyen de la faculté des sciences sociales, au motif, a dit le maire, que « ce n'est pas le moment de réveiller de vieux démons ».

                Lesquels, je pense, dorment dans les toilettes. La censure, quant à elle, ne dort pas et se répand partout en ce début de vingt-et-unième siècle, comme en d’autres temps la vérole.

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