• Suicide et anti suicide (modes d'emploi)

                Hier je rentre du marché des Emmurées complètement draché, mon parapluie dézingué ne suffisant pas à me protéger de l’averse mais peu m’importe je viens d’y trouver Suicide mode d’emploi, le livre interdit de Claude Guillon et Yves Le Bonniec (auteurs également de Ni vieux ni maîtres), publié en mil neuf cent quatre-vingt-deux aux Editions Alain Moreau.

                Un livre posé avec une quinzaine d’autres sur un meuble, vendu par une brocanteuse à qui j’en demande le prix.

                -Ah, vous n’allez pas faire ça, me dit-elle.

                Je la rassure, elle me verra la semaine prochaine.

                -Il a été interdit ce livre, ajoute-t-elle.

                Je le sais bien, j’en ai déjà un exemplaire chez moi. Je m’inquiète du prix qu’elle va me proposer. À tort, puisque je l’emporte pour deux euros. C’est presque du vol mais c’est elle qui le veut ainsi, dis-je à ma conscience.

                C’est la troisième édition de mil neuf cent quatre-vingt-deux, revue et augmentée, qui est devenue mienne. Au dos, des extraits de presse significatifs tirés du Monde « Un plaidoyer richement informé », du Meilleur (l’un des pires journaux de l’époque) « Un livre abominable », du Quotidien du Médecin « Un ouvrage sérieux sur un sujet tabou » et ce texte signé des deux auteurs : « Qu’on se rassure, nous n’aimons pas la mort. Nous préférons savoir que des enfants s’aiment, qu’un prisonnier s’évade, que des banques brûlent, que la vie en un mot manifeste. »

                Un peu séché, je regarde sur Internet ce que l’on dit de cet ouvrage maudit.

                Je lis sur Ouiquipédia l’histoire de son interdiction, neuf ans après la parution, et apprends qu’« aujourd’hui presque introuvable, il se négocie à partir de deux cent cinquante euros ».

                Pas de trace de lui chez Price Minister. En revanche, j’y trouve un Anti suicide mode d'emploi de Nadia Nadège (un pseudo évidemment) publié aux Editions Vecteurs, dont la couverture démarque celle de Suicide mode d’emploi.

                L’auteure, m’apprend la quatrième de couverture, « est animatrice formatrice dans de grandes entreprises françaises et étrangères. Elle y enseigne des méthodes de développement personnel basées sur la réussite et sur l’optimisme en toutes circonstances ». Tout à fait le genre de personnes qui, quand je les côtoie, me donnent envie de me suicider.

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