• Sur la route du col de l’Izoard, au Laus (commune de Cervières)

    Du monde au petit-déjeuner ce dimanche matin, ouiquennede oblige. A l’une des trois tables sont installés le couple de randonneurs d’hier et un jeune couple de skieurs qui ne rêvent que d’en découdre avec la neige restante. Tous les quatre sont en tenue adéquate, polaires et parkas de sports d’hiver. A la deuxième table se chamaillent les deux enfants d’une famille dont les parents sont surtout intéressés par le nom des confitures qu’ils mangent. A la troisième, c’est moi.

    Cela fait et après que ma voiture a accepté de démarrer, je m’engage sur la route du col de l’Izoard, lequel est fermé quelque part vers le haut. Mon intention est de rejoindre le village de Cervières, mais je le dépasse pour atteindre son hameau nommé Le Laus qui sert de point de départ pour les randonneurs et les skieurs. Le Laus est au soleil alors que Cervières est encore dans l’ombre, c’est la raison de mon choix. Je me promène alentour pendant presque trois heures, longeant le ruisseau qui dévale de la montagne, contournant les plaques de neige, atteignant une chapelle en réfection avant Les Oules que je ne verrai pas. En rebroussant, je croise des skieurs en tenue. Ils font des kilomètres sur l’herbe ou les pierres du chemin avant de trouver une neige skiable. J’ai envie de leur dire : « C’est foutu, tout a fondu » mais je me retiens. Je n’ai pas envie de recevoir un coup de bâton.

    Vers onze heures, je m’installe en terrasse à l’Auberge L’Arpelin et commande un diabolo menthe. J’écris à celle qui dort encore à New York et qui avait hier son premier coup de blouse puis je lis un peu de la Correspondance de Virginia Woolf et Vita Sackville-West tandis que le soleil tape de plus en plus fort. « Pas un nuage » remarque finement l’un de ceux qui boivent un verre à côté, « Les gens d’ici n’ont jamais vu un temps comme ça ».

    Je reste à cette auberge pour déjeuner de gigot d’agneau à la cheminée. On entend de l’extérieur le bois qui craque. Ce n’est certes pas donné, vingt-trois euros cinquante, mais très bon, avec pommes de terre et salade, et tellement copieux que j’ai l’impression dérangeante de manger la part de celle qui n’est pas avec moi.

    Un vieux couple qui n’a rien à se dire a choisi le menu, presque aussi cher que le gigot, et semble le regretter. « Le monsieur là-bas, il est déjà bien bronzé », dit-elle à son mari. Le monsieur, c’est moi. Je pourrais même dire qu’il a pris un coup de soleil.

    *

    Sur le local de la maison Orange, entre Cervières et Le Laus, un graffiti signé du symbole des anarchistes « Trop d’ondes ». Ce n’est pas moi qui m’en plaindrais de ces ondes qui me permettent un peu plus tard, via Skype, de voir que ça mieux du côté de New York.

    *

    Je désapprouve véhémentement ton intention de traverser la France en voiture. C’est quelque chose d’extrêmement dangereux… (Vita à Virginia, le quatorze mars mil neuf cent vingt-huit)

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