• Troubadours et griots à l'Opéra de Rouen (Automne en Normandie)

                Une grosse Renault siglée Automne en Normandie est posée en évidence devant les portes de l’Opéra de Rouen ce samedi soir. C’est ce qu’on appelle un renvoi de publicité. Je te prête une voiture et toi, tu le fais savoir. Une manière peu coûteuse de faire parler de soi quand on est commerçant. Le Printemps la connaît lui aussi, comme l’indique la note sur le programme : « Le personnel d’accueil du festival Automne en Normandie est habillé par le Printemps ». L’automne habillé par le printemps, et qui l‘habille pour l’hiver ?

                Aujourd’hui, c’est une rencontre Troubadours et griots, les huit troubadours du Poème Harmonique, spécialiste de la chanson d’autrefoué, les quatre griots autour de Mamadou Diabaté.

                Tout ce monde est assis en demi-cercle face au public et alternent musiques et chants africains avec chansons du patrimoine d’ici. Les secondes me soûlent rapidement. Je n’aime pas le vieux françoué, ni la gestuelle simpliste, ni les crincrins de fête médiévale. J’attends l’entracte avec impatience et je rejoins celle qui est avec moi le ouiquennede et qui a trouvé une place à cinq euros.

                Du promenoir du premier balcon, nous contemplons le public monocolore (à quelques exceptions qui se comptent sur les doigts d’une main). Elle a le même sentiment que moi : c’est une proposition qui a du sens, ce rapprochement troubadours griots, mais ça ne fonctionne pas.

                -Ils ne sont pas sur le même fuseau horaire, lui dis-je. Heureusement qu’il y a la kora, le balafon et les voix africaines.

                On y retourne chacun de son côté.

                Le chef du Poème Harmonique présente « ses invités ». C’est que griots et troubadours ne sont pas à égalité, ce que montre aussi le programme : sept titres pour les premiers, neuf pour les seconds. La deuxième partie est aussi longuette que la première, c’est figé, séparé, artificiel. Devant moi, un couple avec moutard, très Bois-Guillaume, visiblement s’ennuie. Je l’imagine lui, se disant : « Vivement lundi que je retourne à l’agence. »

                A l’issue, les applaudissements sont nourris mais je n’entends pas de véritable enthousiasme et au rappel, c'est-à-dire trop tard, troubadours et griots jouent ensemble, cela d’une manière qui augmente mon malaise, la chanteuse et les chanteurs du Poème Harmonique considérant la chanteuse africaine Safiatou Diabaté d’un air de supériorité tout à fait déplacé.

                Quand je la retrouve à la sortie, elle m’explique qu’elle a ressenti exactement la même chose : ce côté montre-nous ce que tu sais faire, petite chanteuse africaine, et essayons de faire comme toi, même si nous, on est capable de bien plus que ça. En résumé, une soirée pas du tout obamesque.

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