• Un bon dimanche matin à la Croix de Pierre

    Des vide greniers rouennais celui du quartier populaire de la Croix de Pierre est bien le plus sympathique par la grâce de ses habitant(e)s et de ses habitué(e)s, aussi c’est avec déception que nous réveillant tôt ce dimanche, elle et moi entendons sur le toit la pluie prévue.

    Prévue, présente, mais heureusement de courte durée, elle cesse au moment où nous sortons avec le parapluie.

    Pas le moindre humain dans les rues de la ville à cette heure matutinale, du moins jusqu’à ce qu’on arrive dans les parages de l’église Saint-Vivien. Là, cela grouille et l’on s’installe en espérant que le temps tiendra. J’aperçois un premier carton de livres.

    -Je ne pense pas qu’il y ait là-dedans quoi que ce soit qui puisse vous intéresser, me dit le vendeur, jeune homme à lunettes que je ne connais pas.

    Je le considère d’un œil interrogatif.

    -Je suis l’un de vos lecteurs, m’apprend-il.

    Effectivement, rien pour moi dans son carton mais un peu plus loin, j’aperçois un cédé de Dario Moreno. Je demande son prix au vendeur.

    -Je vous l’offre, me répond-il, ce sera ma première béa de la journée.

    Sa fille éclate de rire, cependant qu’il ajoute « Surtout ne le dites pas à ma femme ».

    -Tu l’as payé combien ? me demande celle qui explorait un stand voisin.

    A elle, on a déjà offert cédé ou livre dans des vide greniers. Pour moi, c’est une première.

    Un peu plus loin, tandis qu’elle fait des affaires de son côté, je trouve à nouveau de quoi m’intéresser. Le vendeur est derrière moi, je lui demande combien il vend ce livre de photos de Mapplethorpe.

    -Bonjour Michel, me répond-il.

    C’est un ami de ma fille, plus de vingt ans que je le connais, depuis qu’elle et lui fréquentaient le collège Alphonse-Allais à Val-de-Reuil. Il s’avère qu’il n’a plus de voiture et ne sait comment lui rendre visite en sa nouvelle maison et faire ainsi connaissance avec le bébé. Je lui propose de l’emmener mercredi midi. Nous en revenons à Mapplethorpe. Pas facile d’acheter à quelqu’un que je connais, ni pour lui de vendre. Je lui propose un prix que je juge convenable et bientôt l’ouvrage est dans mon sac.

    Arrive celle qui m’accompagne à qui il demande ce qu’elle a acheté :

    -Des trucs de fille, lui répond-elle.

    Ce n’est pas le seul exposant connu de nous, il en est aussi deux qui vendent à proximité de la Croix de Pierre devant ce qui va devenir une cantine bibliothèque, l’un rencontré au Magasin Général de Tarnac cet été, l’autre côtoyé chez Echelle Inconnue lors de la création du lieu le plus dangereux de France quand la ministre Alliot-Marie voyait des terroristes partout. Ils nous font visiter les lieux actuellement en travaux : belles briques au rez-de-chaussée pour la cantine et la bibliothèque, carrelage blanc à l’étage pour la cuisine. L’ouverture est prévue en novembre et comme le dit celle qui se réjouit autant que moi « Ça manquait vraiment à Rouen ce genre d’endroit ».

    Elle trouve une trousse à quelques centimes qui lui servira à ranger les Rotrings qu’elle a achetés pour sa rentrée à Paris puis m’offre un cédé de Lou Reed en public. J’en achète un de Katerine, cinquante centimes pour le Huitième ciel. Notre dernière découverte est pour elle : deux Taschen consacrés à l’architecture contemporaine et un ouvrage sur Frank Lloyd Wright, cinq euros le tout.

    Il nous reste à entrer dans la Boulange de la Croix de Pierre fâcheusement rebaptisée le Fournil de la Croix de Pierre. Les pâtisseries y sont toujours à un euro. Le choix conséquent ne nous distrait pas de notre habituelle tartelette au citron. C’est ce dessert qui nous met en joie dans le jardin où nous déjeunons avant que je ne la reconduise chez ses parents.

    *

    L’après-midi, seul, j’explore les vide greniers d’Isneauville et d’Amfreville-la-Mivoie, où l’on ne trouve guère de livres (peut-être tous raflés le matin). Quand même pour elle trois poches : L’urbanisme du Corbusier (Champs Flammarion), L’urbanisme, utopies et réalités (Une anthologie) de Françoise Choay et  L’art de bâtir les villes (L’urbanisme selon ses fondements artistiques) de Camillo Sitte (les deux chez Points Essais). Faut qu’elle bosse un peu, quand même.

    *

    Au Crédit Agricole, rue de la Jeanne, mon voisin regarde d’un air navré son distributeur de billets qui vient de lui refuser de l’argent. Il se tourne vers le mien qui ne me refuse rien. Je sens dans ses yeux qu’il trouverait normal que je partage avec lui.

    *

    Suis rassuré pour les habitant(e)s de Penly. En cas d’accident nucléaire, on les conduira en car dans un gymnase près de Dieppe. La répétition a eu lieu la semaine dernière et s’est bien passée (dommage qu’il n’y ait pas eu de gymnase près de Tchernobyl).

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