• Un court passage au Tribunal Administratif de Rouen

    Jeudi matin, à l’heure où je sors de chez moi un énorme marteau-piqueur s’attaque aux fondations de feu le Palais des Congrès, tandis qu’un deuxième engin un peu moins bruyant se fait entendre dans la Cour d’Albane, là où Madame le Maire de Rouen aménage, derrière des palissades, le jardinet destiné à faire oublier celui qu’elle avait imprudemment promis à la place du complexe Monet Cathédrale. Pendant ce temps, sur le parvis, des ouvriers démontent l’échafaudage ayant servi à la restauration du portail central de la Cathédrale dont il reste des parties non rénovées, toujours derrière leurs filets.

    Fuyant le bruit et le danger de se faire heurter par un engin ou un camion, je franchis la Seine. Boulevard Clemenceau, je longe les nouvelles toilettes municipales gratuites, non encore raccordées au réseau. Comme les poubelles de rues, ces affreux cubes gris semblent provenir d’un stock des anciens Pays de l’Est. Autant dire qu’elles ont peu à voir avec celles de Paris, tout aussi gratuites mais dues au disagneur Patrick Joint

    J’arrive place des Emmurées. Sous le toit du parquigne, les brocanteuses et brocanteurs sont dans une semi obscurité depuis un incendie de voitures. Certain(e)s s’éclairent tant bien que mal avec des lampes de bureau. Aucun espoir d’une réparation de l’éclairage public, me dit l’un d’eux, le parquigne doit être détruit dans un avenir plus ou moins proche et nous, on ne sait pas où on ira.

    Peu de livres dans le bric-à-brac ce matin, j’achète Libération à la Maison de la Presse, repasse par chez moi, puis après un crochet par la bouquinerie du Rêve de l’Escalier pour y rapporter un cédé de Philip Glass acheté la veille et présentant un défaut, je suis à dix heures trente au Tribunal Administratif, avenue Flaubert, afin de soutenir une famille rouennaise de Sans Papiers à l’appel du Réseau Education Sans Frontières.

    Nous sommes cinq ou six du Réseau quand entre, à l’heure précise, le Tribunal, lequel commence par l’affaire qui nous intéresse. L’avocate évoque la situation de cette famille tunisienne qui en est à sa troisième Obligation de Quitter le Territoire Français, insistant sur les deux plus jeunes enfants nées en France, dont l’une scolarisée à l’Ecole Marcel Cartier (bien connue de moi), sur la promesse d’embauche en cédéhi (comme chauffeur livreur) du mari, sur les soins que doit donner l’épouse à son père résidant légalement en France depuis mil neuf cent soixante-neuf et malade des suites d’une exposition à l’amiante.

    Le rapporteur public reprend ses éléments, souffle d’abord le froid en les jugeant insuffisants puis le chaud en discutant les textes sur lesquels s’est appuyé le Préfet de Seine-Maritime pour rédiger ses deux Ocutéheffes (une pour le mari, une pour l’épouse). Il en souhaite donc l’annulation et le réexamen du dossier.

    Sans doute le Tribunal le suivra-t-il, nous disons-nous dans la cour à l’issue, mais que décidera le Préfet ensuite ? Peut-être serons-nous encore là dans un an s’il y a une quatrième Ocutéheffe.

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    A La Poste, rue de la Jeanne, pour y acheter des timbres dits de collection. J’attends longuement mon tour. Je demande pourquoi la suppression du guichet Philatélie (où le client était prioritaire pour acheter ses beaux timbres). On me répond que ça prenait trop de temps.  Maintenant, le client attend d’abord puis ça prend autant de temps qu’avant. En vérité, on compte sur son découragement. C’est qu’ils sont casse-pieds ces gens qui ne se contentent pas du timbre courant, et pas rentables. Pas comme ceux qui achètent les mauvais livres disposés dans les présentoirs aux lieux stratégiques dont ceux de la collection Petit Guide. Parmi ces petits guides proposés par le service public neutre et laïc, je note Jean Paul II et La Vierge Marie.

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    La bonne moisson de cédés de Philip Glass que j’ai faite au Rêve de l’Escalier : Two Pages, Contrary Motion, Music In Fifths, Music In Similar Motion et puis « Low » Symphony et puis Koyaanisqatsi et puis Glass Organ Works et puis « Heroes » Symphony et puis le triple music in twelve parts et puis le Piano Solo que j’ai dû rapporter à cause d’une erreur de rondelle mais que j’espère récupérer. Mon avoir en a pris un coup.

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