• Un mauvais livre: Lucette de Marc-Edouard Nabe

                Parmi les livres qui attendent dans mon escalier que je trouve le temps de les lire, certains proviennent de plusieurs achats faits il y a quelques années chez une dame rouennaise à qui le mari grand lecteur avait en décédant laissé cet encombrant héritage. Le défunt mari avait des goûts littéraires proches des miens. Une fois, le fils de la maison dut me raccompagner pour m’aider à porter tous les livres achetés.

                Parmi ceux-là, je viens de lire Lucette de Marc-Edouard Nabe, qui évoque la veuve de Louis-Ferdinand Céline, un ouvrage publié chez Gallimard en mil neuf cent quatre-vingt-quinze. Je connais très peu cet auteur, qui aime poser en victime sentant le souffre. Je ne lis jamais ses diatribes collées sur les murs du Quartier Latin. Quant à ses livres, Lucette est le premier que j’ouvre. C’est parce que, comme son précédent propriétaire, j’ai une particulière dilection pour Céline.

                Eh bien, cela fait longtemps que je n’ai lu un livre aussi mal écrit. Nabe narre les rencontres de Lucette Destouches, veuve de l’écrivain, avec l’acteur et cinéaste Jean-François Stévenin qui a la velléité de faire un film adapté de Nord. C’est tout en dialogue artificiel, empli de « hurla-t-il », « lança-t-il », « s’enthousiasma-t-elle », « éclata-t-il » et même « explosa-t-il » (il ne dit pas qui ramasse les morceaux). Cela se veut affranchi et revenu de tout (sauf de certaines idées pas très avouables). Le pauvre Stévenin s’y exprime en terminant la plupart de ses phrases par « machin » et l’action entrecoupant le dialogue est du genre Stévenin mit les essuie-glaces et ralentit un tout petit peu l’allure. Les personnages secondaires, Dubuffet, Mouloudji, Zagdanski, Knobelspiess, y font aussi minables figures. On y trouve un abus de néologismes, la plupart ridicules, Jimmy Hendrix est évoqué ainsi : Le hippy overdosé woodstockait sec. Tout cela baigne dans la vulgarité beauf, un exemple parmi d’autres : la nourriture asiatique devenant de « la boustifaille chinetoque ».

                Vraiment, comment peut-on écrire ainsi, me dis-je en refermant l’ouvrage. Le pire, c’est que dans cette mauvaise littérature, je n’ai rien appris de nouveau sur Céline et que j’ai désormais de Lucette Destouches, aujourd’hui âgée de quatre-vingt-seize ans, l’image d’une vieille femme ridicule.

                Lucette, livre de Marc-Edouard Nabe, a changé de place dans mon appartement, il est désormais en haut de la pile des livres à revendre.

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