• Une journée à déambuler dans Paris avec celle qui me tient la main

    Mercredi matin, gare de Rouen, à l’heure où doit s’afficher la voie du train de sept heures cinquante-sept apparaît la mention « supprimé ». Un message vocal met ça sur le compte d’un incident matériel. J’appelle d’une cabine celle qui doit m’attendre à Saint-Lazare puis plus qu’à prendre celui de huit heures neuf, un mou de la turbine qui s’arrête dans toutes les gares et part en plus en retard. Le contrôleur présente ses plates excuses et remercie les voyageurs « pour leur compréhension et leur patience » (sourires ironiques sur tous les visages).

    Peu avant l’arrivée, ce même contrôleur invite les voyageurs « en rupture de correspondance » à se rendre dans leur gare « le plus rapidement possible » (sourires ironiques sur les visages) et conseille à qui va gare de Lyon de prendre la ligne Quinze du métro (soupirs consternés de celles et ceux qui savent compter jusqu’à Quatorze).

    Elle est au bout du quai dix-neuf et me propose puisqu’il fait exceptionnellement beau d’aller aux Buttes-Chaumont qu’elle ne connaît pas. Le parc est plutôt désert, ça et là des groupes de Chinois(e)s adeptes du taï-chi-chuan et, isolés, des coureurs et coureuses se ruinant la santé. Des jardiniers ramassent des feuilles déjà mortes. Quelques touristes font des photos. Celle qui me tient la main me parle de son problème : comment trouver un logement quand on a pas de travail et comment trouver un travail à Paris quand on n’y a de logement. J’aimerais bien l’aider mais comment ? Le jardin ne nous plait pas vraiment. On descend vers Belleville où sur les trottoirs sont en vente moult nourritures de ramadan.

    Cherchant un restaurant ouvert et qui nous convienne, nous allons au hasard, passant par la rue Simon-Bolivar qui me rappelle une chanson de David Mac Neil, pour finalement atterrir chez un kebabier à terrasse dont le vin est exécrable. Des éclairs café et chocolat mangés au bord du canal Saint-Martin font notre dessert. Après un café en terrasse chez Réda, la pelouse de l’Hôpital Saint-Louis nous accueille pour l’après-midi. Je m’y fais une amie en la personne d’une bruyante téléphoneuse à qui je ferme le caquet. C’est déjà bien assez d’entendre les infirmières et infirmiers s’engueuler dans le local de la Cégété (quand ça devient trop violent, ils ferment la fenêtre). Comme il est bon de ne rien faire au soleil.

    En fin d’après-midi, un bus nous emmène à Beaubourg d’où nous rejoignons la gare Saint-Lazare par la ligne Quatorze. Il faut se séparer.

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    Le défi de cette journée parisienne : ne pas acheter un livre. Je l’ai relevé sans difficulté.

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    Sur le mur de l’école Rampal, rue du même nom, à la peinture noire en lettres majuscules : Il n’y a pas de bon maître. L’accent circonflexe a été ajouté en rouge (peut-être par l’un des maîtres).

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    Au cours de notre errance pédestre, nous avons le plaisir de passer par la rue Juliette-Dodu et par la rue Dieu.

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    Dieu fut (c’est sûr) un général. Il est mort des suites de blessures reçues à la bataille de Solferino.

    Juliette Dodu fut (peut-être) une espionne pendant la guerre de Mil Huit Cent Soixante-Dix. Elle est morte chez son beau-frère, un certain Odilon Redon.

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