• Vernissages de l’exposition collective Le moindre geste à l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen et de l’exposition Muotokuvia/Portraits de Nelli Palomäki à la Galerie du Pôle Image

    Mardi, la tempête de neige a donné un air de fin du monde à la ville de Rouen, la faute surtout aux nombreux magasins, restaurants et cafés fermés, leurs propriétaires ou gérants habitant à la campagne et étant bloqués par les congères. Quelques vernissages n’ont pu avoir lieu ce jour-là, mais ce jeudi Rouen a repris son aspect normal, et côté vernissages pas de problèmes, j’enchaîne.

    A dix-sept heures trente, j’entre dans la grande galerie de l’Ecole des Beaux-Arts pour celui de l’exposition collective Le moindre geste et y trouve une classe de ladite, des professeurs et des artistes en plein travail. Agnès Geoffray parle des photographies qu’elle expose, des images retouchées de façon réparatrice, dit-elle. On y voit notamment une femme nue emmenée à la Libération pour être tondue rhabillée par ses soins. Les autres artistes et les profs lui posent des questions. L’un de ces derniers regrette que les élèves se taisent. Je les regarde. Certains ont l’air de s’ennuyer. Un autre artiste prend la parole à la suite de la retoucheuse. Il évoque une œuvre de lui accrochée derrière la cimaise, là où il n’y a pas assez de place pour tout le monde. Parler d’une œuvre qu’on ne peut voir, on est vraiment dans l’art conceptuel. Je fais le tour des autres œuvres de moindre geste, dont des vidéos où il ne se passe évidemment pas grand-chose. Rien qui me passionne à priori et je n’ai pas envie de lire les explications sur les intentions des auteurs, je suis un adepte du moindre effort.

    A dix-huit heures quinze, j’arrive à la Galerie du Pôle Image pour l’exposition Muotokuvia/Portraits de la photographe finlandaise Nelli Palomäki et avant même d’être entré, par ce que j’en aperçois à travers les vitres, je sais que ça va me plaire. Que des portraits récents, en noir et blanc, tirages pigmentaires sur aluminium, des grands formats carrés, pris en divers endroits, certains sur fond noir de jeunes femmes à Londres, d’autres de jeunes garçons en institution militaire à Saint-Pétersbourg, enfin d’enfants vêtus de vieux vêtements au Musée Victor Hugo de Villequier, mais pour moi l’important n’est pas là, il est dans le regard des modèles qui fixent l’objectif, où affleure une certaine détresse. Un cadreur de télévision filme les premiers arrivés, après avoir sans doute interrogé Didier Mouchel, le maître des lieux, et Nelli Palomäki, vêtue de noir.

    La télévision partie, beaucoup arrivent, plus moyen de bien voir les photos. Je prends un gobelet de merlot ardéchois. Ce n’est pas qu’il soit meilleur qu’avant (« on fait ce qu’on peut », m’a dit Didier Mouchel quand j’arrivais), mais comme l’exposition me plaît, je suis indulgent. Le maître des lieux prend la parole, présente la photographe et ses différentes séries. Nelli Palomäki fait de même en anglais et indique qu’elle est prête à répondre à toutes les questions.

    -All the French people speak English very well, lui rappelle Didier Mouchel.

                Moi le premier, pourtant j’en aurais des questions à lui poser, auxquelles je dois renoncer, sur l’une des photos présentée, qu’elle n’a pas évoquée, celle qui la montre à l’âge de vingt-sept ans en compagnie de son père, lui le regard fier, presque arrogant, en tenue d’ouvrier forestier, elle sous son bras, collée à lui, l’air timide, presque écrasée, un bonnet marqué Finland sur la tête. Pourquoi l’a-t-elle faite ? Pourquoi tient-elle à ce qu’elle soit présente dans cette exposition ? Pourquoi n’en parle-t-elle pas spontanément ?

    *

                Zoé Lauwereys, jeune journaliste pour un an à Grand Rouen, n’hésite jamais à payer de sa personne pour les besoins de sa profession. Elle a récemment adopté un mec, passé une nuit au gymnase Graindor, disséqué un cadavre au Céhachu (ou presque). La voici maintenant qui essaie de peindre une Cathédrale comme Claude Monet à l’Office de Tourisme. Ça m’a rappelé un texte de moi écrit lors de l’édition précédente de Normandie Impressionniste.

                Le relisant, j’ai constaté que dans le rôle du professeur, la plasticienne Edith Molet Oghia était remplacée par le peintre François Priser (l’art ne nourrit pas son homme) et que le prix était à la baisse : cinquante euros par personne au lieu des soixante demandés en deux mille neuf.

                Comme ça peut inspirer des articles à Zoé Lauwereys, j’en redonne la fin :

    Oui mais quoi faire à l’Office de Tourisme de Rouen quand tout le monde saura peindre une cathédrale comme Claude Monet ?

    J’ai quelques idées :

    Réussir une belle césure à l’hémistiche comme Pierre Corneille

    Vivre presque cent ans comme Bernard de Fontenelle

    Se transformer en pont levant comme Gustave Flaubert

    Mettre à nu une mariée comme Marcel Duchamp (réservé aux célibataires)

    et enfin (c’est plus difficile) :

    Devenir commissaire d’exposition comme Laurent Fabius.

    *

    Le nombre du jour : trente-quatre (paires de chaussettes acheté ce jeudi matin chez Céhéha).

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