• Visite de la Non Médiathèque de Rouen avec Rudy Ricciotti, son architecte

    Dernier jour du Mois de l’Architecture avec en apothéose la visite du chantier de la Non Médiathèque de Rouen en compagnie de son architecte Rudy Ricciotti, ce mercredi matin trente et un mars deux mille dix, soixante-dix inscrit(e)s, deux cents refusé(e)s en liste d’attente, je fais heureusement partie du premier groupe et attend avec mes semblables devant l’entrée du chantier.

    Le vent est violent et froid, les nuages menaçants. Un responsable de l’opération nous invite à attendre à l’abri. Nous le suivons jusqu’au premier étage du bâtiment, immense salle vitrée donnant sur les moches immeubles du quartier Grammont où un café nous est offert, plus qu’à espérer l’apparition du maestro. Yvon Robert, premier adjoint de Valérie Fourneyron (maire de Rouen), est là qui salue ses connaissances.

    Il sort tout à coup avec le président de l’Ordre des Architectes. Tous deux reviennent en compagnie de Rudy Ricciotti. Je comprends alors ce que voulait dire celle qui me rejoint le ouiquennede quand elle m’écrivait en novembre dernier après sa rencontre avec le séduisant architecte à Paris: « ça y est j'ai trouvé un nouveau Dieu, un Maître Adoré, (…/…) un mélange d'Arno, d'Higelin, de Thiéfaine mais aussi d'Elvis, de Tino Rossi, d' Al Capone et de Patrick Sébastien: Ricciotti Le Magnifique... ».

    L’œil las, habilement décoiffé, l’homme de l’art se prépare maladroitement un café puis se lance dans un éloge vibrant des gens du bâtiment sans qui lui ne serait rien, les maçons, ferronniers et autres sachants (comme il dit). Il passe à l’histoire de son bâtiment, autrefois Médiathèque voulue par l’ancienne municipalité (de centre-droit), refusée et transformée en bibliothèque de quartier et lieu d’archivage départemental par la nouvelle municipalité (de gauche) qui voulut d’abord la détruire.

    -On n’arrête pas un porte-avions comme ça quand il est lancé, déclare-t-il.

    Heureusement, dit-il toujours, Valérie Fourneyron et Yvon Robert l’ont compris et ont renoncé à la destruction du bâtiment en changeant sa destination. C’est leur droit, s’ils jugent que la ville de Rouen n’a pas les moyens et s’ils préfèrent partager les frais avec une autre collectivité.

    Il s’en prend par contre à un autre homme politique, Laurent Fabius (alors chef d’agglo), lequel avait déclaré au Point que cette Médiathèque était excentrée et élitiste.

    -J’ai répondu au Point : excentrée ? alors qu’elle est à dix minutes de la gare en bus ! Elitiste ? alors qu’elle est construite dans un quartier où ne vivent que des Arabes et des Noirs !

    Yvon Robert (Robert le Pieux comme l’appelle Félix Phellion) regarde le plafond.

    Rudy remercie ensuite l’Ordre des Architectes qui s’est insurgé contre cette idée de destruction du bâtiment. En revanche, l’Ecole d’Architecture de Rouen n’a rien dit.

    -Ce n’est pas étonnant, ajoute-t-il. Dans les Ecoles d’Architecture, on apprend d’abord à cirer les pompes et à faire des pipes.

    Sur cette vigoureuse formule, il passe le micro à son voisin plus à même de mener la visite et nous voilà parti(e)s. J’apprends que l’immense salle où nous sommes devait être la salle de lecture de la Médiathèque défunte. Elle sera divisée en trois, un bout pour la direction des bibliothèques, un bout pour les archives, un bout pour les techniciens du livre, les trois parties seront séparées par des cloisons transparentes comme on en trouve dans les scouaches. La bibliothèque de quartier sera de l’autre côté avec vue sur le Parc Grammont. Nous montons dans les étages, passons dans des salles d’archivage et des salles de je ne sais quoi puis finissons par arriver sur la terrasse où souffle un vent d’enfer, dominant la Clinique Mathilde, avec belle vue sur la ville. Pendant tout le trajet, Robert le Pieux n’a pas quitté Ricciotti d’une semelle.

    On se perd un peu en redescendant. Ricciotti lui-même ne sait pas où sont les escaliers. Nous arrivons dans une salle qui surplombe un plan d’eau que l’on voit par des hublots dans le sol. Je ne sais pas ce qu’on y fera. Il y aura une cafétéria quelque part.

    La visite s’achève sur la pelouse du Parc Grammont. Ricciotti explique que du lierre grimpera sur les murs et qu’il faut dire aux jardiniers municipaux de ne pas l’arracher, qu’entre le lierre et le béton, c’est toujours le béton qui gagne, puis il demande le micro pour faire une mise au point. On lui a appris (sourire florentin de Robert le Pieux) que Fabius n’a jamais dit ce qu’a écrit Le Point, que c’est une invention de journaliste, et il se lance sur « ces médias qui nous manipulent tous ». Tout à l’heure, Ricciotti le Magnifique disait : « C’est bien, personne ne m’interrompt quand je dis des conneries ». Je ne l’interromps pas.

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