•             Je pense à cette jeune fille, vue hier soir à la télévision, qui pleure devant la prison de Rouen. Elle vient d’apprendre brutalement que son amoureux de vingt ans, enfermé pour conduite en état d’ivresse dans la même cellule qu’un assassin, a été tué par ce dernier qui l’a égorgé avec un miroir. La prison s’appelle Bonne Nouvelle et ce n’est pas la première fois qu’il s’y passe des choses lamentables.

                Que faisait ce jeune homme dans cette cellule avec ce type connu pour son désordre mental, qui s’automutilait, menaçait de se suicider, jetait ses excréments contre les gardiens ? Il était chargé de le surveiller en lieu et place du personnel pénitencier et médical. On enferme les fous dangereux en prison parce que ça coûte moins cher que de les enfermer en hôpital psychiatrique puis on délègue la surveillance aux détenus sains d’esprit, cela coûte encore moins cher, c’est ainsi que cela se passe à la prison de Rouen.

                Jetée seule devant la prison Bonne Nouvelle, la jeune fille crie son indignation devant les caméras. Aujourd’hui, Rouen est une nouvelle fois à la une des médias nationaux et, comme d’habitude, ce n’est pas à son avantage.

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  •             Je lis ce mercredi à la page Courrier de Télérama une lettre d’Yvan Leclerc (usager des bibliothèques de Rouen) qui fait suite à l’article de cet hebdomadaire relatant l’abandon du projet de médiathèque par la nouvelle maire socialiste de Rouen. Par cette missive, publiée sous le titre « Discernement », Yvan Leclerc entend écrire cette histoire autrement, « vue de Rouen ». C’est aussi de Rouen que je la vois et pas du tout comme lui.

                Yvan Leclerc juge que cette médiathèque était prévue dans un lieu « inaccessible à la majorité des usagers ». C’est peut-être comme cela que l’on perçoit les choses quand on se déplace toujours en voiture. A pied (je l’ai fait), en vélo, en bus, on constate que le trajet n’est pas si long, et que dire alors du lieu où est implantée à Paris la Bibliothèque Nationale de France, dite François Mitterrand. De là, il juge sage la décision de la nouvelle élue d’arrêter les frais de la médiathèque décidée par l’ancien maire de droite, « dont le taux de fréquentation aurait été désastreusement bas ». Qu’en sait-il ? Il est devin ? Nul ne pourra jamais vérifier cette assertion.

                Yvan Leclerc conclut par une petite moralité : « le courage politique consiste à ne pas persister dans l’erreur. »

                J’en ai une autre à lui proposer : le courage politique consiste à annoncer avant l’élection ce que l’on fera une fois élue.

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  •             En ce début des années soixante-dix, à l’Ecole Normale de Garçons d’Evreux où j’étais élève-instituteur, il y avait certes beaucoup de gauchistes mais pas seulement. Parmi ceux qui n’en étaient pas, se trouve celui qui a mal tourné.

                Après lecture des Jouets vivants de Jean-Yves Cendrey (Points Seuil), un livre acheté récemment à Paris chez Gilda pour la modique somme de quatre-vingt-dix-neuf centimes, je connais on ne peut mieux les épisodes de la triste vie de celui qui est devenu l’abuseur d’enfants.

                Jean-Yves Cendrey est bien placé pour raconter cette histoire, c’est lui qui a pris cet ancien normalien par le bras pour le conduire à la gendarmerie, le jour où il a su ce qu’il en était. D’autres savaient depuis longtemps, qui n’ont rien fait, la directrice d’école, l’Inspecteur Départemental de l’Education Nationale. Comme savait l’évêque d’Evreux, pour le curé venu du Canada qui avait le même genre de pratique dans la même région du département de l’Eure, précisément à Lieurey, un certain Denis Vadeboncœur (effectivement, il y allait de bon cœur).

                Jean-Yves Cendrey cite nominalement ce Vadeboncoeur dans son livre Les Jouets vivants. En revanche, pour une raison que j’ignore, il ne donne pas le nom du village où enseignait celui que j’ai côtoyé à Evreux pendant un an, quand il n’était encore qu’un jeune bouseux antipathique et timoré, ni le nom de celui-ci, qui ne manque pas de sel non plus.

                Lors de son procès à Evreux, Marcel Lechien, instituteur à Cormeilles, accusé de viols et agressions sexuelles sur trente-huit enfants de six à dix ans entre mil neuf cent quatre-vingt-neuf et deux mille un, a nié mollement, disant qu'il comprenait la « souffrance des victimes » mais qu'il était « innocent ». Il a été condamné à quinze ans de réclusion par la cour d’assises et il n’a pas fait appel.

                Ce Lechien est décrit ainsi par Cendrey …son aspect lourd et mou, sa poignée de main sans consistance, son regard éternellement masqué par des verres teintés, son habitude de geindre et de soupirer à tout propos et je crois le revoir à vingt ans. Le jour où j’ai appris cette histoire à la télévision, je n’ai pas été surpris le moins du monde en entendant son nom.

                Jean-Yves Cendrey est écrivain, compagnon de Marie N’Diaye, elle-même écrivaine. Son livre n’est pas la simple narration de cette sordide affaire. Il est bâti en trois parties. La dernière concerne Lechien Marcel. La première raconte comment lui, Jean-Yves Cendrey, fut martyrisé par son père. Entre les deux et en italiques se trouvent une série de saynètes campagnardes illustrant la vie quotidienne à Cormeilles, village où l’on n’a pas envie de vivre (bien qu’on y croise incidemment Charlotte Gainsbourg). Ces saynètes sont particulièrement réussies, petit échantillon : Une fois par semaine elle montait au cimetière, pleurer sur la tombe de sa fille. Au volant de sa voiture, sa fille avait croisé la voiture de son frère, perdu la route de vue le temps d’adresser un signe amical à son frère, perdu le contrôle du véhicule, et perdu la vie.

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  •             Un des mes trois meilleurs copains de l’époque gauchisme et communauté devenu Inspecteur Départemental de l’Education Nationale, que sont devenus les deux autres ? C’est moins grave mais ce n’est pas brillant non plus. L’un est désormais directeur de Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté dans un collège et l’autre, directeur ou sous-directeur d’un Institut Médico-Pédagogique (je ne sais pas si ça s’appelle encore comme ça)

                Des quatre Pieds Nickelés, je suis le seul à n’avoir jamais eu la moindre envie de jouer le jeu de la société, à n’avoir jamais eu le goût de la réussite sociale, ou celui des responsabilités, ou simplement l’envie de gagner plus d’argent. Je suis demeuré, jusqu’au jour où j’ai été libéré de l’esclavage salarié, tout en bas de l’échelle de l’Education Nationale, petit instituteur adjoint d’école maternelle, bien content d’en être toujours là.

                Chaque année, les jeux de rôle de mes élèves (on dirait que je suis le docteur et toi tu serais l’infirmière) m’étaient comme une piqûre de rappel : la vie sociale n’est qu’une comédie puérile.

                En cela je suis resté fidèle à nos lectures de l’époque L’Unique et sa propriété de Max Stirner, Le Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Raoul Vaneigen, La Société du spectacle de Guy Debord et autres ouvrages anarchistes individualistes ou situationnistes qui sont toujours dans ma bibliothèque.

                Mes anciens copains ne sont plus mes amis, nous n’avons plus rien à nous dire parce que je suis encore celui que j’étais à vingt ans.

                Je parle de ça aussi à propos d’une fille croisée à Rouen au début de ces années soixante-dix, dans un texte intitulé Immuable et publié dans L’Arbre à Plumes, une revue belge plutôt confidentielle, il y a presque dix ans. Il se termine ainsi : je me suis demandé pourquoi les autres changent et pourquoi je reste toujours le même.

                Simplement chaque jour un peu plus solitaire.

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  •             J’écoute et je regarde distraitement France Trois l’autre soir, c’est le Journal régional, peu de vraies informations, du baratin surtout et des résultats sportifs, autant dire du vent. A un moment, il est question de l’école, une journaliste questionne un Inspecteur Départemental de l’Education Nationale, chemise stricte, costume passe-partout, cravate serrée. Son nom s’affiche sur l’image. Putain, me dis-je, c’est lui.

                Oui, lui que j’ai connu barbu chevelu et dépenaillé, qui fut l’un de mes bons copains au temps de l’Ecole Normale de Garçons d’Evreux, l’un de ceux avec qui je vivais dans un corps de ferme que nous louions à plusieurs au hameau des Grands Baux, commune des Baux-Sainte-Croix, à une dizaine de kilomètres d’Evreux, rêvant de renverser la société capitaliste, tous gauchistes que nous étions en ce début de années soixante-dix, pour moitié des anarchistes, pour moitié des maoïstes tendance Gauche Prolétarienne, troublant plus d’une fois l’ordre public, un vrai foyer d’insurrection discrètement surveillé par la police qui heureusement n’a pas tout su, et où passaient des gens de toutes sortes, retour de la guerre civile en Irlande, en partance pour l’Espagne de Franco le fasciste ou tout simplement fugueurs et fugueuses (je me souviens du Directeur de l’abattoir du Neubourg venu là rechercher ses deux filles et soulagé, le naïf, de nous savoir pour la plupart élèves-instituteurs).

                Lui qui ne voulait « Ni dieu ni maître » est maintenant « La voix de son maître » Nicolas Sarkozy, le Tout Puissant de la République.

                Je me demande ce qu’il pense aujourd’hui de celui qu’il était quand il avait vingt ans et je me souviens comme il méprisait à cette époque ces Inspecteurs Départementaux de l’Education Nationale, sans imaginer une seconde qu’il serait l’un d’eux à l’âge de cinquante-cinq ans.

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  •             Ce dimanche, ciel lourd et noir, jour pas encore levé, elle et moi sommes déjà en route pour Evreux où c’est la journée des Bouquinistes de l’Iton. Particuliers et professionnels déballent le long de la rivière, inquiets du temps pourri, se rassurant à l’aide d’une météorologie approximative

                Les averses redoutées ne se produisent pas. Nous sommes à même de faire quelques bonnes affaires. Pour ma part, cela commence par le tome dix des œuvres complètes du Marquis de Sade dans l’édition de Jean-Jacques Pauvert (il ne me manque plus que les neuf autres) puis, ailleurs et selon une logique mystérieuse, des cartes postales (publiées autrefois par Taschen) issues de la revue Bizarre (qui paraissait dans les années cinquante du vingtième siècle), et un recueil des photos de Joel-Peter Witkins paru chez Phaidon. Aussi dans mon sac Au piano de Jean Echenoz (aux Editions de Minuit), un des rares romancier français vivant que je lis avec plaisir. A ma récolte de livres de ce dimanche, s’ajoutent, payés des broutilles le samedi au vide-greniers de Mont-Saint-Aignan, deux charmants romans pornographiques chinois anonymes publiés par Philippe Picquier Les Ecarts du Prince Hailing (époque Ming) et Le Moine Mèche-de-Lampe (début des Quing), achetés à trois quinquagénaires d’une extraordinaire gentillesse avec leurs client(e)s, me suis cru un instant au pays des Bisounours.

                On trouve chez les Bouquinistes de l’Iton des vendeurs et vendeuses de toutes sortes, notamment ceux et celles du Lions Club et du Rotary Club, ces dernier(e)s se prenant en photo pendant leur bonne action :

                -Allez, les rotariens, on regarde par ici.

                Qui ne rotarien peut manger tout ce qu’il veut, me dis-je, mais je garde cette maxime subtile pour moi. En revanche devant le déballage du Lions Club, quand elle demande à la dame vendeuse ce que c’est cette association et que la dame vendeuse se lance dans une explication flatteuse pour elle et son Lions Club, je remets un peu bruyamment la pendule à l’heure :

                -Ce sont des riches qui font la charité aux pauvres, des patrons qui font dans le social.

                La dame n’est pas contente, elle laisse entendre que tout le monde n’est pas patron dans son cleube.

                -En tous cas, vous votez tous à droite, répliqué-je

                -Eh bien, me dit-elle quand nous nous éloignons, tu viens encore de te faire des amis, plus moyen de leur acheter des livres maintenant.

                Hier, elle m’a offert Bleu Pétrole, le récent cédé de Bashung. On l’écoute en buvant un mâcon que nous a recommandé Hemingway Je t'ai manqué/ Pourquoi tu me visais? Une larme coule sur sa joue.

                -Je ne sais pas pourquoi cette chanson me fait pleurer, me dit-elle.

                -Dire que ça fait quatre ans que je n’ai plus dix-sept ans, ajoute-t-elle.

                -Ce n’est rien, lui dis-je, moi cela fait quarante ans que je n’ai plus dix-sept ans.

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  •             Je ne sais pas si j’ai bien fait de dire oui à Sébastien Bailly quand il m’a demandé de copier coller mon billet intitulé « Marseille la cultivée et Rouen la sportive » sur Grand Rouen, son site d’information locale, après que Laure Leforestier, ancienne colistière (mais devenue libre électron) d’Albert (tiny) maire ancien, lui a gentiment reproché d’être un peu mou avec la maire actuelle Fourneyron Valérie (je ne sais s’il y a cause et effet).

                Oui, je me demande. Cela me fait une fois encore passer pour un blogueur rouennais alors que je ne me sens ni l’un ni l’autre. Et cela me vaut sur Grand Rouen des commentaires (que je n’ai pas envie de commenter ici) de la part de lecteurs rouennais qui ne me lisent pas pour de bonnes raisons mais simplement parce que je parle de Rouen.

                J’espère, je suppose, qu’il en est d’autres de ces lecteurs locaux qui lisent mes billets quotidiens comme je désire qu’ils soient lus, c’est-à-dire avant tout comme des textes littéraires, et qui comprennent que « je n’ai pas envie que l’on écrive dans mes marges » (je cite là Mister Crocodile résumant mon propos un jour que nous parlions de ça ensemble).

                Car dans mes écritures il est d’abord question de mots, de phrases, de paragraphes, composant des historiettes plus ou moins réussies selon les jours, chacune renvoyant aux autres pour constituer une sorte d’autobiographie en creux sur fond de monde à la dérive. Le plus important n’est pas le propos, c’est le style, qui découle du point de vue.

                Et le point de vue, c’est justement ce qui manque aux commentaires, qui ne sont qu’opinions. Ce pourquoi je préfère m’en passer.

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  •             Jeudi soir, j’écoute France Culture, c’est le Dix-Huit/Vingt L’émission. A l’approche de la Biennale d’Architecture de Venise, l’un des invités est Rudy Ricciotti « architecte activiste pour une culture de combat ». Laurent Goumare l’interroge sur « le feuilleton de l’été », l’affaire de la médiathèque qu’il a dessinée pour la ville de Rouen.

                Ricciotti commence par allumer Fabius, qui a voté la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbains du gouvernement Jospin puis ne veut pas d’une médiathèque dans un quartier en difficulté relevant de cette loi : « C’est quand même un paradoxe inouï de lire du même Fabius dans Le Point qu’il s’agit d’un projet élitiste et excentré, élitiste parce qu’il s’agit d’un projet culturel, excentré parce que c’est dans un quartier pauvre ».

                En revanche, il dédouane complètement la maire Valérie Fourneyron, qui « sort de là par le haut » mais est entourée selon lui de mauvais conseillers : « Il ne faut pas taper sur les élus, il faut taper sur les mauvais conseillers ».

                -La médiathèque n’est plus, constate Laurent Goumare, ça sera quelque chose pour les archives départementales, un bâtiment destiné aux archives départementales.

                -Je ne sais pas, je crois que le débat est en cours, ce sera toujours une médiathèque, répond Ricciotti

                -Ah ! Ce sera toujours une médiathèque, s’étonne Goumare.

                -Ce sera toujours une médiathèque, confirme l’architecte, mais avec une part qui sera destinée à la gestion des archives qui devraient être ouvertes aux chercheurs, je n’ai pas d’éléments en mains, je n’ai pas de point de vue pour l’instant.

                Est-ce que quelqu’un(e) pourrait lui expliquer ?

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  •             Je rentre bien chargé en livres du marché des Emmurées, d’abord, acheté chez l’une, bien exposé sur une table, Brassens à la lettre, bel album de deux mille six, signé Chloé Radiguet, publié chez Denoël, à l’état neuf, une sorte de dictionnaire à la gloire du chanteur moustachu, agrémenté de nombreuses photos nanties de naïves légendes (j’adore celle-ci : « Georges fut d’une certaine élégance au temps de l’adolescence »), ensuite, trouvés chez un autre, en vrac par terre, une demi-douzaine d’ouvrages variés en bon état mais à la couverture un peu salie.

                Je les nettoie à l’alcool à brûler, Facéties et compagnie de Christian Dotremont, recueil d’anecdotes relatives au CoBrA belge, signé Jacques Calonne, publié chez Quadri en quatre-vingt-onze, Rossel, biographie d’un Communard, signé Edith Thomas, publié chez Gallimard en soixante-sept, le Dictionnaire de poche du surréalisme de José Pierre, publié chez Hazan en soixante-treize, le Guide pittoresque et occulte des cimetières parisiens de Pierre Mariel, publié à la Table Ronde en soixante-douze (à l’intérieur l’ex-libris d’un maniaque du rangement), Dom Grammont, abbé du Bec-Hellouin (il fut mon voisin pendant des années), biographie dialoguée signée Alain Maillard de La Morandais, publiée chez Fayard en quatre-vingt-six (à l’intérieur le programme de la célébration de la passion et de la croix, le vendredi saint dix-sept avril mil neuf cent quatre-vingt-sept, dans ladite abbaye), et enfin le Carnet secret de l’amour à Paris, paru chez Belfond en soixante-neuf, une compilation d’annonces parues entre les deux guerres mondiales, recueillies par Max Lagrange, celle-ci en exemple : « Petite brunette, vingt-sept ans, bien faite, délicieuse dans son costume d’écolière, voudrait connaître un ami gentil, généreux et sympathique. Ecrire Gamine, poste principale, rue Sauval ».

                Le sac publicitaire donné par le vendeur pour y caser ces six livres ne manque pas d’intérêt. C’est une réclame pour la banane. On y voit une nymphette blonde, les yeux bleus écarquillés, le rose aux joues, considérant d’un air intrigué une gigantesque banane épluchée. « Protégée par sa peau, la banane protège votre santé », c’est le message.

                Je délaisse mes achats et me penche sur le Libération du jour qui titre sur Edvige, le nouveau fichier mis en place par la police, à la demande du Tout Puissant de la République. Remplaçant les anciennes fiches des Renseignements Généraux, Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale) doit recenser toutes celles et ceux, à partir de treize ans, susceptibles de troubler un jour ou l’autre l’ordre public. J’y ai ma place et je facilite par mes écritures la tâche du fonctionnaire chargé de mon dossier. J’espère qu’il m’en sait gré.

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  •             Fin août, début septembre, chaque jour dans ma boîte à lettres je trouve une brochure programme envoyée par l’une des salles de spectacle de l’agglomération rouennaise, le Hangar Vingt-Trois, le Rive Gauche (en deux exemplaires), les Deux Rives, la Chapelle Saint-Louis, la Foudre. J’attends encore le Trianon Transatlantique. Pour l’Opéra, c’est déjà fait depuis juin et j’y suis abonné par tacite reconduction.

                Je me penche sur ces programmes, commençant par celui du Rive Gauche arrivé le trente août alors que les abonnements y sont reçus par courrier à partir du vingt-neuf. Avec ce handicap, je crains que le mien n’arrive trop tard, d’avoir droit à un téléphonage pour me dire que désolé il n’y a déjà plus de places pour l’un de spectacles que vous avez choisi. Je laisse tomber le Rive Gauche. Je laisse aussi tomber le Hangar Vingt-Trois et la Chapelle Saint-Louis, là c’est la programmation de la première moitié de saison qui ne m’inspire pas.

                Pour la Foudre, il me reste deux vieux billets d’autrefois et j’espère qu’ils sont toujours valables, m’occuperai de ça plus tard.

                Voyons voir les Deux Rives, une bien belle brochure, encore plus luxueuse que celle de l’an dernier, le nom du théâtre désormais pompeusement surmonté du libellé « Centre dramatique régional de Haute-Normandie ». Là, je suis tenté par certaines propositions, mais sont-elles à la hauteur de la description dithyrambique qui en est faite. Tandis que je me pose cette question, je découvre la nouvelle formule d’abonnement, plus moyen de choisir au dernier moment, il faut dès aujourd’hui désigner spectacles et jours de représentation.

                Comment faire alors que j’ignore encore la programmation du Trianon Transatlantique et celle de deuxième partie de saison du Hangar Vingt-Trois ? Peut-être même qu’il se passera quelque chose au Cent Six (hors les murs) un jour ou l’autre. Je risque de bloquer une soirée où aura lieu un concert qui me tentera davantage et de vivement le regretter.

                Je peste contre ces machiavéliques formules d’abonnement, regrettant qu’il soit devenu quasiment impossible à Rouen et alentour d’assister à une pièce de théâtre, à un concert ou à un spectacle de danse sans en souscrire une, de plus en plus restrictive, de moins en moins favorable au spectateur.

                Au bout de la journée, ne sachant comment m’en sortir, je décide d’envoyer tout bouler et de ne pas faire cette année le spectateur abonné. Pour me remettre du mal de tête, je vais chez Franprix acheter des petits gâteaux à tremper dans mon café et me trouve devant un rayonnage dévasté. Que se passe-t-il, rupture de stock? Non, c’est la rentrée des classes au collège Fontenelle comme ailleurs et les nuées de branlotin(e)s sont passées par là, ayant besoin tout comme moi d’une petite consolation.

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