•             Dernier jour de février, premier beau jour de l’année deux mille neuf, ça commence à six heures et demie avec le merle d’à côté et celle qui se réveille près de moi me chante encore une fois les Rita Mitsouko. Nous sommes tous deux d’excellente humeur ce samedi matin. Elle me coupe un peu les cheveux, pas plus d’un centimètre puis nous partons rive gauche faire récolte de fruits et légumes au marché des pauvres. La flèche de la cathédrale est invisible, gommée par le brouillard.

                Au retour, nous achetons des pommes de Jumièges au marché de la rive droite et décidons d’aller marcher sur les quais jusqu’au nouvel ensemble commercial dit des Docks, lequel doit ouvrir en avril.

                Le soleil est encore caché derrière le brouillard descendu, Sur le quai d’en face, le chapiteau du cirque Arlette Gruss semble un dinosaure rouge et blanc. Du pont Flaubert ne sont d’abord visibles que les papillons, flottant au-dessus des nuages, puis au fil des pas, la ouate disparaît. Le ciel devient bleu et le soleil nous chauffe le dos. Déjà s’esquintent les coureurs et coureuses à pied.

                Les ouvriers sont au travail sur le chantier des Docks. Je relève les qualificatifs enchanteurs figurant sur les palissades : « art de vivre », « bon temps », flânerie » « ambiance ». Laurent le Fabuliste, chef d’agglo, a beaucoup d’imagination. Sa belle histoire est résumée dans la formule « shopping au fil de l’eau ». Le fil de l’eau, c’est celui de la Seine. Pour la rejoindre, il faut traverser la deux fois trois voies au péril de sa vie.

                Je me demande qui viendra faire du chopigne ici.

                Au retour, on profite du beau jour dans le jardin de la copropriété où s’épanouissent les premières fleurs, dont j’ignore le nom. Elle doit bientôt me quitter, requise par ce qu’il est convenu d’appeler une fête de famille, parfait oxymore.

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  •             De la place Hache Deux du premier balcon, je surplombe la scène de l’Opéra de Rouen, ce jeudi soir. Autour de moi, au fur de l’installation de mes voisin(e)s, s’exprime la même plainte à la lecture du livret-programme : deux heures sans entracte ! Ce soir, le Collegium Vocale de Gand donne la Messe en si mineur de Johann Sebastian Bach.

                Johann Sebastian Bach a mis vingt-cinq ans à écrire sa grande Messe, sans jamais l’entendre. C’est sans nul doute l’un des chefs-d’œuvre les plus aboutis de toute la culture occidentale. Voilà ce que je retiens de la présentation écrite signée Frédéric Pineau, étudiant en musicologie à l’Université de Rouen. Le reste de son propos est trop technique pour moi.

                Peu avant le début du concert, une voix amplifiée annonce que contrairement à ce qui est indiqué, il y aura un entracte. D’amples soupirs de satisfaction se font entendre du côté des estomacs vides et des vessies fatiguées.

                Philippe Herreweghe, créateur du Collegium Vocale de Gand en mil neuf cent soixante-dix, dirige chœur et orchestre. Tout cela est fort bien, notamment la prestation des solistes : la soprane Hana Blazikova, l’alto Damien Guillon, le ténor Hans-Jörg Mammel et la basse Matthew Brook. Propos de contentement général et applaudissements prolongés se font entendre après l’Agnus Dei. Philippe Herreweghe fait saluer ses choristes et ses musicien(ne)s. Il les félicite chaudement l’un(e) après l’autre, comme si ce soir il découvrait leur talent respectif. En d’autres termes, il s’autocongratule.

                « Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés du monde/ Donne-nous la paix » ainsi s’achève la Messe de Bach. Devant les Nouvelles Galeries, près d’un bus Teor arrêté, une altercation bruyante pollue la paix du monde. Une camionnette et deux voitures de police surgissent, gyrophares en bataille. Je ne sais pas ce qui se passe après car je prends à gauche la rue de la Champmeslé.

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  •             L’autre soir, à la Taverne Saint-Amant, estaminet où je mets les pieds pour la première fois et qui s’avère morne et endormi, je bois un dernier verre avec Monsieur Crocodile, lequel quitte la ville la semaine prochaine. Je lui demande ce qu’il va regretter de Rouen.

                -Mes amis, me dit-il, que je me suis fais en dix ans de vie ici.

                Il me demande si moi je n’ai pas envie de vivre ailleurs. Je lui réponds que non, qu’ailleurs c’est comme ici, mais que je pourrais m’installer s’il le fallait dans n’importe quelle ville suffisamment grande, Montpellier, Barcelone, Rennes, Amsterdam ou autre, que l’idéal serait Paris, mais pas dans mes moyens.

                Je lui dis aussi que Rouen me convient par sa proximité avec la capitale et avec la mer et par la beauté de la campagne environnante.

                J’oublie de lui donner deux autres raisons qui me maintiennent dans cette ville, la présence pas loin des quelques membres de ma famille et les opportunités nombreuses et variées d’acquérir ici des livres d’occasion à vil prix (bouquineries, marchés, ventes de charité, vide-greniers).

                Ainsi ce matin, au marché des Emmurées, je trouve le volume de l’Anthologie érotique consacré au dix-huitième siècle, anthologie conçue par Maurice Lever (grand spécialiste du divin Marquis), parue chez Bouquins en deux mille trois, trois ans avant sa mort  Sa préface porte pour titre « Le plaisir comme art de vivre ». Une formule que je fais mienne chaque jour.

                De retour, je feuillette l’ouvrage, découpé en trois thèmes : « Les « grivoises » ou l’érotisme au féminin », « Paris, capitale de Cythère » et « Sexe et politique : une Reine de papier ». Il fait mille cent soixante-quinze pages.

                C’est toujours la même question : comment vais-je trouver le temps de lire tous les livres qui s’empilent dans mon escalier colimaçonné ?

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  •             De retour à Rouen, je vide ma boîte à lettres. J’y trouve une nouvelle lettre d’Emma. C’est la deuxième fois qu’elle m’écrit. Je n’ai pas répondu à sa première missive. Elle s’impatiente.

                Emma s’intéresse à moi à cause de mon âge. Elle me parle de cancer colorectal, autrement dit du cancer du trou du cul, que l’on risque de choper à partir de cinquante ans pour avoir toute sa vie mangé les saloperies industrielles que nous imposent les lois du marché.

                Derrière ce rassurant prénom féminin se cache l’Association pour le dépistage organisé des cancers en Seine-Maritime, qui a siège à Yvetot.

                Emma me rappelle que j’ai déjà reçu de sa part une invitation à me procurer un test Hemoccult Deux auprès de mon médecin traitant. Elle s’étonne que je n’aie rien fait.

                Je sais bien que le nombre de cancers est en fulgurante expansion. J’ai ma petite idée sur la raison : mauvaise nourriture, pollution atmosphérique, et cætera. Ça n’intéresse pas Emma, elle s’en fout des causes, elle ne s’intéresse qu’aux conséquences.

                Dans le document qui accompagne la lettre d’Emma, on me raconte que « le plus souvent, dépisté à temps, un cancer colorectal n’est pas méchant ! » (j’adore ce « le plus souvent ») et qu’il s’agit de chercher du sang dans mes selles (comme ils disent), que si on en trouve il y aura présomption de cancer, c’est pas sûr, et que si on n’en trouve pas il y aura présomption de non cancer, c’est pas sûr non plus, d’où la nécessité d’une coloscopie ultérieure, un examen très jouissif que j’ai déjà subi il y a quelques années pour je ne sais quelle raison.

                Emma ne doute pas de ma coopération, elle joint à sa lettre, en six exemplaires, le code barre permettant d’identifier mes tests. Emma s’il te plaît, fiche-moi un peu la paix.

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  •             Mardi ensoleillé à Amsterdam, à pied avec celle que j’accompagne, je rejoins l’excentré quartier du Vondelpark. Il s’agit de visiter d’abord le Rijksmuseum, puis le Van Gogh Museum.

                Le premier est en travaux de désamiantage. Les œuvres les plus importantes sont rassemblées dans une aile. Le billet d’entrée n’en est pas moins cher, onze euros sans la moindre réduction aux étudiant(e)s. Il y a foule, notamment quantité de groupes de branlotin(e)s excité(e)s mené(e)s là par leurs professeur(e)s. Attente au vestiaire, troupeaux devant les tableaux, bruit des explications professorales, nous sommes vite excédés, d’autant qu’elle comme moi nous intéressons peu aux arts décoratifs ( meubles, maisons de poupées, quincailleries diverses) et ne trouvons guère d’intérêt aux Rembrandt ici montrés, pas plus qu’aux van Ruysdael. Ne trouvent grâce à nos yeux que les Vermeer, parmi lesquels l’hélas trop reproduite Laitière.

                Une calamité que ces musées qui mêlent art et histoire, voilà notre opinion quand nous réussissons à nous extraire et jamais plus le Rijksmuseum, voilà la promesse que je me fais tandis qu’elle se roule une cigarette, dépitée, et prête, devant la file d’attente qui serpente sur le trottoir devant le Musée Van Gogh, à renoncer à la seconde visite. Je la convaincs que non.

                Le Van Gogh Museum, outre sa collection permanente, présente, dans sa très belle aile récente due à Kisho Kurokawa, une exposition temporaire, venue du MoMa, Van Gogh en de kleuren van de nacht (Van Gogh et les couleurs de la nuit), d’où le nombre encore (heureusement pas de groupes) et un prix d’accès conséquent, quinze euros et toujours pas de réduction pour les étudiant(e)s.

                Peu à peu, nous avançons sur le trottoir et enfin nous sommes en possession d’un billet donnant droit à la visite de l’expo temporaire pendant une heure, de douze à treize, puis de la permanente, autant qu’on veut.

                Le lieu est si vaste qu’on ne sent plus la foule et, elle et moi, on est là quasiment sidérés devant les plus belles œuvres de Vincent, connues, archi connues, mais à la magie intacte, inutile de donner des noms de tableaux, juste évoquer le regard traqué du peintre dans ses autoportraits et les lettres à son frère Théo, si émouvantes (mot que je n’aime pas).

                Nous sortons de là vidés et la promenade dans le Vondelpark, en pleine restructuration et en partie inaccessible, ne gomme pas la sensation de fatigue que nous portons en nous, et gardons, jusqu’à ce que s’allument les couleurs de la nuit.

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  •             Emotion forte à l’arrivée au Flying Pig Hostel, dimanche quinze février, ne voilà-t-il pas que le prix de la chambre pour deux, retenue depuis quelques mois par celle que j’accompagne, est erroné. Le montant indiqué sur la fiche de réservation ne doit pas être lu pour deux mais pour un.

                Je fais semblant de ne pas comprendre, c’est assez facile : ici on ne parle qu’anglais, et je l’écoute argumenter, comme elle sait le faire. Le jeune homme de la réception est bien ennuyé, l’erreur vient de l’hostellerie et n’a pas été corrigée par mail. Après consultation de sa voisine, il nous laisse la chambre avec salle de bain privée et petits-déjeuners inclus à la moitié de son prix réel (augmentée de cinquante euros pour la semaine). C’est une aubaine, d’autres paient la même chose pour deux lits dans un dortoir de douze. Le jeune homme nous offre en cadeau de bienvenue une douzaine de jetons donnant droit à des consommations gratuites et ajoute quelques conseils. Je comprends que là-bas dans la bibliothèque, où sont les canapés profonds, c’est le fumoir, tabac, haschisch ou marijuana.

                D’ardus escaliers nous mènent au troisième étage. La carte magnétique ouvre la porte d’une chambre des plus attrayantes, la trois cent un. Elle est idéalement située au bout du couloir, parfaite pour ne pas souffrir du bruit nocturne inhérent à ce genre d’endroit.

                Un lieu enchanteur et enchanté, cette hostellerie du Cochon Volant, nous y passons de bons moments, parmi une jeunesse venue de toute l’Europe.

                Au rez-de-chaussée, nous buvons du genièvre bien glacé tandis qu’elle tente de dessiner droit la quinzaine de lustres serrés les uns contre les autres au-dessus du billard. Une musique de routard diffusée à bon volume tombe des enceintes. Des boules à facettes tournent tranquillement éclairant le cochon volant suspendu au dessus du bar. Une table de didjai est à disposition de qui sait y faire dans ce domaine.

                Au sous-sol, nous petit-déjeunons copieusement dans la musique des années soixante-dix parmi des filles et des garçons débarquant de toutes les nuits possibles en vrac ou d’équerre (comme elle dit).

                Sur la porte de notre chambre, le Flying Pig rappelle à celles et ceux qui resteraient bien ici pour toujours que le séjour est limité à sept nuits, mais qu’il est possible d’y demeurer plus longtemps en y travaillant.

                Peut-être que certain(e)s ne sortent jamais de cet endroit, lui dis-je, ne voyant d’Amsterdam que les images du dévédé diffusé dans l’une des salles du sous-sol. C’est tellement agréable de se laisser glisser dans cette faille temporelle où le monde rêvé des années soixante-dix est réalité depuis tant d’années et, semble-t-il, prêt à le rester pour pas mal de décennies, tant qu’il y aura des filles et des garçons pour écouter Imagine de John Lennon ou Get up, Stand up de Bob Marley.

                Elle fume une dernière cigarette à la fenêtre. Un carillon sonne de l’église que l’on voit derrière les toits. Un immense vol d’oiseaux en vé traverse le ciel. Je lui dis merci, c’est samedi vingt et un, il est temps de partir.

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  •             C’est elle qui a tout fait pour cette escapade amstellodamoise, mais elle n’aime pas que je parle de ça alors je n’en parle pas et nous voici tous les deux poussant la porte du Flying Pig Hostel, Niewendijk au numéro cent, j’ai une dispense d’âge.

                L’endroit est idéalement situé pour parcourir la ville à pied en tous ces quartiers, ce dont on ne se prive pas, de Joordan à China Town, sous la pluie ou le soleil, avec moult escales dans les cafés blancs ou bruns ; selon l’heure : thé ou genièvre.

                Qu’importe l’heure, Amsterdam vit intensément le jour et la nuit, toutes classes d’âge mélangées. Elle et moi, on se sent chez nous. Elle dessine tandis que je lis Libération au De Jaren. Un soir, c’est mon repas d’anniversaire dans le plus réputé des restaurants indonésiens de la ville, au menu une immense Rijsttafel, cette table de riz aux multiples petits plats de viande et de légumes avec leurs sauces goûteuses et épicées.

                Vendredi main, on prend le bus Cent Onze jusqu’au terminus, le charmant village de Marken, autrefois sur une île, aujourd’hui rattaché au continent par la digue. Au retour, arrêt à Monnickendam dont le port est si chargé en grands voiliers anciens qu’il ne m’étonne plus que les Pays-Bas en envoient quatre ou cinq à Rouen pour chaque Armada.

                Alors les coffee-shops et le Quartier Rouge ?

                Eh bien, du côté des cafés à fumette ça ne s’arrange pas, plus question d’y boire de l’alcool. Je suis d’accord pour l’y accompagner, mais je n’ai pas envie d’y boire une tisane, alors elle se débrouille au Flying Pig où le genièvre est bon et gratuit (dans la limite des jetons impartis).

                Du côté du Quartier Rouge, ça ne s’arrange pas non plus. Vendredi soir devant l’une des vitrines, nous avons l’œil attiré par des bouquets de fleurs blanches et des bougies blanches allumées sur le trottoir. Elle interroge une jeune femme blonde qui ajoute la sienne. La prostituée qui travaillait ici a été tuée la veille. Je ne sais par qui, ni où, ni en quelles circonstances.

                Samedi, c’est le dernier jour. Un verre de genièvre dans un café brun dominant un canal (dans la salle du dessous des chanteurs accompagnés d’un accordéon répètent pour la fête du soir), un arrêt devant la plaque indiquant que dans cet hôtel est mort Chet Baker, le treize mai mil neuf cent quatre-vingt-huit (cocaïne, héroïne et chute par la fenêtre), un dernier regard sur le port (où vont et viennent les bacs, péniches et promène-touristes), Thalys nous attend.

                Rouen, c’est dimanche vers une heure du matin que nous y remettons le pied, ville totalement morte. A peine est-elle ranimée huit heures plus tard par le marché du Clos Saint-Marc. Des mendiant(e)s quêtent un peu partout. Deux autres sont en poste devant ma boulangerie habituelle. Pas vu un(e) seul(e) à Amsterdam, il doit bien y avoir une raison.

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  •             Vendredi soir à l’Opéra de Rouen, c’est la première d‘Albert Herring, opéra comique de Benjamin Britten, sur un livret d’Eric Crozier qui s’est inspiré du bien connu Rosier de Madame Husson de Guillaume de Maupassant. Je suis au premier balcon en Gé Un, avec vue sur l’ensemble de la scène et même sur la fosse où serré(e)s comme sardines en boîte les musicien(ne)s attendent l’entrée de Laurence Equilbey, chef d’orchestre.

                Devant le rideau baissé, des maquettes de maisonnettes symbolisent la bourgade où vit Albert. Côté cour, un mât sert de support à un drapeau étoilé et à une caméra de surveillance dont l’image apparaît sur le rideau. Nous sommes dans une sorte d’Amérique bien sécurisée, à situer où l’on veut, puisque partout sur la planète en ce début de vingt et unième siècle nous oppriment l’ordre et la vertu.

                La mise en scène est de Richard Brunel et c’est elle (outre bien sûr la musique de Britten) qui donne plaisir. A cela s’ajoute le talent des interprètes, aussi doué(e)s pour la comédie que pour le chant, spécialement Allan Clayton qui joue Albert.

                A la fin, je fais comme tout le monde, j’applaudis beaucoup.

                Dans le discours, Richard Brunel est bien radical. Il pose des questions comme ça : « Qu’est-ce que la vidéosurveillance, sinon l’intrusion dans l’intime afin que tous les intimes deviennent identiques ? » et « Qui est normal dans une société anormale, celui qui s’intègre ou celui qui explose ? ». Il dit aussi : « L’obscénité et le plaisir de voir ne sont jamais loin du puritanisme. Ils se nourrissent l’un de l’autre et coexistent dans un même espace. »

                Je n’ai pas le temps d’en dire plus car je dois boucler mon bagage. Celle que je rejoins à Paris pour la Saint-Valentin m’emmène ailleurs pour une semaine, dans une contrée de moindre vertu, me disant : « Avant que ça disparaisse, je veux connaître le Red Light District et les coffee-shops. »

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  •             Il est dix-neuf heures jeudi soir et je réussis à être presque le premier à la porte du concert Harrison, Lemaître, Stravinsky, Féron, bâti autour de la flûte et de la percussion avec échappée dans l’Histoire du soldat. Je me place donc au premier rang en diagonale de façon à avoir bonne vue sur le piano. De quoi parle-t-on derrière moi ? De Télérama, qui fait cette semaine d’Alexandre Tharaud sa couverture et l’on trouve que « quand même, ça a l’air d’être un drôle de phénomène. »

                Lou Harrison, Dominique Lemaître, Alain Féron, c’est flûte (Kouchyar Shahroudi) et percussion (Philippe Bajard). Je ne suis pas très réceptif ce soir. Je n’entre guère dans First Concerto for Flute and Percussion du premier, ni dans Cantus (duo pour flûte et percussion) du deuxième, ni dans Le tombeau de Sayadian pour flûte et percussion du troisième, qui se joue sur une autre scène au fond de la salle, après l’entracte et la galopade d’une partie du public voulant mieux se placer. Ce sont des musiques un peu austères et quasi froides. « Ça s’entend », « Oui, à petites doses », dit-on autour de moi.

                En revanche, je suis conquis par le connu Igor Stravinsky dont la Suite de L’Histoire du soldat pour clarinette, violon et piano, arrangée par lui-même est énergiquement jouée par Naoko Yoshimura, Marc Lemaire et Laura Fromentin. Je ne suis pas le seul, c’est là que sont les applaudissements enthousiastes.

                Pendant l’entracte, j’apprends avec regret que la fête d’adieu de Monsieur Crocodile (lequel quitte la ville de Rouen) aura lieu la semaine prochaine alors que je serai sous d’autres cieux, et à la fin, je ne reste pas pour le dialogue avec les musicien(ne)s et les compositeurs Dominique Lemaître et Alain Féron. Je préfère retrouver les Feux d’artifice d’Angela Carter, recueil de nouvelles percutantes paru aux Editions Christian Bourgois.

                Dans celle intitulée La chair et le miroir, je lis ceci : Il paraît que j’ai toujours l’air solitaire quand je suis seule ; c’est parce que, du temps que j’étais une adolescente insupportable, je m’étais exercée à prendre la pose de la solitude, immobile et le col relevé, afin que les gens viennent me parler. Et je ne parviens pas à perdre cette habitude, même maintenant, bien qu’il ne s’agisse que d’une habitude, et, j’en suis consciente, une habitude dévastatrice. Un paragraphe que je mets au masculin avant de m’endormir.

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  •             Par l’intermédiaire de son éditeur (Pol), j’interroge Hubert Lucot à propos du château fort de Rouen qu’il évoque à plusieurs reprises dans Recadrages. Il me répond sans délai : «Je vous remercie de me lire et vous révèle ceci : la partition de la Normandie m'afflige, dont Rouen devrait être l'unique capitale. Le dîner eut lieu, dans la réalité, à Caen. J'ai transposé à Rouen le château de Guillaume le Conquérant.»

                Voila ma curiosité satisfaite et un partisan supplémentaire de Rouen capitale de la Normandie, une question dont je me désintéresse, une ou deux Normandie qu’importe et si une seule pourquoi Rouen plutôt que Caen ou Le Havre pour capitale, je m’abstiens.

                Je trouve simplement étrange que Rouen, ville qui n’a pas les moyens d’offrir une Médiathèque à ses habitant(e)s songe à être capitale de la Normandie, mais Caen et Le Havre ne sont pas villes plus excitantes, me semble-t-il, on dort ici et on dort là.

                Je laisse donc les Rois nés, les Canés et les Navrés à leur querelle de clocher (ou de château).

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