•             Portes ouvertes vendredi et samedi pour les sections d’arts appliqués et de théâtre au lycée Jeanne d’Arc, un véritable chantier que ce lycée en pleine rénovation. Pendant les travaux les études continuent, les élèves sont stockés dans des bâtiments cubiques posés un peu partout dans la cour. Heureusement, par les fenêtres de ces boîtes, l’évasion est possible avec une jolie vue sur les maisons à pans de bois colorés de la rue du Mont et sur la côte Sainte-Catherine.

                Grosse fréquentation pour cette ouverture au public, des familles curieuses et inquiètes contemplent les travaux des élèves et assistent aux représentations théâtrales. Une des charmantes hôtesses de ces portes ouvertes me résume les propos de ces parents amenés là par leur rejeton voulant s’engager, comme ils disent, « dans l’art » : « C'est un peu un artiste et c'est vrai qu'il aimerait bien...mais heu... le futur salaire?? »

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  •             Un an de plus, cela arrive à tout le monde. Sur le mauvais versant évidemment mais pour l’instant, malgré quelques alertes, la pente est douce et celle qui me tient la main la tient bien.

                Il s’agit de fêter ça.

                Apéritif au bistrot Percière : ti punch bien chargé, bougie, petites choses épicées et ambiance musicale appropriée

                Dîner dans une roseraie Chez Colette : deux fauteuils à l’écart, service attentionné et cuisine élaborée.

                Passage par le Conservatoire : à l’heure du dernier quart de la Nuit du Piano, cinq élèves au programme, avec en toute fin la Finlandaise Taru Kastori.

                Celle-ci surgit sur scène, sûre d’elle, recule d’un mètre la chaise de la tourneuse de pages pour bien montrer qu’elle n’a pas besoin de ça, enchaîne donc sans partition un Impromptu de Schubert et l’Ile de feu de Messiaen puis salue modestement sous les applaudissements nourris.

                Je pense à la petite brune qui jouait avant elle et qui s’est bien plantée, quittant précipitamment la scène, puis revenant courageusement munie d’une partition et suivie d’une tourneuse à l’allure revêche pour jouer à nouveau Regard des hauteurs de Messiaen. Dans quel état est-elle maintenant dans les coulisses ?

                Il est vingt-trois heures lorsque s’achève la Nuit du Piano, une heure bien tardive pour le Conservatoire. Le maître de cérémonie, fatigué, remercie de sa « perspicacité » le public encore présent. Sans doute, voulait-il dire « persévérance ».

                Persévérer, un bon objectif pour qui ce soir a pris un an de plus.

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  •             Revenant du marché des Emmurées, je croise ce psychologue scolaire qui, depuis que nous ne sommes plus obligés de nous côtoyer professionnellement, met un point d’honneur à ne pas me dire bonjour. Une vieille rancune le tenaille. J’ai osé, par le passé, conseiller à quelques parents de mener leur enfant chez l’orthophoniste sans passer par son intermédiaire.

                Là, sur le pont Boieldieu, il ne déroge pas à sa coutumière impolitesse, ne fait même pas semblant de ne pas me voir, regarde droit devant et continue tranquillement son chemin.

                Que fait-il ? Où va-t-il à une heure où il serait plus utile dans une école ? je ne le saurai pas. Ce que je sais, c’est que le samedi matin, sur le temps scolaire (comme on dit), il reçoit à titre privé et de façon tout à fait conforme aux textes en vigueur (comme on dit également), ceux qui ont les moyens de payer pour être éclairer de sa science.

                Science bien relative, me dis-je en attendant le feu vert au bout du pont, la psychologie scolaire étant à la psychologie ce que la musique militaire est à la musique.

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  •             Hier donc Saint-Valentin, après petits cadeaux échangés et chinoiseries culinaires, en route pour l’Opéra de Rouen où les Ballets de Monte-Carlo donnent Cendrillon. Avec le bon espoir que cette soirée rattrape les déceptions précédentes car la scénographie est signée Ernest Pignon-Ernest, qui justement toute la semaine est l’invité de France Culture pour l’émission A voix nue, et parce que l’une des sœurs de Monaque (Caro, je crois) est férue de danse contemporaine.

                Affreuse déception, la musique atroce de Sergeï Prokofiev, mélange de soviétisme et de romance américaine, la chorégraphie néo classique frisant le ridicule de Jean-Christophe Maillot et la scénographie sans idées d’un Ernest Pignon-Ernest méconnaissable concourent à une kitcherie qui aurait pu être signée Walt Disney. Cela à la grande joie de la majorité du public.

                Mais enfin quoi Ernest ? Tu avais besoin d’argent ?

                Il s’est quand même passé quelque chose d’un peu intéressant durant le spectacle, un programme s’est envolé du deuxième balcon, a survolé le premier et s’en est allé mollement choir sur un spectateur de l’orchestre

                Qu’ajouter ? Que cette soirée se déroulait sous la présidence de Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre (bien sûr), avec le soutien de la Société Générale (bien sûr, bien sûr) et que Jean-Christophe Maillot a été nommé Chevalier dans l’Ordre de Saint-Charles par Son Altesse Sérénissime, le Prince Albert Deux de Monaque (il le méritait bien).

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  •             Rouen Magazine rosit ses pages centrales à l’occasion de la Saint Valentin, plein de petits mots dégoulinant d’amour. Davantage de femmes que d’hommes parmi les signataires, évidemment. Les femmes connaissent l’essentiel, les hommes se perdent dans le superficiel (travail, réussite, et autres fariboles).

                La femme aux plus belles jambes d’Hollywood, Une inconnue, Ta princesse, Ton PhiPhi d’Amour, Une amoureuse anonyme, Ton Loulou à toi, La gardienne du Zoo, Ta petite marmotte, Petite Miette, La Belle, Ton ti cœur, Ta petite mésange bleue et même Ton épouse Louloutte, comme c’est mignon tous ces petits noms, ça fait rêver, j’aimerais bien les rencontrer, en savoir un peu plus sur ces interprètes de l’hymne à l’amour, mais pas le temps, j’attends Ma Petite Folle, c’est sa fête aujourd’hui.

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  •             Pris une boisson chaude avec Valérie Berthoule venue me poser des questions sur mes activités de blogueur littéraire pour Bazart Magazine. J’étais le deuxième sur la liste. Elle venait d’interroger Mister Crocodile. Et plutôt que de sonner à l’interphone comme fait quiconque ose venir me voir, elle a toqué à la première porte venue et c’était la mienne. Vraiment cette jeune personne a du flair, elle a eu raison de faire journaliste.

                Donc, on a parlé pendant une heure et demie, à elle les questions et à moi les réponses, inutile de dire qui avait le rôle le plus facile. Le résultat de l’entretien sera dans Bazart Magazine au mois d’avril.

                Avant de me quitter pour se rendre à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier, elle m’a demandé, comme à tous ses interlocuteurs, quel livre je n’emmènerais jamais sur une île déserte. Un livre, un seul, c’est ça qui est difficile, il y a tellement de livres insupportables. Et par ailleurs, sur une île déserte avec à disposition un seul livre, je le lirais quelles qu’en soient sa nullité ou son odeur nauséabonde. Bon, j’ai trouvé une réponse, on la connaîtra dans deux mois.

                J’ai renvoyé sa question à Valérie Berthoule afin qu’elle se rende compte un peu. Elle a fait comme moi, elle a réfléchi un petit moment et m’a dit :

                -Les bienveillantes de Jonathan Littell.

                Je trouve que c’est une bonne réponse.

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  • A la Maison de l’Université de Mont-Saint-Aignan, hier soir, invité par Emmanuel Goudé pour son émission littéraire Enivrez-vous sur Radio Campus Rouen.

                Une émission ainsi nommée en référence à Baudelaire et à son petit poème en prose du Spleen de Paris m’informe mon hôte, un texte que j’ai lu autrefois et oublié, remis désormais en mémoire (mais pour combien de temps ?). Un moyen de ne pas oublier, c’est de l’écrire : « demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : "Il est l'heure de s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; Enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » Enivrez-vous et enlivrez-vous.

                Un petit studio, quatre micros, Nicolas Debussy s’installe à la table de mixage, un autre invité prénommé Aurélien, dont le patronyme reste secret, est là pour parler de l’œuvre de Mishima.

                Il est vingt heures. On y va. Je réponds comme je peux aux questions d’Emmanuel, difficile de parler de soi et encore plus de ce qu’on écrit. Suis davantage à l’aise quand il s’agit de lire quelques-uns de mes textes parus en revues. L’ambiance est décontractée, des chips circulent et le muscat remplit les verres. Dans un joyeux désordre, on passe à Mishima avec Aurélien puis on repasse par chez moi pour quelques Persiflages directement issus de ce blog.

                Dans les verres, un petit rosé a remplacé le muscat, Il faut être toujours ivre, comme l’écrivait Charles, je ne comprends plus bien les questions d’Emmanuel, Nicolas lance quelques plaisanteries nippones et l’on atteint vingt et une heures. L’animateur de l’émission suivante est en retard, on l’attend un bon moment en musique, il arrive en catastrophe et jette dans la platine une version chinoise de L’internationale.

                Je sors de là bien content, me demandant ce qu’en ont pensé les auditeurs, et remercie les joyeux animateurs d’Enivrez-vous, Nicolas et Emmanuel, deux garçons fort sympathiques, même si le second m’a traité de poète en début d’émission, allez, je ne lui en veux pas.

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  •             Dimanche après-midi à l’Opéra de Rouen pour le quatuor Alban Berg. Sur la grande scène, quatre pupitres et quatre sièges qui paraissent minuscules depuis le premier balcon. Tiens, voici la famille Dulapin qui s’installe bruyamment juste derrière. Papa et maman, très Jean-Baptiste de la Salle, et leur quatuor d’héritiers : un branlotin à grands pieds qui ne sait pas encore qu’on ne met pas de chaussettes blanches avec un pantalon et des chaussures noirs, un semi-branlotin, un moutard et une moutarde, ces deux derniers à peine assis déjà excités. Emmener des enfants si jeunes écouter un quatuor à cordes un dimanche après-midi s’apparente à de la maltraitance.

               -Oh regarde chérie, là-bas, mon collègue Dumoulin, s’exclame papa Dulapin. Jean-Victor, lève-toi donc et fais-lui signe.

                Le branlotin rechigne :

    -Vas-y toi, c’est ton collègue après tout.

    Papa insiste et Jean-Victor se ridiculise. Papa Dumoulin et papa Dulapin se sourient de loin et se font de grands signes d’amitié.

    -On est mieux placés qu’eux, énonce fièrement maman Dulapin.

    Papa Dumoulin montre la scène à ses amis et lève le pouce, lui aussi s’estime le mieux placé. Doivent se faire une belle concurrence au bureau, ces deux-là.

    Le noir se fait. Entrent les quatre à cordes. Au programme : Haydn, Schönberg et Beethoven. Décidément, je n’aime pas les quatuors à cordes et évidemment, chez les Dulapin, on s’agite, le branlotin donne des coups dans les sièges avec ses grands pieds et la moutarde se chamaille avec le moutard. Papa et maman vont se fâcher quand on rentrera à la maison.

     La salle applaudit bien fort, suis peut-être le seul à ne pas aimer les quatuors à cordes mais suis ravi au fond de m’être si bien ennuyé : ça me rappelle les dimanches en famille.

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  •             Rendez-vous samedi après-midi au Grand-Quevilly, devant le théâtre de la Foudre, la Scène Nationale offrant à son échantillon de spectateurs, dans le cadre du parcours précédemment évoqué, la possibilité d’assister gratuitement au spectacle de Carlotta Sagna : Oui oui, pourquoi pas, en effet, dont une phase de l’élaboration a eu lieu en résidence au Centre Culturel Marc Sangnier à Mont-Saint-Aignan.

                Il s’agit de se rendre à la Ferme du Buisson près de Marne-la-Vallée. Le voyage est également offert. Le minibus de location s’avère démuni de carte grise. Retour chez le loueur qui avoue qu’il s’agit d’une sous-location auprès d’un concessionnaire de la marque du véhicule. Pas moyen de mettre la main sur cette foutue carte grise et le concessionnaire est fermé. Pendant un moment, oui oui, pourquoi pas, en effet, l’incertitude règne, mais le loueur ne se démonte pas, il donne au conducteur la carte grise d’un autre véhicule, change l’attestation d’assurance sur le pare-brise, et en route avec l’espoir de ne pas croiser la maréchaussée.

                Tout se passe bien et grâce à un copilotage brouillon mais efficace, arrivée en avance à la Ferme (Centre d'Art et de Curiosités Culturelles). Une bonne heure de temps libre avant le spectacle, de quoi profiter de la beauté des lieux, ancienne friche industrielle joliment reconvertie, et du chaleureux tumulte du bar. Des gens du spectacle, comme on dit, se reconnaissent et s’embrassent de cette façon exagérée qui leur est propre, comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps, et même pire, comme s’ils s’aimaient vraiment.

                Puis entrée dans la Halle où a lieu le spectacle, l’un des neuf donnés au cours de ce ouiquennede consacré à la danse. Davantage de spectateurs que de places assises, on distribue aux malheureux derniers des coussins pour les aider à poser leurs fesses sur les marches métalliques.

                Et voici les danseurs, trois jeunes gens aux dents longues face à un vieil homme désabusé. Deux filles et un garçon qui cherchent à distraire de son Sudoku, l’ancien danseur dont le physique rappelle tout à fait celui d’Alberto Moravia. On comprend vite qu’il s’agit là d’une réflexion sur le rapport entre générations, sur la transmission, sur l’histoire de la danse, sur la vieillesse rapide des danseurs, et tutti.

                Les spectateurs sortent de là plutôt contents. Certains avec des bémols, d’autres enthousiastes. Je me situe entre les deux, hé hé. Et plutôt enclin à voir dans le vieux danseur et dans le jeune danseur (multiplié par trois) un seul et même individu aux deux âges de sa vie, débutant inquiet et courageux, vieillard inquiet et courageux, sachant le prix qu’il en coûte d’avoir des rêves et de les réaliser.

                Allez, je donne le dernier mot au vieux danseur : « J’en ai marre, je rentre chez moi et je branche le répondeur ». J’en ressortirais bien samedi dix-sept, afin d’y retourner, à la Ferme du Buisson, pour la nuit érotique : performance de séduction, réunion Fuckerware, conférence médico-ludique, défilé de hot couture, initiation à la photo de nu, démonstration de ligotage à la japonaise et autres coquineries, oui oui tout cela me plaît bien, dommage que Marne-la-Vallée soit un peu loin.

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  •             Je la suivrais n’importe où Laurence Equilbey alors quand elle propose un voyage vers le Grand Nord aux commandes du Choeur de Chambre Accentus, je dis oui bien sûr, en route pour la Scandinavie et la Finlande. Départ de l'Opéra de Rouen. Première étape, encore en terrain connu : Sibelius. Ensuite, c’est carrément l’inconnu, et j’avance à sa suite : Kuula, Rautavaara, Stenhammar, Alfven, Wikander, Sandström pour finalement parvenir à Hillborg.

                Et comme je suis bien à Hillborg dont Accentus chante Muoayioum, ce paysage sonore qui, m’apprend le programme, « tente une synthèse entre le minimalisme et l’ornementation » et « s’apparente à de la musique électro-acoustique » tout en évoquant les chants « des moines bouddhistes et des prêtres mongols ».

                Voici qu’emporté par cette mélodie envoûtante, je me retrouve au temps de ma jeunesse intrépide, arrivé un été en Finlande après avoir écouté une Finlandaise parler toute une nuit de son pays, un voyage dans une voiture hors d’âge que les marins devaient pousser pour la sortir des ferries, quinze jours sans pratiquement de nuit, les pistes dans les forêts de bouleaux, le camping sauvage dans les fermes, les barques empruntées aux pêcheurs pour canoter sur des lacs dans lesquels se jetaient des jeunes filles nues sorties des saunas, une tentative improvisée de pénétrer clandestinement en Union Soviétique, slalomant entre les miradors, déguisé en chercheur de champignons, arrêté piteusement par un garde-frontière finlandais furibard.

                Il est temps de rentrer.

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