• Remontons un peu le temps. Avant le premier tour de ces fichues présidentielles, il était question de se débrouiller pour arriver à « Tout sauf Sarkozy » et les sondages des deuxièmes tours potentiels donnaient « Royal battue par Sarkozy » mais « Sarkozy battu par Bayrou ».

    La conclusion aurait dû être évidente pour tout le monde : une seule tactique « Voter Bayrou au premier tour ».

    Ce que j’ai fait, et pour cela me suis entendu dire : Tiens tu es pour Bayrou, mais il est de droite. À chaque fois obligé d’expliquer : Je m’en fous des idées de Bayrou, c’est juste « Tout sauf Sarkozy ».

    Je crois qu’on a été un certain nombre à bien comprendre ce qu’il fallait faire: « Tout sauf Sarkozy donc Bayrou ».

    Pas assez, malheureusement.

    Il en est beaucoup (tellement fiers d’être de gôche) qui l’ont oublié le « Tout sauf Sarkozy », peut-être peu soucieux au fond de nous éviter la sarkoze, cette dangereuse maladie qui ne pouvait être traitée que par le Bayrou de secours. Ils ont opté pour d’autres médecines : les cataplasmes de Buffet, la tisane de Voynet, le gros rouge de Schivardi, les vitamines périmées de Laguiller, la soupe aux orties de Bové, les amphétamines de Besancenot ou… la gelée Royal.

    Comme prévu par les sondages d’avant premier tour, la gelée Royal au deuxième tour s’est pris une dégelée royale et Sarkozy est élu.

    Je résume : Tous ceux (de gôche) qui n’ont pas voté Bayrou au premier tour ont collaboré à la victoire de Sarkozy.

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  • Voilà c’est fait, je viens de glisser dans l’urne le bulletin de Big Mother après avoir froissé celui de Big Brother, pas mal de monde à une heure quinze pour voter au lycée Camille Saint-Saëns, quelques personnes âgées et beaucoup de jeunes à la tête plutôt sympathique, le résultat sur les sites belges et suisses dès dix-huit heures mais je le connais déjà.

    Auparavant, balade dans les rues de Saint-Aubin Epinay pour le vide-greniers. Sur la porte de la mairie un écriteau : Village courtois.

    Qu’est-ce qu’un village courtois ? Je n’aime guère ce mot. Il me fait songer à Radio Courtoisie, radio parisienne d’extrême droite. Je ne pense pas qu’il s’agisse de ça. Rien à voir non plus avec l’usage du mot courtois dans certains petites annonces de rencontre : Jeune femme cherche homme courtois. Courtois, c'est-à-dire ne voyant pas d’inconvénient à payer les prestations offertes. J’aurais pu demander une explication au maire mais il était très occupé à tenter d’organiser la circulation automobile dans son si charmant village, un village décidément étonnant car trois panneaux électoraux y étaient en place pour inviter les électeurs du lieu à choisir entre Sarkozy, Royal et Schivardi.

    Maintenant je vais aller faire un tour, à la recherche des affichettes que certaine personne de ma connaissance a collées la nuit dernière dans la ville au risque de se faire capturer par les bleus, et ensuite au musée des Beaux-Arts pour m’aérer l’esprit et méditer sur le propos de madame Michu, croisée ce matin à Saint-Aubin Epinay : « Si l’on doit penser à tout, on n’a pas fini. »

    A vingt heures, je mettrai en ligne mon billet de second tour des présidentielles.

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  • Premiers frémissements de la révolte :

    Près de la boulangerie où je prends mon pain, cette délectable formule peinte sur un mur : Sarko dit qu’t’as tort.

    Pas très loin du musée des Beaux-Arts, cette invitation sur affiche:

    Rassemblement anti-Sarko

    Une dernière fête avant d’être

    remis au travail,

    envoyés en prison

    ou jetés dans un charter.

    Dimanche six mai, vingt heures trente.

    Hôtel de Ville, Rouen.

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  • Dernier vernissage ouvert à tous dans les locaux de la galerie Duchoze, bientôt propriétés de la Maison de l’Architecture de Haute-Normandie, la galerie se repliant dans son annexe et n’y étant désormais conviés que les vrais amateurs d’art, c’est-à-dire ceux qui ont les moyens d’acheter.

    Jean-Louis Clivillé est l’invité. Il peint des troncs d’arbre et des bottes, cela pourrait intéresser les ouvriers forestiers ou les égoutiers. Aucun d’eux n’est présent mais il y a là un marquis et deux ponques des plus réussis.

    L’exposition vite visitée, je me rabats sur le buffet et discute avec celle qui m’accompagne et l’une de ses amies de la difficulté d’avoir vingt ans et des parents. Le vin est bon et nous sommes bien chez notre hôte. De temps en temps, nous allons remplir nos verres à la pompe.

    Il est onze heures du soir lorsque nous nous apprêtons à partir, quatre heures que nous sommes là à discuter chaudement. Le maître des lieux dit au revoir à celles qui me précèdent :

    -Salut la jeunesse !

    Puis m’apercevant :

    -Ah vous, je sais qui vous êtes, j’ai vu votre photo, finis les vernissages chez Duchoze.

    Il est comme nous, il un peu trop bu, il parle fort et le discours est un peu incohérent. De mon côté, je ne suis plus en état de tout comprendre, ni de répondre. Celle qui m’accompagne est secouée de rire :

    -Tu es bien repéré maintenant.

    La faute à la photo de Bazart Magazine.

    Il ressort que je fais partie des pique-assiettes qu’il n’a plus envie de voir chez lui. A l’occasion de la très belle exposition précédente, celles des œuvres de John Christophorou, Daniel Duchoze a vendu un tableau au prix de soixante-dix mille euros (cinquante pour cent pour le galeriste) mais ce n’est pas moi qui l’ai acheté.

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  • La clientèle de la terrasse du bar où je prends un café tous les jours, je ne dis pas le nom, est drôlement représentative de la population française : elle est cent pour cent anti-Sarko. Le moral est bas donc. C’est bon pour les affaires du cafetier.

    Les filles d’à côté parlent de ça, de la mauvaise nouvelle à venir. Ce sont des étudiantes cultivées et clairvoyantes. Cependant, il ne se passe guère de temps avant qu’elles changent de conversation :

    -Trop jolie ta robe ! Tu l’as eue où ? Chez Zara ?

    Les musiciens de l’autre côté, c’est pareil, propos élaborés et subtils sur l’avenir politique immédiat mais tout à coup :

    -Ah, tu as vu, Manchester, ils se sont pris trois buts !

    Nous en sommes là : votez utile (paraît-il) et vivez futile (c’est sûr).

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  • Concert de l’Opéra de Rouen, dans cette maudite Halle aux Toiles où décidément le public se rend de moins en moins. Une salle loin d’être pleinement occupée (dire qu’en début de saison il était parfois impossible d’y obtenir une place) pour accueillir la gagnante du premier prix du concours international de musique vocale de chambre de Trévise, Grazia Doronzo.

    Accompagnée du pianiste Francesco Fraboni, elle interprète une série de lieder qui lui valent des applaudissements nourris. Jeune mais déjà physiquement une allure de cantatrice, la robe y est pour beaucoup. Où achète-t-on ces robes longues surchargées de dorures que portent les chanteuses d’opéra ? Y a-t-il des magasins spécialisés ? Telles sont les questions que je me pose, c’est dire si parfois je suis frivole.

    C’est jour d’enquête à l’Opéra, l’époque est aux pratiques participatives, on ne peut y échapper, et donc sondage auprès des spectateurs, une mademoiselle (comme dirait Arno) m’interroge sur mon degré de satisfaction ou d’insatisfaction et cherche à cerner en quelques questions peu subtiles quel genre de client je suis, je doute de l’utilité de la démarche mais je suis toujours charmant avec les jolies filles.

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  • En chemin à pied par les quais, l’autre jour, en direction du Hangar Vingt-Trois afin d’y ouïr Arno, je passe devant l’attrayante terrasse aux chaises colorées du Marégraphe et fais une amère découverte : l’installation de haut-parleurs extérieurs diffusant l’écœurante radio musicale que l’on devait déjà subir à l’intérieur, une nouveauté digne de la défunte Union Soviétique.

    Plus moyen d’aller y boire un café, au Marégraphe, dehors comme dedans, sans subir ce décervelage, une des meilleures terrasses de Rouen pour son emplacement mais interdite à ceux qui ont quelque chose dans la tête. Le bolchevisme est mort, ses navrantes pratiques demeurent, parfaitement intégrées au système marchand.

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  • Salle comble pour Arno, il est bien content que certaines et certains échappent au débat télévisé entre les deux du second tour.

    -Vous êtes dans la merde, hein ?

    C’est sûr et on l’était déjà la dernière fois qu’il est venu chanter à Rouen. C’était à l’Exo Sept, il y a exactement cinq ans, entre les deux tours des présidentielles.

    -Vous êtes dans la merde, hein ? nous avait-il dit à cette occasion.

    En ajoutant :

    -Quand vous faites un pet ici, ça sent aussi chez nous, en Belgique.

    A chaque fois qu’Arno passe par Rouen, ça va mal politiquement (et réciproquement). C’est le dicton du jour.

    En pleine forme le vieux Flamand, chanson sur chanson de sa voix d'outre bière (vingt-cinq ou trente, je ne sais, la plupart tirées de son dernier disque) pendant que les musiciens mettent le gros son, difficile de comprendre ce qu’il chante mais les cédés sont là pour ça, gesticulant, grimaçant et tirant la langue comme un enfant facétieux, moitié Droopy moitié masque d’Ensor, de temps en temps il s’offre une pause sur sa chaise, une chaise à l’allure bien épiscopale, me fait remarquer ma voisine de droite.

    -Il a dû la piquer dans une église d’Ostende, lui dis-je.

    A Ostende il nous emmène justement avec sa reprise bien connue de la chanson de Léo Ferré.

    Putain putain c’est vachement bien, un concert d’Arno, le genre de moment où quand on se demande si c’est utile et puis surtout si ça vaut le coup de vivre sa vie, on est bien obligé de répondre oui.

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  • Enfin lu le cahier central du Libération de jeudi dernier, acheté pour ses pages littéraires, quelque part en Bretagne. Je survole le reste du journal et que lis-je en page deux? « …retournement du maire de Rouen… Pierre Albertini, devenu mardi soir attraction du meeting de Sarkozy… ». Eh oui, un petit saut fissa de l’Udéheffe à l’Uhemmepé, version fat sot, pour le maire de Rouen.

    Pour une fois qu’on parle d’Albert (tiny), maire, ailleurs que dans Paris Normandie, c’est assez réussi. Ça ne vaut pas cependant le Besson sautant directement de chez Marie-Ségolène à la maison Sakorzy.

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  • Parcouru les rues de Rouen en tous sens pour y trouver une place de stationnement, un exercice rendu nécessaire aujourd’hui, l’île Lacroix, où je me gare toujours, sinistrée pour cause de vingt-quatre heures motonautiques, petit inconvénient pour moi, juste une voiture à loger ailleurs, peu de chose en comparaison du vacarme incessant que doivent endurer les habitants de ladite île, hommes et femmes pour la plupart de condition modeste (comme on dit), n’ayant pas les moyens de fuir et donc privés de sommeil, condamnés à entendre hurler toute une nuit les bolides flottants tournoyant autour de leur île, stupide course folle de mouches énervées dans une assiette de potage.

    Une médaille autour du cou pour les vainqueurs et une coupe à poser sur une étagère. Qu’importent le carburant gaspillé et la planète réchauffée.

    Beaucoup de spectateurs forcément. Il s’agit de sport. Comme au Mans, la voiture et la moto. Télévision régionale et caméras personnelles. Sur les ponts et sur les quais, ils attendent en masse le bel accident (il y en a eu de bien excitants ici, par le passé, et même avec mort d’homme mais cette prestation n’est pas assurée tous les ans). Oui c’est cela qu’ils veulent, collision ou chavirage au choix, l’important c’est d’enfin jouir.

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