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                Mercredi vers dix-huit heures trente, je suis l’un des premiers à entrer au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen où se déroule la soirée d’ouverture, il faut cela pour que j’aie place à une table. C’est plus pratique pour poser son assiette et son verre.

                Il y a foule pour la présentation du programme de la première moitié de saison suivie d’un repas et d’un spectacle, tous deux gratuits. Cela tourne assez vite à la loi de la jungle pour trouver une chaise. Je m’embrouille avec une dame blonde qui veut s’installer trop près de moi. Je lui demande de ne pas s’asseoir sur mes pieds, ce qu’elle n’apprécie guère. C’est la responsable de la programmation du café littéraire de l’endroit. Mes chances d’être un jour sollicité par elle pour lire mes textes au Trianon sont donc au plus bas.

                Quand les officiels locaux sont là, petit discours du député-maire, puis énumération sobre des rendez-vous à venir par le directeur de cette sympathique salle. Chacun(e) se lève pour aller se servir à manger, une nouvelle illustration du moi d’abord. Le vin n’est pas terrible mais la nourriture, due à un cuisiner municipal, est tout à fait correcte et puis, je ne paie pas, je ne vais tout de même pas me plaindre. Tout en mangeant, j’écoute mes voisins philosopher :

                -Ah bah dis donc, y a djà la Foire qu’est là et pis quand la Foire est finie et bah, c’est déjà Noël.

                Foumaniac, groupe de musique plus ou moins irlandaise, est maintenant sur scène. Les trois musiciens chanteurs sont vêtus d’un djine, d’un bonnet et du même polo à rayures, comme on trouve à la coopérative maritime. Ils jouent de la guitare, de l’accordéon, de la flûte et de la cornemuse de coude. J’aime bien quand ça reste irlandais, d’autant que je n’entends pas l’anglais. Lorsqu’ils passent au français, je saisis pourquoi ils ont fait la première partie d’Hugues Auffray lors de la dernière Armada. C’est vraiment gentillet. Il en est souvent ainsi avec les chansons folques. Ce pourquoi je préfère la musique de plouc dans une langue qui m’est étrangère, bretonne, corse, anglaise ou autre. Heureusement vers la fin, après un incident technique sur la guitare (qui amène sur scène un mineur de fond à lampe frontale), les Foumaniac repassent à l’anglais et à des morceaux traditionnels irlandais.

                Pas mal de chanteuses et un peu de chanteurs sont au programme de cette moitié de saison du Trianon Transatlantique. Je les ai toutes et tous écouté(e)s grâce à Internet. Une seule m’attire au point d’avoir envie de la découvrir, qui se nomme Marie Cherrier.

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  •             Rouen ne manque pas de ressources architecturales et en attendant que le Palais des Sports de Laurent le Fabuleux sorte de terre, ce sont deux autres palais rouennais qui sont d’actualité, l’un à nettoyer sérieusement, l’autre à détruire complètement.

                De passage derrière le Palais de Justice, je regarde les ouvriers qui installent les plates-formes sur lesquelles vont se poser les échafaudages nécessaires à la reprise de sa restauration. Le petit morceau encore tout noir de pollution sera donc nettoyé avant que le gros morceau nettoyé l’an passé ne redevienne tout noir. C’est le Ministère de la Justice qui paie. Albert (tiny), ancien maire de droite, qui n’y était pour rien, avait mis la première partie des travaux à son crédit lors des dernières municipales. Fourneyron (Valérie), nouvelle maire de gauche, sera peut-être plus raisonnable en ce qui concerne la seconde.

                Du côté du Palais des Congrès, c’est plus calme. J’observe juste la présence de trois hommes en costume noir descendus d’une voiture de même couleur immatriculée dans un département lointain. Ils discutent de la marche à suivre pour le mettre par terre. L’Espace Monet Cathédrale, juteuse opération immobilière, va le remplacer. Tant pis pour celles et ceux qui ont cru que la municipalité de gauche allait faire quelque chose contre. Les naïfs et les naïves ayant couru à la consultation dite de démocratie participative de la nouvelle maire en sont le cul par terre. Ils et elles voyaient là, par un raisonnement au ras des pâquerettes, un joli jardinet.

                La maire de Rouen fait aussi la marionnette chez les Guignols de Canal Plus, me dit-on.

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  •             Bien ridicules sont les politiciens quand ils veulent faire jeune. Je me souviens du Mythe Errant à la télévision magouillant avec le Mou Rousi : « Alors vous me direz vous êtes un président branché et je vous répondrai on ne dit plus branché, on dit chébran », ou de Laurent le Fabuleux, quand il avait encore des espoirs nationaux, se vantant, dans un livre signé de son nom, de regarder la Star Academy et d’aimer ça. A Rouen, en deux mille huit, Fourneyron (Valérie), maire, en rajoute une dose, purement locale, avec son « Génération RN’Bi ».

                RN’Bi pour Rouen Nouvelles Bibliothèques, c’est ainsi qu’elle nomme les morceaux de la Médiathèque qu’elle a renversée avec l’aide du Fabuleux, modestement devenu chef d’agglo. La main anonyme qui écrit pour eux dans le journal municipal Rouen Magazine me prévient, moi qui ne suis pas de la génération RN’Bi : « Aujourd’hui, la page des cathédrales de livres est tournée ».

                Je suis heureux de vivre dans une ville où la gauche se consacre aux choses modernes, comme la construction d’un Palais des Sports, excentré et coûteux. La page des palais des sports ne doit pas être tournée. Les sportifs et les sportives sont une espèce proliférante. Les lecteurs et les lectrices, une espèce déclinante. Pour la prochaine élection, c’est bien cela qui compte.

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  •             Un temps à ne pas mettre un camelot dehors ce dimanche matin et pourtant la plupart sont là, place de la Rougemare, luttant contre le vent et la pluie, pour ce vide-grenier tardif organisé par le comité de quartier Rougemare Beauvoisine. Pas de chance, et je me demande ce qui pousse des vendeurs et des vendeuses à s’installer dans ces conditions d’autant que pire est prévu pour l’après-midi, mais cela nous permet de profiter d’une éclaircie.

                Celle qui m’accompagne ne cherche rien, me dit-elle, et moi-même ne suis guère optimiste, d’autant que j’ai perdu en chemin mon sac fétiche, celui où je range depuis des années mon butin, pas étonnant si je ne déniche pas ici de quoi repartir content. Pourtant, il y des livres un peu partout.

                Je m’approche d’un étalage en cours d’installation.

                -Attention, voici un client, s’exclame l’un des vendeurs.

                -Oui, et le client est difficile, lui dis-je.

                -Je sais, vous êtes le roi des foires à tout, me répond-il. Vous allez être déçu, je n’ai pas de livres érotiques.

                Je le regarde un peu mieux, je ne sais pas qui il est.

                -Vous, vous avez dû lire quelque chose quelque part, lui dis-je.

                Il ne me répond pas, me montre un ouvrage consacré à Napoléon.

                -Il y a bien quelques anecdotes dans ce livre.

                Je le prends, le feuillette, mais il m’arrête :

                -C’est très mauvais. On me l’a offert et j’ai eu du mal à le lire jusqu’au bout. J’ai même écrit ce que j’en pense à côté de la dédicace de ceux qui m’en ont fait cadeau. Tenez, regardez.

                Il m’ouvre le livre à la page du titre. Effectivement, il y a un fossé entre la dédicace et le compte-rendu de lecture.

                Il se trouvera peut-être un fou de Napoléon pour acheter ça. Je salue ce mystérieux personnage et m’éloigne avec elle, songeant qu’il m’est aussi arrivé que l’on m’offre un livre extrêmement mauvais, ne me correspondant en rien, et qu’à cette occasion, on se sent vraiment furieux.

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  •             Un samedi en deux temps pour elle et moi, il s’agit, à l’invitation du service culturel de la mairie de Rouen, de fêter Duchamp dont c’est les quarante ans de la mort.

                A dix-huit heures, nous sommes en plein vent, avec de nombreux autres, face aux trois loustics de la Foirce dont le meneur entend soulever le bâtiment situé dans son dos, cette Cathédrale de plusieurs tonnes de haut. C’est du théâtre de rue avec ses défauts, ce comique de télévision un peu démago qui m’empêche de me laisser entraîner, et avec ses qualités, qui me font sourire et même parfois rire. Après pas mal de péripéties, la Cathédrale finit par bouger, puis est remise à sa place, et c’est quand même cela qui compte et qui aurait peut-être fait plaisir à Marcel (je ne recule devant aucune familiarité avec les morts, car c’est parmi eux que je trouve mes amis).

                A vingt heures trente, nous sommes à l’abri dans l’église Saint-Maclou où Hélios Azoulay et son Ensemble de Musique Incidentale donnent Musiques pour Marcel Duchamp. L’entrée est libre dans la limite des places disponibles, selon la formule rituelle. Des places disponibles, il en reste beaucoup mais Hélios Azoulay aime l’idée d’officier « pour les happy fews » dans cette circonstance particulière. Il rejoint ainsi Octavio Paz qui écrivait (je trouve ça dans ma boîte à citations) L’art pour Duchamp est un secret qui doit être partagé et transmis comme un message entre conspirateurs.

                Dès l’ouverture, l’esprit de Duchamp descend sur les conspirateurs et les conspiratrices avec une pièce pour orgue des mieux venues. Puis Hélios Azoulay exécute (il ne peut en être autrement) Porte-bouteilles, avant qu’Arnaud Kientz, baryton, et Laurent Wagschal, pianiste, donnent un bien réjouissant poncif L’Air du toréador de Carmen.

                Trois Gnosiennes suivent, gnosées par Hélios Azoulay qui « joue du piano comme un clarinettiste ». Entre chaque point du programme, à l’aide d’un micro qui donne à sa voix une sonorité d’outre-tombe, celui-ci se livre à de divertissants propos, évoquant Marcel Duchamp et ses amis (Erik Satie, John Cage, et cætera).

                Un Marcel Duchamp, nous apprend-il, qui meurt quelques minutes après avoir lu Alphonse Allais (je me souviens alors de mon grand-père m’affirmant, quand il me voyait trop longtemps en compagnie d’un livre, que la lecture est une activité dangereuse pour la santé). C’est l’occasion pour l’Ensemble de Musique Incidentale de jouer la Marche funèbre (composée pour les funérailles d’un grand homme sourd) d’Alphonse Allais, une œuvre qui prouve que chaque écrivain peut être un musicien.

                « N’importe qui, même un mauvais amateur, peut être un artiste et c’est là la vraie subversion » affirme Hélios Azoulay, reprenant implicitement Marcel Duchamp, et, après l’exécution du poncif des Nocturnes de Chopin, il nous montre quel brillant musicien était Marcel Duchamp lui-même (qu’il n’appelle jamais par son prénom, détestant ce genre de familiarité) en nous offrant par la voix d’Arnaud Kientz, en première mondiale, l’unique composition du susdit, intitulée Michel Cadoret.

                C’est le moment de l’Entr’acte, film de René Clair, au générique duquel figurent Marcel Duchamp, Man Ray, Erik Satie et Francis Picabia, projeté sur grand écran et dont la musique signée Erik Satie est jouée, au piano et avec brio, par Laurent Wagschal.

                Je ne raconte pas tout, les conspirateurs et les conspiratrices ne peuvent évidemment pas tout dire. J’ajoute juste que vers la fin de la cérémonie, il y a Music for Marcel Duchamp (pour piano préparé) de John Cage (celle qui est assise à ma droite note dans son carnet des premières fois que c’est la première fois qu’elle entend un piano préparé). Pour finir Word Event de George Brecht donne à Hélios Azoulay l’occasion de faire une belle sortie.

                Les conspirateurs et conspiratrices d’un soir se séparent sur le parvis de l’église Saint-Maclou et je me réjouis, bien que n’ayant pas forcément le goût des anniversaires, que la ville de Rouen n’ait pas oublié Marcel et ait fait autour de son nom, en ce début d’octobre deux mille huit, un peu de mousse, cela fait quand même quarante ans que Duchamp point.

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  •             L’impasse Saint-Claude a une vraie tête d’impasse. Une maison au mur décati obstrue le passage. Juste avant, à droite, est la galerie Emmanuel Perrotin où Sophie Calle demande Où et quand ? Je pousse la porte, immédiatement catalogué par les jeunes femmes présentes derrière le comptoir comme quantité négligeable. Cela ne m’empêche pas de visiter.

                Sophie Calle est allée voir une voyante, Maud Kristen, pour que celle-ci lui fasse vivre son avenir. Elle est prête à partir où on lui dira et pour faire ce qu’on voudra qu’elle fasse. En fait le jeu est faussé car la voyante sait qu’il s’agit d’une démarche artistique et qu’elle y participe.

                Un premier déplacement à Berck et un second à Lourdes sont narrés par textes et photos, complétés de vidéos et de néons. C’est intéressant comme du Sophie Calle, pas plus. Berck et Lourdes sont jouxtés du Gotham Handbook, une pratique similaire menée auparavant à New York sous la conduite de Paul Auster, encore un de ces écrivains dont j’aimais bien les premiers livres L’Invention de la solitude, La Trilogie new-yorkaise, et dont les derniers ouvrages me tombent des mains.

                Grâce à Sophie Calle néanmoins, j’apprends qu’on trouve à Lourdes un médecin dont l’unique travail est de s’occuper des guérisons miraculeuses. Il exerce dans un lieu officiellement appelé « Bureau médical (déclaration de guérisons) » et ne doit pas être débordé, de quoi faire rêver plus d’un(e) de ses semblables.

                « Je suis allée à Berck ET à Lourdes, les cartes savent désormais qu’elle peuvent m’envoyer n’importe où. », c’est la conclusion de Sophie Calle, qui n’en a pas trouvé de meilleure.

                Les jeunes femmes derrière le comptoir répondent vaguement à mon au revoir. Je m’éloigne de la galerie Emmanuel Perrotin en me demandant si c’est par hasard que Sophie Calle expose dans une impasse.

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  •             Mercredi, en chemin pour Paris, je lis Mes modèles, sous-titré « Souvenirs littéraires », de Jacques-Emile Blanche, le portraitiste bien accroché au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Ces souvenirs, mal écrits, dans une langue ampoulée et désormais désuète, sont publiés chez Stock. J’en suis au début. Jacques-Emile Blanche parle de la rencontre des deux génies (c’est lui qui le dit) de la littérature d’alors : Maurice Barrès et Anna de Noailles, aujourd’hui plus du tout lus (c’est moi qui l’écris), nous ne pouvions que favoriser un échange si naturel entre esprits de cette classe : les deux écrivains les plus fêtés, écrit Jacques-Emile Blanche, parlant de lui à la première personne du pluriel.

                Arrivé à Saint-Lazare, je me dirige vers le métro. A l’entrée, on distribue énergiquement Direct Matin, le journal gratuit de Vincent Bolloré (un ami du Tout Puissant de la République). Je refuse mon exemplaire et contemple dans la rame tous ces gens qui lisent le même journal, puis, le trajet fini, le jettent dans la première poubelle. Sur les murs de la station Châtelet, j’apprends la prochaine tenue du « Salon de Mariage et du Pacs ». Que le pacsage donne désormais lieu à salon, voilà qui montre bien la faculté d’adaptation du commerçant. Pas d’image sur l’affiche du métro, je ne sais pas à quoi ressemble la robe de pacsée.

                Je me livre à mes occupations habituelles puis, surpris par une drache ventée, je replie mon parapluie bancal et entre chez Mac Donald’s où je prends un café, près d’un groupe de ouaiches ouaiches qui s’adressent les uns aux autres en s’appelant « mon frère ». Un embobelineur vient les voir pour leur vendre de l’encens au profit, dit-il, du nourrissage des sans abris. Ces jeunes gens lui donnent de la menue monnaie puis quittent les lieux en abandonnant leurs plateaux sur les tables.

                Dehors, je suis attiré par de grands portraits en noir et blanc collés sur l’un des murs de la place. Ce sont les photos d’hommes et de femmes au visage un peu gras, dénoncés pour ne pas avoir mangé cinq fruits et légumes par jour. L’adresse d’un site Internet est donnée, permettant aux bon(ne)s citoyen(ne)s de dénoncer leur voisin ou leur voisine.

                Salade tomate oignon, mon kebab de midi me permet d’arriver à trois. Je ne peux ajouter les frites, il paraît que ça ne compte pas. Heureusement, ce soir, celle qui doit bientôt me retrouver m’offre un bon dîner cuisiné par ses soins. Je devrais pouvoir m’en tirer.

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  •             Tôt présent devant les portes fermées de la salle de la Halle aux Toiles où se produit pour l’Opéra de Rouen, Shigeko Hata, c’est la seule façon d’avoir une bonne place dans ce lieu inadapté à l’accueil du public assis. C’est de cela que ça cause autour de moi ce mardi soir.

                Une jeune handicapée se présente, soutenue par son compagnon. Elle demande à accéder à la salle. L’ouvreuse qui veille sur la porte fermée lui propose de s’asseoir sur l’un des sièges disponibles en haut du somptueux escalier. Elle répond que se lever d’un siège pour aller se rasseoir dans un autre lui est extrêmement pénible L’ouvreuse téléphone à l’ouvreuse en chef qui papillonne un peu plus loin avec son téléphone d’ouvreuse en chef toujours collé à l’oreille. Après parlementage, cette dernière va aux nouvelles dans la salle. Autour de moi on s’offusque, faut-il tant d’hésitations et de palabres pour faire entrer cette personne visiblement souffrante.

                A son retour, la virevoltante téléphoniste conduit la jeune femme handicapée et son compagnon dans la salle. Autour de moi, on grogne maintenant contre ces deux privilégiés bien assis dans la salle, alors que nous ça fait quand même presque trois quarts d’heure qu’on est là debout, à attendre.

                Je m’assois, le moment venu, à une place avec vue sur le clavier du piano. Shigeko Hata, robe rouge, et son accompagnateur, Karolos Zouganelis sont bientôt sur l’estrade. Leur talent a vite fait d’occulter la laideur du fond de scène. La soprane propose ce soir un programme éclectique et cosmopolite.

                Avant l’entracte, ce sont les Cinq mélodies populaires grecques de Maurice Ravel, puis des œuvres, à l’inspiration occidentale, de quatre compositeurs japonais du vingtième siècle, enfin deux fables de La Fontaine, mises en musique par André Caplet.

                L’entracte inscrit sur le programme n’est en fait qu’une courte pause. Messieurs dames ne quittez pas votre place, s’évertue à répéter la papillonnante à téléphone. Son succès est relatif. Parmi celles et ceux qui désobéissent, je vois la jeune handicapée, partie saluer une de ses amies. Elle revient s’asseoir tranquillement sur sa chaise alors que la lumière diminue pour la seconde partie

                Shigeko Hata offre maintenant des lieder d’Antonin Dvorak et de Richard Strauss et Cincos Canciones Negras du Catalan Xavier Montsalvatge. Elle a droit, et le pianiste aussi, à un tonnerre d’applaudissement (comme on dit).

                En bonus, elle donne une chanson américaine. Bernstein ou Gershwin, je ne sais déjà plus, Je les confonds toujours ces deux-là. C’est dire mon incompétence dans le domaine musical.

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  •             Le sixième pont de Rouen est ouvert à la circulation. On roule maintenant sur Flaubert. Je ne sais pas trop pour aller d’où à où. Certain(e)s doivent le savoir. Pour l’autre usage de ce plus grand pont mobile d’Europe, on verra plus tard. Il se lèvera de nouveau dans cinq ans pour laisser passer les voiliers de la prochaine fête de l’Armada (si elle a lieu), un luxe que Rouen mérite bien.

                Je le trouve beau ce pont. Dommage qu’il porte le nom de Flaubert qui n’en demandait pas tant, ayant déjà à Rouen un musée, une avenue, un café, un lycée, un arrêt de bus, j’en oublie peut-être, lui qui n’aimait pas les honneurs, écrivait-il, bien qu’il ait grenouillé pour obtenir la légion du même nom.

                Cela ne lui serait pas arrivé s’il avait rendu public les épisodes les plus scandaleux de sa vie (on ne connaît pas ici son voyage en Orient) car aujourd’hui il ne suffit pas d’être un grand ou un bon écrivain pour être inscrit chez les donneurs de nom de rue, il faut encore être correctement politique. Pas de rue Louis-Ferdinand Céline ou de rue Donatien-Alphonse-François de Sade où que ce soit en France, et ici à Rouen, pas d’allée ou de placette Jean-Pierre Duprey (n’avait qu’à pas pisser sur la flamme du soldat inconnu).

                Ce pont de plus ne changera pas grand-chose à la pesanteur locale, qui ne date pas d’hier, si j’en juge par la lettre qu’écrivait ce même Flaubert à sa nièce Caroline, le seize mars mil huit cent soixante-six : Pauvre loulou ! tu m’as l’air de t’ennuyer bien fort dans ta noble patrie ? C’est, quant à moi, l’invariable effet qu’elle me produit depuis mes plus tendres années. L’aspect de Rouen a quelque chose de mastoc qui vous écrase !

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