• Il a fallu que je m’inscrive dans le moderne réseau social Effe Bé pour entendre parler des Lundis du Kalif (concerts gratuits ouverts aux adhérents), lesquels doivent pourtant avoir lieu depuis longtemps.

    Ce lundi soir me voici donc rejoignant à pied la lointaine frontière entre Rouen et Darnétal avec en tête une vague idée de l’endroit où se cache cette école de musique. Je passe sous l’entrée du tunnel de la Grand-Mare et commence à m’inquiéter, infoutu de trouver le numéro trente-trois de cette rue de Darnétal. Une chouette hulule du côté de l’Ecole d’Architecture. Arrive un coureur à casquette et à musique dans les oreilles. Je l’arrête et il me renseigne. Ce Kalif est au fond d’un parquigne dans une zone que l’obscurité m’empêche de décrire.

    Je ne suis donc pas en avance pour une fois, mais juste à l’heure. Je paie une cotisation de six euros et découvre une salle dont le bar occupe une grande partie. On y a installé une scène de fortune.

    C’est là qu’un peu plus tard s’exprime Basquiat's Black Kingdom, défini par la maison comme une « hydre musicale à six têtes et quatre guitares » qui revisite « trois décennies de musique décomplexée, donnant naissance à un étourdissant post-rock heavy, progressif et cotonneux, abrasif et menaçant ». On ne saurait mieux dire, me dis-je à l’écoute des six musiciens.

    J’aime les guitares électriques depuis le temps lointain des Shadows et des Spotniks, dont la musique fraîche et naïve n’a que peu à voir avec celle, sophistiquée, que je prends dans les oreilles. Désormais pour jouer de la guitare électrique il faut aussi se servir de ses pieds.

    Pas moins de six caméras filment la prestation de Basquiat's Black Kingdom et quelques appareils photos sont également de la partie dont l’un entre les mains d’un homme qui l’utilise exclusivement pour faire des images du batteur caché derrière les guitaristes, son fils à en juger par la ressemblance physique. Le sixième homme est au clavier, assez discret.

    Ce concert a un côté : utilisons à fond l’électricité tant qu’il en reste. A l’issue, il suscite peu d’applaudissements. Les musiciens sortent dans une sorte d’indifférence, sans rappel, au point que je me demande si ce n’était qu’une première partie, mais non, me répond le jeune homme à l’ordinateur, c’est fini.

    Il n’est pas tard quand je me laisse descendre vers le centre de Rouen, l’oreille droite un peu abrasée. Au loin brille la Tour des Archives. En contrebas, des joueurs de foute disputent un match sur une pelouse violemment éclairée, couleur vert chimique. Vingt-deux heures sonnent à l’église Saint-Vivien.

    Sitôt rentré, j’allume mon ordinateur. Un mail me confirme mon adhésion au Kalif.

    *

    A l’aller et au retour, je passe devant le Couvent des Pénitents où devait s’installer, sous le nom de [REZO], la Maison des Arts et des Artistes dans le mirifique programme de Valérie Fourneyron, la maire socialiste de Rouen.

    Je cite : « Trouver toutes les informations sur les spectacles, sur les pratiques artistiques amateurs, se retrouver autour d’une exposition, d’un café littéraire, philosophique, d’une librairie ou d’une conférence, accueillir les organisateurs de manifestations culturelles, disposer de salles de réunion, d’un bureau d’accueil des publics, voilà ce qu'est [REZO]. Un beau projet qui, mené à l’échelle de l’agglomération, pourrait trouver sa place au cœur de Rouen. En accord avec la Région, le Cloître des Pénitents, quartier Croix-de-Pierre, sera ce lieu. »

    Bientôt, ce Cloître ou Couvent des Pénitents qui héberge actuellement l’Agence Régionale de l’Environnement de Haute-Normandie (appelée à déménager prochainement) sera vendu au privé, a décidé Alain Le Vern, Président socialiste du Conseil Régional. Que les Arts et les Artistes aillent se faire voir et entendre ailleurs.

    *

    Sur la Seine un Archange passe, lente péniche noire. Derrière un peu plus loin arrive Delvaux. J’essaie d’entrevoir les fines jeunes filles nues cachées derrière la dentelle des rideaux blancs.

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  • Dimanche, un peu avant quinze heures, celle qui m’accompagne et moi sommes devant la porte de l’Opéra de Rouen, considérant sur le parvis les branlotines habillées façon manga et attendant l’ouverture. Elle n’a pas de billet, en convoite un à cinq euros. Je la laisse attendre le dernier quart d’heure et monte à l’étage. Au bar, après le coup de règle sur les doigts des Douanes, on ne s’est pas pour autant mis à l’eau. Le vin est toujours de mise. Je me garde d’en boire ; notre déjeuner a été bien arrosé, apéritif, vin puis cidre pour accompagner la galette des rois. C’est elle qui a eu la fève, un surprenant casque de pompier.

    J’ai le temps de parcourir plusieurs fois la feuille pliée en deux qui fait office de livret programme. Eau, y lis-je, est une chorégraphie inspirée de l’ouvrage L’eau et les rêves de Gaston Bachelard et se compose de cinq parties évoquant l’eau source de vie, l’eau source de rêve, l’eau image de puissance masculine, l’eau victime de pollution et l’eau enfin apaisée.

    De quoi craindre le pire, d’autant que ce spectacle a été l’alibi, la veille, d’une conférence-débat sur L’eau en Haute-Normandie avec Carolyn Carlson elle-même, le directeur territorial de l’agence de l’eau Seine-Normandie, une hydrogéologue et le directeur du pôle eau de l’agglo élargie de Laurent le Fabuleau.

    Goutte d’eau dans la bassine, cette chorégraphie bénéfice du soutien du programme Rolex de mentorat artistique.

    Dans la fosse sont les musicien(ne)s de l’Opéra de Rouen qui jouent une musique aquatique de Joby Talbot sous la direction de Christophe Austin. Sur la scène évoluent les treize danseurs et danseuses, plaisants à voir si on oublie le message, ce qui est difficile, d’autant que Carolyn Carlson en rajoute une couche avec un poème projeté de Jean-Pierre Siméon quand il s’agit de faire comprendre au public que c’est pas bien de la salir l’eau. À ma droite reste un fauteuil libre, dommage, mais celle qui a eu (j’espère) une place de dernière minute, persuadée que c’est complet à l’orchestre et en corbeille, est sans doute montée directement au balcon. A la fin, tout le monde applaudit et sur scène on salue. Carolyn Carlson et Christophe Austin se font un bisou sur la bouche.

    Je la retrouve à la sortie. Elle est comme moi partagée.

    -Tout le monde a eu l’air d’aimer, lui dis-je.

    Elle n’en est pas persuadée.

    C’est que nous n’étions pas au milieu du même public.

    Autour de moi, beaucoup criaient « Brave eau ! Brave eau ! ».

    *

    La gauche la plus bête du monde ? titre Courrier International. Comment ne pas répondre oui, après la nouvelle candidature à la candidature de Marie-Ségolène l’illuminée et la sortie contre les trente-cinq heures de Manuel Valls le blaireux.

    Pour la droite, même plus besoin de présenter Fillion à la place de Sarkozy, le cheval boiteux a toutes ses chances dans la course de deux mille douze.

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  • Plusieurs fois que je ne participe pas aux vernissages de début d’après-midi à la galerie Mam rue Damiette mais ce samedi j’y vais. On y montre des œuvres du duo Bertran Berrenger et je garde un bon souvenir de ma visite de l’exposition d’eux au Musée des Beaux-Arts de Rouen en janvier deux mille sept.

    J’y suis à une heure, comme indiqué sur l’horaire, selon ma mauvaise habitude. On est loin d’être prêt. On s’active en façade et à l’intérieur. On craint la pluie à l’extérieur. Je discute avec l’une de mes connaissances. Passent le clochard aux deux sacs, des enfants qui tombent, des chiens qui tirent sur leur laisse, une fille qui va poser nue et n’en a pas envie. Puis plus personne n’est là. Ce cafouillage pourrait aussi bien faire partie de l’évènement.

    Il est deux heures moins vingt quand je me pose la question. Je reste ou pas ? Je choisis « ou pas » comme m’y invite le vrai faux carton de l’exposition collé sur la porte.

    *

    Dans Paris Normandie l’autre semaine, l’histoire de cette fumeuse de cannabis dénoncée par son aide-ménagère. L’insistance lourdingue du journal sur l’âge de la fumeuse, de l’ami à qui elle en envoyait un peu, de son fournisseur : soixante-deux ans, soixante-quatre ans, soixante ans. Ben quoi ? Dix-neuf ans, vingt et un ans, dix-sept ans en Mai Soixante-Huit.

    Et cette abrutie d’aide-ménagère, quel âge ? On ne sait pas. Ce qui est sûr, c’est qu’elle a reconnu du premier coup le produit stocké dans une enveloppe. Je trouve ça suspect. La Police devrait s’intéresser à elle.

    *

    Le correctement politique ne cesse de faire des dégâts. J’apprends par France Culture la parution aux Etats-Unis d’une nouvelle édition des Aventures de Huckleberry Finn dans laquelle le mot « nègre » a été remplacé (deux cent dix-neuf fois) par « esclave » et cela sous l’auspice d’Alan Gribben, l’universitaire spécialiste de l'œuvre de Mark Twain.

    M’en faisant l’écho sur le réseau social Effe Bé, je reçois un message de Saladin Sane : « Une pâtissière me disait récemment qu'on lui avait demandé de proscrire « tête de nègre ». »

    -Et le pet de nonne, on en fait quoi?

    « En poussant un peu plus profond les censeurs pourraient dénoncer le baba au rhum... baba désignant à l'origine l'orifice intime («l'avoir dans le baba »). » me répond-il.

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  • D’abord l’émission de télévision de je ne sais quelle chaîne qui montre des quidams se recevant les uns les autres et jugeant leur tambouille respective, un mauvais plat que j’ai avalé plusieurs fois chez quelqu’une qui m’est proche dont le compagnon évalue désormais les assiettes à l’aune de cette ineptie, y compris les miennes quand j’invite et ce n’est pas souvent que j’obtiens mon Céhapet de cuisinier, puis une autre personne de mon entourage qui se met à prendre des cours de cuisine, puis une émission de France Culture qui fait l’apologie du retour aux fourneaux des jeunes générations et reproche à celle de Soixante-Huit de n’avoir pas transmis le secret des marinades et des sabayons, puis le national sarkoziste ministre Frédéric Lefebvre qui propose une annuelle Fête de la Cuisine, puis le centriste de droite Hervé Morin qui présente ses vœux depuis sa cuisine l’œil dans le fait-tout, je n’en peux plus.

    Un tel phénomène s’est-il déjà produit ? Par exemple dans les années trente du siècle précédent ?

    *

    Une invention qui me plaît : l’imprimante à nourriture en trois dimensions créée par un laboratoire de l’Université de Cornell, pas encore dans le commerce, un jour peut-être, mais je ne l’achèterai pas (trop de boulot pour nettoyer les seringues).

    *

    Café rouennais, jeudi après-midi : une fille et un garçon qui furent ensemble (comme on dit). C’est elle qui mène la danse. Lui est un exemple-type de vierge mâle, comme disait Susan Sontag, inexistant, falot. Elle porte un chemisier déboutonné qui en laisse voir pas mal. Elle et lui étudient la médecine.

    -Et les photos de Facebook de nous deux, tu les as effacées ?

    -T’as pas l’impression d’être allé un peu vite dans cette histoire ?

    -Et pour la fille qui est en face de toi, dont t’étais censé être amoureux une semaine plus tôt ?

    -Dis-moi, quand j’ai eu ma petite crise et que j’ai appuyé comme une dingue sur la sonnette, elle était dans ton lit ?

    -Tu peux me le dire, je m’en fous maintenant.

    -J’ai rencontré un garçon qui n’est pas dans le milieu, un ingénieur du nucléaire, un soir bourrée dans la rue, mais j’ai pas envie d’en parler.

    -Des fois tu penses à moi ? Non ?

    -Et tes parents, ils savent ?

    -Et tu lui as fait un cadeau pour Noël ?

    -Est-ce que tu lui fêteras son anniversaire ?

    -Est-ce que tu la laisses conduire ta voiture ?

    -Je pense qu’elle te correspond pas. Moi, je vais la trouver la femme de ta vie. Tu veux que je te la trouve ?

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  • L’autre mercredi dans le train, je découvre Mihail Sebastian, écrivain roumain, l’un des plus importants du vingtième siècle, me dit le rabat de couverture de cet élégant livre bleu nuit au format de poche publié par L’Herne, collection Glose.

    Promenades parisiennes regroupe des textes parus dans des revues roumaines au tout début des années trente. Il y est question de Paris mais aussi des Alpes et des lectures de l’auteur (Gourmont, Gide, Stendhal, Jules Renard).

    J’aime beaucoup quand celui-ci raconte une conférence de Marinetti boulevard Malesherbes sous le titre Une soirée futuriste à Paris. Extraits :

    Il règne une atmosphérique de conspiration et de mystère qui n’est pas sans contraste avec la douceur parisienne de ce soir de printemps. Mais c’est une conspiration mondaine. Dans ce décor agressif, je reconnais, rassuré pour ma sécurité personnelle, un public parisien bonhomme et enjoué : des femmes aux robes troublantes, des hommes en smoking, des jeunes gens en tenue de ville… ( …/…)

    A neuf heures précises (j’aime cet ordre bourgeois dans une assemblée futuriste), on annonce Monsieur F. T. Marinetti, de l’Académie royale d’Italie. Un homme de forte corpulence monte d’un pas résolu sur l’estrade, scrute la salle, sourit, fronce les sourcils, déplace deux chaises, montrant ainsi une appréciable dextérité de la main gauche, puis les pieds fermement plantés sur le plancher, se lance. ( …/…)

    C’est la conférence d’un joyeux révolutionnaire. Contre la tradition, contre les musées, contre les bibliothèques ! A bas l’ordre, à bas la synthèse, à bas la métaphysique ! A bas l’esprit critique, à bas la tristesse, à bas le doute ! Nous voulons l’émancipation de la pensée, nous voulons l’offensive de l’individuel ! Vive l’optimisme, vive la guerre, vive le lyrisme ! ( …/…)

    Le vieil adolescent, fatigué de lancer à chaque mot un nouveau cerf-volant vrombissant, se met à théoriser. ( …/…)

    Nous apprenons surtout que Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Corbière, Régnier et Mallarmé (entendez-vous ? Mallarmé !) sont les précurseurs du futurisme. ( …/…)

    Mais je dois garder mon enthousiasme pour un poème italien, Le bombardement d’Andrinople. Marinetti s’enfle, se désenfle, de la fumée sort du sommet de son crâne, il ferme les yeux, il les rouvre, il trépigne, il s’interrompt brusquement et, d’une voix bien posée de baryton, entonne à l’improviste l’hymne national bulgare : Stroumi Maritza…

    Je ne reprends pas tout. Marinetti n’est pas seul en scène, interviennent également Prampolini, lequel montre ses tableaux qui font glousser les dames et Russolo, lequel joue avec son russolophone deux morceaux qui s’adressent peut-être à une sensibilité particulière.

    En art, Mihail Sebastian préfère les toiles de Marie Laurencin et de Maurice Utrillo et quand il assiste aux funérailles de Pascin, c’est par hasard, il passait par là, ne savait pas qui était ce Pascin dont il narre succinctement la mort :

    L’homme dont je suivais le cercueil s’était ouvert les veines et avait écrit avec son sang, sur les murs de sa maison, le nom de la femme aimée. Ensuite, la mort tardant, il s’était pendu.

    La fin de Mihail Sebastian ne fut pas mal non plus, comme le raconte le rabat de couverture de Promenades parisiennes : « Sorti vivant des années de pogroms et de déportations, il mourut sous les roues d’un camion militaire soviétique alors qu‘il se rendait à l’Université pour inaugurer son cours de littérature universelle. »

    *

    Rouen : la fête foraine de Noël se prolonge au-delà du raisonnable. Ce jeudi six janvier, vers seize heures trente, la grande petite roue du parvis de la Cathédrale, encore mouillée de pluie, tourne à vide.

    *

    Plus ridicule que le bonnet péruvien, la chapka (actuellement sur les têtes).

    *

    L’idée, ce serait de ne pas commencer tes phrases par l’idée, entraîne-toi (conseil gratuit pour qui est atteint).

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  • Le train pour Paris est à l’heure mercredi matin. Tandis que mes voisines font comme chez elles, l’une dans sa cuisine mangeant un yaourt, l’autre dans sa chambre posant sa tête sur un oreiller gonflable, je fais comme chez moi dans mon fauteuil, lisant Promenades parisiennes de l’écrivain roumain Mihail Sebastian (Glose L’Herne).

    Ma promenade parisienne me mène au soleil levant dans le Quartier Latin puis en début d’après-midi vers Beaubourg. Je visite les librairies mais me garde bien d’y acheter des livres, l’heure est au désengorgement de mon appartement.

    Un peu avant seize heures, je suis devant le Grand Palais avec en poche mes deux entrées coupe file pour l’exposition France 1500 (Entre Moyen Age et Renaissance) offertes fin deux mille dix par France Culture. J’attends celle qui étudie dans la capitale. Je me pèle sur le trottoir. J’observe les arrivant(e)s, essentiellement des bourgeois(e)s de belle vêture parmi lesquel(le)s beaucoup de vieux et de vieilles dont certain(e)s ont l’air de sortir de leur lit de mort et gravissent difficilement les marches.

    A seize heures précises, celle que j’espère sort de la bouche du métro et sans attendre nous entrons dans celle du Grand Palais. Il y a du monde, trop de monde, dans la semi obscurité. Nous cherchons les failles pour nous approcher des œuvres parmi lesquelles de très belles peintures et statues, de beaux vitraux et livres enluminés, de moins attrayantes tapisseries.

    Visitant le Louvre en mil neuf cent trente, Mihail Sebastian écrit : Je reconnais les Français à ce qu’ils parlent peu, qu’ils marchent lentement et que ce sont eux qui s’excusent si on les bouscule par mégarde. Ce mercredi au Grand Palais, il n’y a pratiquement que des Français(e)s. La marche lente est obligatoire. On se bouscule civilement. Je dois insister pour convaincre une vieille dame que ce n’est pas grave si elle m’a bousculé (ou si je l’ai bousculée). Une autre me rappelle ce qu’est un chambranle (ma question à celle qui me tient la main étant restée sans réponse bien qu’elle soit du bâtiment).

    Une dame se vante d’avoir vu l’exposition Monet d’à côté avec pas plus de dix personnes par salle.

    -Ah bon, c’était quand ? lui demande, incrédule, celui qui l’accompagne.

    -C’était une visite privée.

    Nous deux, on aime beaucoup les peintures de Jean Hey (une découverte) et je suis ramené à mes origines (Louviers, Gaillon, Rouen) par la grâce de Georges Premier d’Amboise, archevêque mécène. J’ignore tout de cette histoire, ne sais rien du château de Gaillon, n’ai pas les connaissances religieuses pour bien comprendre ce que je vois, mais qu’importe, ce qui m’intéresse, ce sont les êtres humains que je vois là si bien représentés, nous ressemblant.

    Elle me quitte vite quand nous en avons fini, vers dix-huit heures. Pour elle, une nuit sans sommeil, à travailler. Pour moi, un train à l’heure vers la Normandie, dans lequel je termine les Promenades parisiennes.

    A Rouen, mercredi soir, il pleut et pas qu’un peu.

    *

    Une suggestion pour les journalistes en mal d’idée de reportage. Les visites privées des grandes expositions : qui les organise, qui en profite, etc.

    *

    Une question dont je connais la réponse. Jusqu’à quand les critiques littéraires de Libération, de France Culture, et autres, prendront-ils Philippe Sollers pour un grantécrivain ? Jusqu’au lendemain de sa mort, quand ce grand manitou de l’édition ne pourra plus leur être utile.

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  • L’autre raison de ce choix, c’est qu’auteur publié dans des revues, je n’ai quasiment jamais eu le moindre retour de celles et ceux qui m’y lisaient.

    Là encore, je fais exception pour Supérieur Inconnu, Sarane Alexandrian me racontait ce qu’on lui disait de mes écritures, qui les aimait et qui ne les aimait pas (un de mes détracteurs : Jean-Dominique Rey, le sous-directeur de la revue, contre lequel Alexandrian dut plusieurs fois batailler afin que j’y sois publié).

    Pour toutes les autres revues, en quinze ans, je n’ai reçu que quelques lettres de lecteurs et lectrices, pas plus que les doigts d’une main.

    Après un court échange de missives, mes correspondant(e)s en venaient au fait : ne pourrais-je pas acheter leur dernier recueil de poésie publié par un petit éditeur sans diffuseur ?

    *

    Dans La Vignette d’Aude Lavigne sur France Cul, l’autre semaine, l’intéressante notion de « parenthèse d’oubli » expliquée par le magicien Etienne Saglio. Cette parenthèse d’oubli est un geste anodin et inutile destiné à faire oublier au public le geste précédant, lequel était primordial pour la réussite du tour, afin que ce même public soit stupéfait par le geste suivant, lequel marque le dénouement et la réussite du tour de magie.

    Il n’y a pas que les magiciens qui l’emploient, me suis-je dit, aussi les politiciens, aussi les vendeurs et démarcheurs en tout genre.

    *

    Titre d’une info Yahou : « Elle nettoie la cage du tigre, il l’attaque ». Il est pas gentil le tigre.

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  • S’il est un travers dont je me suis bien gardé, ce fut de m’abonner à une revue littéraire dans le but d’y favoriser la publication de mes nouvelles.

    Je m’y suis parfois abonné après la parution de mes textes, envoyés sans l’appui de quiconque. Ainsi en fut-il pour Verso, Filigranes, Décharge, Diérèse, Traversées, Supérieur Inconnu.

    De cette dernière, j’ai même acheté les numéros parus avant que j’en fasse la découverte à la librairie rouennaise L’Armitière, (celle d’avant Matthieu de Montchalin) et puis Sarane Alexandrian, le directeur de Supérieur Inconnu, est mort, lui qui ne manquait jamais de me faire signe, de me demander des textes lorsque le thème du numéro à venir correspondait à mon univers.

     Est-ce cet évènement qui fut le déclencheur ? Je n’ai pas envoyé le moindre texte en deux mille dix à quelque revue que ce soit. 

    Il faut dire que j’avais déjà renoncé à solliciter Décharge, dont le directeur s’était salement conduit à mon égard (déjà raconté ça dans ce Journal), puis Traversées, dont le directeur en lieu et place de son courrier manuscrit ne m’envoyait plus que des lettres circulaires (c’est que je suis susceptible).

    Restaient Verso, Filigranes et Diérèse, dont les directeurs ne se sont pas le moins du monde inquiétés de mon silence. Pas une lettre ou un mail venus d’eux pour me demander ce qui se passait, pourquoi plus de courrier de ma part, pourquoi plus de textes envoyés. J’aurais aussi bien pu être mort, nul dans ce petit monde des revues littéraires ne s’en serait soucié.

    Je n’ai reçu un courrier de ces trois revues que lorsque est venu le temps de mon réabonnement, un petit papier me demandant mon dû. Celui du directeur de Diérèse était accompagné de ces mots : « En souhaitant que se soit bien passée votre année scolaire » (Cela fait cinq ans que je suis à la retraite, Daniel, vous l’avez manifestement oublié).

    A quoi bon continuer à écrire et à faire publier ce qui n’est lu que par une poignée d’abonné(e)s et même pas attendu par des directeurs de publication submergés de textes, maintenant que je peux écrire ce qui me plaît vraiment, ce Journal, lu par bien davantage grâce à cette invention nommée Internet.

    C’est ce que je me suis dis, d’abord implicitement puis explicitement.

    *

    Une envie passagère lors de la visite le deux de l’An du Musée des Beaux-Arts de Rouen : revenir là avec une scie pour sauver ce qui est intéressant dans ces immenses tableaux mythologiques et historiques, en faisant, avec ce qu’on appelle des détails dans les livres d’art, d’intéressants tableaux de petites dimensions. Jeter le reste.

    *

    Lycée Camille Saint-Saëns : jeunes gens coiffés vers l’avant avec pour peigne le vent arrière.

    *

    Deux mille onze, une seule certitude : pire que la précédente.

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  • Elle arrive du bout de la Manche le soir du trente décembre, ce qui nous laisse le lendemain pour être à même de bien passer à la nouvelle année.

    Avant qu’arrive l’heure, nous allons voir à l’Omnia République Le sentiment de la chair de Roberto Garzelli, film montrant la rencontre d’une étudiante en dessin anatomique un peu givrée avec un radiologue qui ne demande qu’à le devenir. Nous sommes quatre dans la salle. Cela se regarde et se termine comme on pouvait s’y attendre, public sensible s’abstenir disait le programme.

    Plus intéressant est le luxueux ouvrage consacré à Clovis Trouille (publié chez Actes Sud) que nous regardons au retour.

    Vient le moment de réveillonner et de s’embrasser sous le gui à minuit.

    Le premier jour de deux mille onze, nous quittons Rouen l’endormie et arrivons à Dieppe un peu avant midi. Ici, nous nous sentons bien. Nous mettons nos pas dans ceux de Delacroix (qui y venait souvent en vacances) en commençant par le quartier du Pollet. Au café Jehan Ango, un « bonne année » venu du comptoir nous accueille sitôt la porte franchie. Nous prenons une boisson chaude avant de faire le tour du port de pêche puis d’aller saluer la mer et ses galets. Une nouvelle pause café chocolat puis nous retrouvons la voiture garée au dessus du château.

    De retour à Rouen, vers seize heures, nous attaquons le second repas de fête qui nous mène à une longue nuit dont nous sortons pour un petit tour au marché puis une visite exhaustive du Musée des Beaux-Arts dont l’entrée en ce premier dimanche du mois est gratuite. Pas trace du Trajan d’Eugène Delacroix mais de nombreux Vincent Barré et Sylvain Dubuisson, artistes contemporains exposés ensemble sous le titre Nous. Du premier, nous ne retenons rien ; du second, quelques meubles et objets disagne ainsi que son habitation cylindrique nommée Diogène.

    Certaines des chaises de gardien(ne)s intéressent vivement celle qui m’accompagne. Elle en soulève une pour en connaître l’origine. Elle est signée Vitra. Je demande à la surveillante qui nous lance des regards inquiets s’il n’y en a pas à donner. Elle me répond qu’il n’y en a pas beaucoup dans le musée mais je peux peut-être demander au conservateur.

    C’est toujours étrange d’être pris au sérieux quand on plaisante.

    *

    « Il est vrai que je n’ai jamais travaillé en vue d’obtenir un grand prix à une biennale de Venise quelconque, mais bien plutôt pour mériter dix ans de prison et c’est ce qui me paraît le plus intéressant. » Clovis Trouille (Lettre à Maurice Rapin, dix-sept mai mil neuf cent cinquante-neuf)

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